Le ministre Le Maire avait fait couper les contrôles de l’Etat
Lactalis, leader mondial de la transformation du lait, est mayennais. Voir Histoire - Lactalis et Cinq choses à savoir sur Emmanuel Besnier
La discrétion et, même, le secret, que le dirigeant met en avant dans la gestion de son groupe industriel*, ont été mis à mal à partir du moment où l’affaire de la contamination des laits infantiles par des salmonelles a éclaté. Voir :
- (7 février 2018, CiViQ) : La persistance de salmonelles dans l'usine de Craon fait chuter Lactalis
- (8 février 2018, MRC 53) : Les leçons à tirer de l'affaire des laits infantiles contaminés Lactalis
Ces deux dernières semaines, des faits rapportés par la presse ont amené les citoyens à s’interroger à propos des responsabilités de l’industriel - il en a la plus grande part, car il a dissimulé des informations sur la persistance des salmonelles depuis 2005 dans l’usine de Craon - mais aussi des pouvoirs publics, qui ont coupé (divisé par six, semble-t-il) les moyens financiers accordés aux organismes de contrôle, considérant que le contrôle sanitaire devait être effectué par l’industriel lui-même, avant de mettre sur le marché le produit. Et cela à l’initiative du ministre, très libéral, de l’agriculture, Bruno Le Maire (sous la présidence Sarkozy).
N’est-il pas cocasse d’observer les déclarations de ce même Bruno Le Maire, affirmant, en tant que ministre de l’économie et des finances, cette fois-ci sous la présidence Macron « L’Etat s’est, le 9 décembre, substitué à une entreprise défaillante dont je rappelle qu’elle est la seule responsable de la qualité et de la sécurité des produits mis sur le marché » ? (Voir, 12 janvier 2018 : Lait contaminé: Lactalis convoqué à Bercy).
Ce qui avait amené l’avocate de Quentin Guillemain, à l’origine de la première plainte dans cette affaire, à rétorquer : « Le constat est que tout le monde se renvoie les responsabilités et personne n’accepte d’assumer les défaillances globales de la chaîne, de la production dans l’usine de Lactalis à la mise en vente par les groupes de distributeurs ».
Christian Hutin, député MRC du Nord, à nouveau Président du Groupe d'études Amiante de l’Assemblée nationale, a proposé, le 26 janvier 2018, avec son groupe Nouvelle Gauche et apparentés, la création d’une commission d’enquête chargée de tirer les enseignements de l’affaire Lactalis et d’étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d’information.
Extrait : Le député socialiste Dominique Potier, qui a qualifié les faits d'"expérience dramatique et grave", a prôné devant ses collègues un "rééquilibrage entre la puissance publique, le droit et la puissance privée". Certains, parmi ses collègues députés, sont beaucoup plus réservés sur ce point, sachant que « Lactalis demeure, en France, un des fleurons de la filière agroalimentaire », selon l’expression de Thierry Benoit (UDI, Agir et indépendants).
La Commission d'enquête risque par ailleurs de voir son champ d'action largement réduit en raison de contraintes inscrites dans le règlement de l'Assemblée nationale et dans l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
Par ailleurs, un sénateur communiste, Fabien Gay (Seine-Saint-Denis), membre de la commission des affaires économiques du Sénat, s'est rendu à Craon pour "comprendre" la crise de la salmonelle et la gestion de crise de Lactalis. Le sénateur a rencontré quatre producteurs de lait mais n'a pas pu échanger avec les salariés. C’est un spécialiste des questions industrielles et agroalimentaires du territoire. Voir (France Bleu Mayenne, Martin Cotta, 9 février 2018) : En visite à Craon, un sénateur communiste dénonce une faillite collective dans l’affaire Lactalis
Le parlementaire a participé à plusieurs auditions au Sénat : celle de Michel Nalet, le porte-parole du géant laitier mayennais mais aussi de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) chargée des contrôles dans les usines de France. D'après lui, le scandale de la salmonelle n'est pas que la responsabilité de Lactalis. C'est aussi celle de l'État car même les contrôles de la DGCCRF n'ont pas permis l'année dernière de détecter la bactérie dans l'usine de Craon.
D'après Fabien Gay, des salariés de Lactalis ont refusé de le rencontrer "par peur". Le sénateur communiste dénonce "une chape de plomb" sur les employés Lactalis. "Je comprends leur silence, tout le monde connaît quelqu'un qui travaille chez Lactalis. Il y a cette volonté de ne pas parler pour ne pas être sous les foudres …"
Voir aussi (leglob-journal.fr, 9 février 2018) : Lactalis, une « emprise, et une chape de plomb surréaliste sur la Mayenne »
Le syndicalisme a été longtemps réprimé dans cette entreprise. Les délégués CFDT étaient pourchassés dans les années 1970-1980. Actuellement, il existe une organisation syndicale représentée, la CFTC. Thierry Peschard en est le représentant au sein du groupe. Voir (Le Monde, 17 janvier 2018) : Lactalis : « L'usine de Craon va redémarrer », mais « pas de date à l’heure actuelle
* Le secret fait partie de l’ADN de cette entreprise, au point qu’elle refusait de publier ses comptes, ce qui est pourtant exigé par la loi. Elle aurait infléchi sa position à la suite des évènements récents. Voir (France3-regions, 19 février 2018) : Lactalis publie une partie des comptes de ses sociétés.
Voir aussi ce qu’en dit Laetitia Cherel, de la cellule investigation de Radio France, 19 février 2018 : "Je ne connais aucune autre grosse entreprise qui se comporte de la même façon" : plongée au cœur de la stratégie du silence de Lactalis
Pourquoi le problème n’a-t-il pas été réglé en 2005 ? Quelles mesures le groupe Celia a-t-il prises après la contamination, puis le groupe Lactalis quand il a racheté le site de Craon, un an plus tard en 2006 ? Ni la préfecture de la Mayenne, ni les ministères de l’Agriculture ou de l’Économie n’ont accepté de répondre aux sollicitations de franceinfo sur ce point.
Voir aussi
- (France Inter, 17 février 2018) : Lactalis : les dessous d'une crise
- (France.tv, 16 janvier 2018) : Replay Cash Investigation - Produits laitiers : où va l'argent du beurre ...
Cet article est le 3056 ème sur le blog MRC 53 - le 440ème, catégorie AGRICULTURE et PAC