Comment structurer la mobilisation populaire et élargir les enjeux ?
Après la mobilisation réussie du 17 novembre 2018 - voir Les Gilets jaunes pourraient faire converger les électorats populaires - les « Gilets jaunes » ne désarment pas. Moins nombreux, ils continuent leur présence active dans les rond-points des périphéries des villes et villages, comme je l’ai constaté ce 20 novembre à Saint-Berthevin à l’entrée ouest de l’agglomération de Laval, en Mayenne.
Je leur ai posé la question « Et maintenant, qu’allez-vous faire ? ». La réponse n’est pas évidente. Voici les réflexions du comité de la Manche du Mouvement Républicain et Citoyen (MRC), qui m’a été transmise par son responsable, Jacques Declosmenil. Voir (28 janvier 2012) : Saint-Lô (Manche) : itinéraire de Jacques Declosmenil, militant sincère.
ET MAINTENANT ?
Le prix des carburants et les taxes sont l’élément déclencheur d'un mouvement de contestation générale dont la lame de fond est la colère populaire en réponse à la politique fiscale menée par le gouvernement, marquée du sceau de l'injustice : alors que pouvoir d'achat du plus grand nombre est menacé, sur 5 ans les plus riches économiseront 25 milliards d'euros !
Concernant le carburant, les mesures de compensation annoncées devraient s'élever à 500 millions d'euros alors que la nouvelle hausse des taxes sur le gazole rapportera 2,25 milliards d'euros en 2019! Il y a aussi une grogne face au sentiment d'un abandon de la France péri-urbaine.
Pour beaucoup de nos concitoyens, la voiture est le seul moyen de transport à leur disposition pour se rendre au travail. La légitimité du mouvement de rébellion, claque à l'hyper-individualisme, ne saurait donc être contestée au nom d'une écologie fondée sur une "fiscalité verte".
Une véritable transition écologique ce serait :
- investir dans les infrastructures de transport public, seule réelle alternative à la voiture ;
- taxer les transports aériens, maritimes, les poids lourds et autocars qui consomment beaucoup plus de kérosène et de diesel que les automobiles ;
- conforter le fret ferroviaire ;
-préserver les services publics de proximité ;
-investir dans le logement pour que l'offre soit plus proche des lieux de travail...
On ne peut pas culpabiliser le peuple indéfiniment.
Et maintenant, comment structurer la mobilisation populaire et élargir les enjeux ?
La citoyenneté ne va pas sans abnégation parce qu'elle implique la préférence pour le bien collectif par rapport à l’intérêt individuel. Il revient à la gauche avec le peuple de rappeler que le ressort de la citoyenneté c'est l'exercice de la souveraineté et donc l'action politique. Celle-ci doit former le citoyen à juger ce qu'est l’intérêt général en prenant appui sur sa capacité à raisonner.
Il lui revient aussi de souligner que l'agression subie par les gens modestes qui vivent de leur travail et les retraités a pour cause la course effrénée à la rentabilité financière inscrite dans la mondialisation libérale.
Les "gilets jaunes" doivent avoir bien conscience que le combat pour changer et parvenir à une juste répartition des richesses est un chantier immense. Une mobilisation forte et durable est indispensable pour inverser les politiques d'austérité imposées par les directives européennes, les banques, les multinationales et les grands groupes privilégiant les actionnaires.
L'Histoire nous enseigne que le bulletin de vote ne suffit pas et que le blocage des moyens de production par les syndicats est une arme essentielle pour y parvenir (1936, 1968). Sans nul doute, ceux qui ont manifesté le 17 novembre ont-ils de la défiance vis-à-vis de l'élite en général et le sentiment que la gauche politique et syndicale n'a pas été à la hauteur des enjeux. Ils ne doivent pas non plus sous-estimer les manoeuvres de l'extrême droite.
La République que veulent nos concitoyens, c'est le gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple. La citoyenneté est à la recherche d'un nouveau souffle dont le creuset doit être l'éducation populaire.
S'agissant des luttes, le temps n'est-il pas venu que citoyens "apolitiques" révoltés, hommes et femmes insoumis, indignés ou capables de dire non, militants de syndicats, d'associations, d'organisations politiques attachés à la République et à la justice sociale, réfléchissent collectivement au développement d'actions revendicatives.
Localement des comités de base, s'appuyant sur des objectifs unitaires et progressistes et ayant pour finalité de parvenir à des convergences nationales, pourraient en être les animateurs (initiatives citoyennes, mobilisations dans les entreprises, pressions sur les élus des collectivités et sur parlementaires ...) ?
Cet article est le 3 115 ème sur le blog MRC 53 - le 153ème dans la catégorie France et Europe