Vaincre le chômage en rééquilibrant la répartition du travail
En présentant son projet le 24 septembre à Malakoff, Bastien Faudot est entré dans la seconde phase de sa campagne - commencée le 7 février 2016 - en vue de l'élection présidentielle, dont le premier tour aura lieu le 23 avril 2017. Il est le candidat du Mouvement Républicain et Citoyen (MRC).
Voir le texte (DISCOURS DE MALAKOFF) et la vidéo du discours de Malakoff
Dans son introduction, le candidat a précisé ceci :
La France, notre Nation, est indissociablement un modèle politique, culturel et social. Ce modèle est aujourd’hui percuté par les dérèglements du monde auxquels il est temps d’apporter une réponse. Cette réponse a une dimension défensive car nous avons un patrimoine commun à préserver, une identité collective qui repose très largement sur l’idéal républicain. Cette réponse doit aussi être offensive. J’invite les citoyens à se rassembler pour penser, imaginer et promouvoir une République qui parle au monde, mais une République qui ne renonce pas à elle-même.
Le projet que j’entends présenter aux Français repose sur cinq piliers, cinq orientations majeures pour aborder les temps qui viennent. Ces piliers incarnent la gauche républicaine que nous représentons : notre ambition, notre belle ambition, c’est la reconquête de la souveraineté populaire et nationale pour réussir la transformation sociale !
Le premier pilier, c'est la démocratie. Le deuxième, c'est l'Europe. Le troisième pilier, c'est le travail. Voici ce qu'il en a dit.
Le travail, l’organisation du travail est au coeur de cette ambition.
La reconquête des instruments de la souveraineté politique permettra enfin d’engager une politique économique et sociale audacieuse. Le travail, l’organisation du travail, est au coeur de cette ambition.
Le troisième pilier de mon projet consiste à vaincre le chômage et à retrouver enfin le plein emploi. Oui, vous m’avez bien entendu, j’ai dit : le plein emploi. C’est une exigence parce que rien n’est plus protecteur pour les salariés que le plein emploi. Le chômage est une calamité pour les chômeurs, mais il pèse aussi sur ceux qui travaillent. Le chantage à l’emploi, la peur du déclassement sont omniprésents dans le quotidien de nos compatriotes.
Ma génération est née avec le chômage et a vécu avec l’inexorable montée de la courbe du chômage. Jusqu’ici, personne ne l’a vue s’inverser, malgré les promesses et les prophéties que les responsables politiques ont multipliées depuis quarante ans. Les libéraux abordent la question du travail par un biais individuel qui consiste à renforcer la concurrence de tous contre tous. Cela peut être vrai, mais pour une minorité. Je propose une approche diamétralement opposée.
Dans les faits, 6 à 7 millions de Français sont aujourd’hui en dehors du marché de l’emploi. La raréfaction du travail connaît des causes multiples : le progrès technologique a détruit davantage d’emplois qu’il n’en a créés, la mondialisation organise un système de concurrence parfaitement déloyal, et la pression exercée par les exigences de rendement du capital encourage la productivité qui repose sur un nombre de plus en plus réduit de salariés.
Il faut d’abord comprendre d’où l’on part. La France est un pays très actif. Sur ce point, il convient de combattre les mensonges des libéraux qui ont pour effet de culpabiliser la France qui se lève tôt et celle qui n’a pas la chance de se lever tôt. D’abord les Français travaillent : 37 heures et demie par semaine en moyenne, davantage que la plupart de nos voisins. Non seulement les Français travaillent, mais en plus ils sont productifs : 50 % de plus que la moyenne européenne, et 25 % de plus que la moyenne de la zone euro, devant l’Allemagne.
Alors, quel est le problème du marché du travail en France ? Au fond il est simple : la répartition du travail est l’une des plus déséquilibrées du continent. D’un côté nous disposons d’un réservoir de cadres moyens et supérieurs qui travaillent souvent plus de 50 heures chaque semaine, de l’autre, une masse considérable d’actifs inoccupés. Ce déséquilibre est au principe de la violence des relations sociales entre « assistés » et « assistants », entre ceux qui perçoivent les politiques de solidarité et ceux qui les financent. Ce déséquilibre est mortel pour le contrat social. Il entame le consentement à l’impôt et fracture la société. Cette réalité n’est pas un accident : les libéraux organisent l’affrontement entre les classes populaires et les classes moyennes. Nous devons donc agir pour les rassembler car leurs intérêts sont les mêmes.
