Les syndicats dans la rue, le gouvernement au Parlement avec LR
Le gouvernement n'a pas de majorité au Parlement mais, avec la droite LR, il n'aura pas besoin d'utiliser l'article 49.3 à l'Assemblée nationale pour faire adopter son projet de réforme des retraites.
Les syndicats sont unis contre cette réforme, un «exploit» selon Philippe Martinez (CGT qui n'avait pu se faire depuis douze ans (Le Monde, 4 janvier).
Le Figaro (2 janvier, Marie-Cécile Renault) décrit le rapport des forces. Voir Retraites: les syndicats, en colère, se préparent à descendre dans la rue.
Plus question de reculer, même si le gouvernement entre en terrain miné. La réforme des retraites se fera et s’appliquera «dès la fin de l’été 2023», a martelé le président de la République lors de ses vœux du 31 décembre.
Les Français doivent travailler davantage afin de sauver le régime de retraite par répartition «qui, sans cela, serait menacé car nous continuons de le financer à crédit», a justifié le chef de l’État. Affirmant vouloir «poursuivre le dialogue initié depuis début octobre». Après un passage sur Franceinfo dans la matinée de ce mardi, Élisabeth Borne reçoit pendant deux jours syndicats et patronat pour un ultime tour de piste, avant de dévoiler son projet de réforme le 10 janvier. Le soir même, les numéros un de chaque organisation syndicale ont prévu de se réunir pour «organiser la fronde».
Toujours opposés au projet, les syndicats campent sur leur position: ils se tiennent prêts à descendre dans la rue dès que le relèvement de l’âge de départ sera officiellement annoncé. Et ce, quelles que soient les mesures d’accompagnement - prise en compte de la pénibilité, aménagement des fins de carrière, relèvement des petites retraites, etc. - que le gouvernement est prêt à prendre pour faire passer la pilule.
Les positions sont irréconciliables et l’ultime rendez-vous avec la première ministre n’y changera rien. «C’est de l’affichage, il n’y a rien à discuter. Son gouvernement portera la responsabilité des manifestations massives qui vont avoir lieu», prévient Catherine Perret (CGT). «Vu de notre fenêtre ce n’est qu’une opération de communication, car sur le fond aucune de nos remarques n’a été prise en compte», déplore Gérard Mardiné (CFE-CGC). «On y va pour défendre les droits familiaux, les petites pensions. Histoire de savoir si, quand on va descendre dans la rue, on sera juste très en colère ou très très en colère», indique Pascale Coton (CFTC). «La première ministre fait des annonces à la radio et nous reçoit ensuite. Ce n’est pas comme cela que l’on discute. Peut-être est-ce une énième tentative pour inciter une organisation à lâcher l’intersyndicale», soupçonne Michel Beaugas (FO).
Ouverture vers la CFDT
Mais jusqu’ici le gouvernement a fait l’unité syndicale contre lui. La concertation engagée depuis octobre, avec trois cycles - emploi des seniors, justice sociale et équilibre financier du système - n’a pas permis de dégager de consensus.
Elle n’a pas non plus permis de rallier la CFDT, allié sans lequel aucune transformation n’est supposée pouvoir se faire. Si la centrale réformatrice a soutenu la réforme universelle pour une retraite en points sous le premier quinquennat Macron, son secrétaire général, Laurent Berger, a cette fois-ci prévenu que le relèvement de l’âge était une «ligne rouge».
Les ouvertures faites par Emmanuel Macron, qui s’est dit prêt à transiger sur 64 ans tout en accélérant la réforme Touraine, au lieu de 65 ans, n’y ont rien changé. «Le président a l’impression d’avoir fait un réel effort envers la CFDT, mais il n’y a pas eu de répondant, indique un proche du gouvernement.
Quelle que soit la bonne volonté de chaque côté, les positions originelles sont incompatibles.» Le président a été élu sur le projet de relèvement de l’âge à 65 ans, il a une légitimité politique et l’assume. Laurent Berger, lui, a reçu au congrès de la CFDT mandat de ne pas toucher à l’âge. Il a la légitimité de ses mandants et l’assume aussi. «Ce rendez-vous servira à avancer nos derniers arguments sur la pénibilité, l’emploi des seniors, les carrières longues et le minimum de pension», indique laconiquement Yvan Ricordeau (CFDT). «Jusqu’au bout, on peut arracher des changements pour éviter le conflit. Il y a des solutions pour répondre à l’exigence du gouvernement de combler le déficit sans pour autant punir les salariés» veut encore croire Dominique Corona (Unsa).
Mais, clairement, la voie de passage n’est plus dans le dialogue social avec les partenaires sociaux tant les positions sont clivées. Elle est désormais purement politique et consiste à se mettre d’accord pour définir un espace commun avec LR afin que le projet passe très vite au Parlement.
Le bras de fer va donc s’engager, moment test pour le gouvernement sur sa capacité à réformer. Or le moment n’est pas le mieux choisi. Malgré le maintien d’un bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité, les factures d’énergie des ménages devraient sensiblement augmenter en ce début d’année. L’inflation devrait connaître son pic au premier semestre 2023 et le chômage devrait remonter à partir de son faible niveau actuel en raison du net ralentissement de la croissance. Un contexte compliqué pour faire accepter une réforme à laquelle deux tiers des Français se disent opposés.
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