La surproduction de lait, effet de la fin des quotas, cause de la baisse des prix
André PFLIMLIN a réagi après la décision prise par le Conseil de l’Union Européenne de suspendre l’intervention sur la poudre de lait. Il avait écrit, le 22 janvier 2018, une analyse complète de la question des stocks de poudre de lait.
Voir EMB (European Milk Board) : Comment éviter une nouvelle crise laitière en 2018 ?
Et aussi (Réseau CiViQ, 25 janvier 2018) : André Pflimlin : une nouvelle crise laitière en perspective en 2018 (4)
Il a transmis un texte le 2 février, diffusé par EMB, dans son bulletin de février 2018. Voir :
- Avec la suspension de l’intervention, la crise laitière est annoncée
Voir aussi André Pflimlin : une décision de l'UE annonce la crise laitière en 2018
Il a complété ce texte par un rappel historique portant sur le stockage en tant que méthode d’intervention utilisée par la Commission européenne en faveur du soutien aux prix payés aux producteurs.
Bref rappel sur l’intervention et sur l’origine des stocks de poudre de lait
Le stockage public via l’intervention est l’une des dernières mesures restantes de la politique laitière des débuts de la PAC. Cette intervention porte principalement sur les deux parties utiles du lait, le beurre et le lait écrémé, ce dernier sous forme de poudre après séchage, ces deux produits étant alors faciles à stocker, à transporter et pouvant être facilement réutilisés par la suite.
Le prix d’intervention avait été fixé à un niveau assez élevé dans la période d’avant quota puis maintenu jusqu’à la décision de sortie des quotas en 2003. Depuis, le prix seuil déclenchant les achats publics a été nettement abaissé; il est actuellement de 1700€ par tonne de poudre de lait écrémé (PLE ou poudre maigre) et de 2770€ par tonne de beurre (valeurs arrondies). Cela correspond à un prix du lait reconstitué à 220€ par tonne, ce qui est très en-dessous des coûts de production de la très grande majorité des éleveurs européens. Ces coûts se situent plutôt entre 350 et 400€ /t, à l’exception des Irlandais dont les coûts sont inférieurs de l’ordre de 100€ /t en raison d’un climat très favorable au pâturage et d’un modèle de conduite très simplifié.
La suppression des quotas en avril 2015 a relancé la croissance laitière et, par suite, la surproduction dans toute l’Europe, entraînant la chute des prix sur le marché mondial et à la ferme. En 2015, le prix de la poudre avait fortement baissé sans franchir le seuil de l’intervention. Par contre, en 2016, les cours mondiaux et européens de la PLE sont tombés en-dessous du seuil de 1700€/t, entraînant des achats massifs pour le stockage public et dépassant rapidement le plafond communautaire des 109 000 tonnes de PLE.
Au cours du 1er semestre, sur proposition du Commissaire Hogan, le Conseil accepta alors d’augmenter le plafond par deux fois (expliquant les stocks actuels), écartant l’option d’un soutien à la réduction de la collecte.
Ce n’est qu’en Juillet 2016 que le Commissaire a proposé et le Conseil a décidé l’aide à la réduction volontaire des livraisons, qui a été mise en route dès octobre. Cette mesure a connu un large succès auprès des éleveurs européens et a bien contribué au redressement des prix en 2017.
C’est dans ce contexte qu’il convient d’analyser la pertinence de la suspension de l’Intervention en 2018, sans autre proposition que celle de l’autorégulation au sein de la filière ! Après l’abandon des quotas au nom de la compétitivité pour conquérir le marché mondial, donc en jouant la concurrence de tous contre tous, la Commission vient de retirer le dernier filet de sécurité pour les éleveurs, en suspendant l’intervention.
Cet article est le 3050 ème article sur le blog MRC 53 - le 437ème, catégorie AGRICULTURE et PAC