Les progrès de l’intelligence humaine ont permis des révolutions technologiques considérables depuis la vapeur, l’électricité, l’industrie à la chaîne, l’informatique et désormais la robotique et les nanotechnologies. Ces révolutions techniques ont eu un double effet : elles ont simultanément détruit du travail humain et renforcé considérablement la productivité. Les Français travaillaient 3700 heures par an au XIXe siècle contre 1500 aujourd’hui. Ce mouvement est mondial : aucun pays n’a augmenté la durée du travail à moyen et long terme.
Bâtir une société de plein emploi implique donc de faire un effort massif de répartition du travail pour assurer à chacun des citoyens un rôle et une utilité sociale. La justice sociale, ce n’est pas seulement la répartition des richesses. C’est d’abord la répartition de la production des richesses. Cette logique doit permettre à la France de travailler davantage, de développer la production, de relancer la demande au service d’une politique de croissance.
Les actifs occupés travaillent en moyenne 60 000 heures dans une vie. L’enjeu est de faire baisser la moyenne d’environ 15 %, à 50 000 heures pour permettre à tous de produire, de contribuer et de participer au pacte social.
Il y a deux grands leviers à notre disposition : la durée légale hebdomadaire et l’âge de départ à la retraite. Il convient de les moduler pour permettre à chacun de prendre sa part. La désindustrialisation ne procède pas des 35 heures. Elle résulte de la financiarisation de l’économie. Mais la répartition du travail et de la production nous impose de restaurer l’équilibre entre les revenus du travail et ceux du capital pour desserrer l’étau.
Naturellement, cette répartition du travail suppose d’être financée sans pénaliser la compétitivité de nos entreprises qui sont soumises à une féroce concurrence mondiale. J’irais plus loin, il faut se saisir de cette grande réforme pour renforcer la compétitivité de nos entreprises. Je ne suis pas un décroissant. Je veux une France qui produit, une France qui investit, une France qui innove.
Ma proposition consiste à assortir la réduction individuelle du temps de travail à un transfert massif des cotisations sociales vers un impôt universel sur le revenu qui fusionne l’impôt sur le revenu actuel et la CSG. Je propose aussi de créer un véritable impôt sur les successions des grandes fortunes.
La revalorisation du travail, qui passe aussi par une lutte sans merci contre la concentration vertigineuse du capital, implique donc une révolution fiscale. Cette révolution ne doit pas être confiscatoire, mais elle requiert que chacun contribue, à proportion de ses facultés, au financement de la solidarité nationale.
Par ailleurs, cette nouvelle organisation du travail devra être accompagnée d’une politique volontariste en matière de réindustrialisation du pays. Le développement de la croissance et de l’économie de production passe par une loi de séparation bancaire stricte entre les banques de dépôt et les banques de financement pour nous prémunir d’une nouvelle crise financière, bien sûr, mais aussi pour canaliser les financements vers l’économie de production.
La politique monétaire devra accompagner ce mouvement : je proposerai d’introduire dans les statuts de la nouvelle Banque de France un objectif de croissance et de plein emploi aux côtés d’un objectif d’inflation relevé à 4 %, comme le recommande d’ailleurs déjà le FMI. Enfin, la politique monétaire devra favoriser une dépréciation du nouvel euro franc de l’ordre de 20% pour soutenir la compétitivité de nos entreprises à l’exportation et résoudre enfin le déficit de notre balance commerciale.
J’ai conscience que ce projet constitue une véritable révolution. Je l’assume pleinement car nous n’avons plus le temps d’amuser les Français avec des mesurettes prétendument modernes. Quelqu’un de sérieux peut-il nous dire combien de croissance supplémentaire, combien d’emplois ont été générés par les bus Macron ?
J’entends déjà les cris d’orfraie des libéraux qui proposent aux Français de la sueur et des larmes. Ce n’est pas difficile de les repérer, ils disent tous la même chose : Macron, Juppé, Le Maire, Sarkozy, Fillon, et demain peut-être aussi le président sortant. Les libéraux de 7 à 77 ans croient, comme ils ont toujours cru, à l’infaillibilité du marché. Ils veulent remettre en cause les 35 heures, réduire la “pression fiscale”, défaire le droit du travail. Grand bien leur fasse ! Je regardais récemment une affiche de propagande des années 30 contre la loi des 40 heures. On y voit un ouvrier poussé par les syndicats dans le précipice des 40 heures hebdomadaires. Au fond du ravin, il y a des mots, toujours les mêmes : “misère, chômage, prix de revient majoré, vie plus chère”. En bas de l’affiche, il y a une légende : “Une fois de plus trompé par l’Internationale, le travailleur français se laissera-t-il prendre au mirage ?”. Cette affiche était éditée par une organisation de droite qui s’appelait “Ordre et bon sens”. La droite ne change pas de langage. Elle ne change pas tout court. Elle ne changera jamais.
Cet article est le 2931ème paru sur le blog MRC 53 - le 155ème catégorie Gauche France