Gauche démocrate et gauche républicaine
Fallait-il ou non, après l’élection présidentielle, maintenir cette photo à l’entrée de ce blog, où l’on voit Royal et Chevènement rayonnant de bonheur ?
Cette question est revenue avec plus de force depuis le retour de Ségolène Royal au premier plan de l’actualité politique française. Tout compte fait, ses déclarations à l’occasion de la parution de son livre « Ma plus belle histoire, c’est vous » (Grasset) m’incitent à répondre par l’affirmative. Pour une bonne raison : je les prends aux mots !
J’étais présent le 10 décembre 2006 après-midi dans la salle Olympe de Gouges à Paris quand la candidate du PS s’est exprimée devant les délégués départementaux du MRC rassemblés le matin même pour désigner leur candidat à l’élection présidentielle.
J’avais bien noté les déclarations de Ségolène Royal, qui étaient des engagements « C’est un moment historique important pour l’histoire de la gauche. Ce n’est pas une union factice ni un rassemblement de circonstance, c’est une alliance au long cours ».
Auparavant, Jean-Pierre Chevènement avait lui-même déclaré « Personne ne me force à retirer ma candidature. Je le fais en pleine conscience pour ouvrir la voie à une dynamique positive au premier tour de l’élection présidentielle ».
Ce jour-là, j’avais accepté de voter en faveur du soutien du MRC à la candidate du PS, car nous n’avions pas le choix. La veille, les deux partis s’étaient mis d’accord sur une déclaration politique commune (très favorable aux thèses du MRC) mais aussi sur la question des candidatures aux élections législatives (beaucoup moins en faveur du MRC…).
En arrivant le matin, nous pensions que Chevènement serait notre candidat. Dès le début de son intervention, nous comprenions que l’accord MRC-PS conduisait à son retrait et au soutien de la candidate du PS. S’opposer ? Certains de mes camarades l’ont fait, je pense à Christine Tasin qui a bondi au micro, furibonde, pour exprimer avec passion et talent son désaccord total.
J’aurais bien partagé cette réaction à chaud mais je préférais raisonner à plus long terme. Cet accord était bon à prendre, compte tenu de la façon dont le MRC avait été tenu à l’écart de la gauche par le PS et la fatwa de Jospin sur Chevènement en 2002… Et puis, quelle autre possibilité, sinon celle de nous retirer sous notre tente pendant la campagne présidentielle ?
Je reconnais que, depuis le premier tour de l’élection présidentielle, Ségolène Royal ne m’a pas impressionné favorablement. Les points de désaccord s’ajoutent les uns aux autres, le plus grave concernant le traité de Lisbonne et la ratification par la voie parlementaire.
Ce que la présidente de la Région Poitou-Charentes vient de dire, à l’occasion du lancement médiatique de son livre, montre que sa vision stratégique est celle d’un rassemblement de la gauche autour d’un grand parti démocrate à l’italienne, picorant ce qu’il trouve bon dans les sensibilités diverses allant de Besancenot à Bayrou, en passant par Bernard-Henri Lévy et Jean-Pierre Jouyet, l’actuel secrétaire d’Etat aux affaires européennes.
Bien sûr, l’ex et future candidate à l’élection présidentielle montre beaucoup d’affection pour le président d’honneur du MRC. Dans son livre, elle écrit « Jean-Pierre Chevènement a été d’une loyauté totale dans cette campagne. Il s’est investi à fond. Il a retrouvé une nouvelle jeunesse. Il a mis sa petite équipe à ma disposition (…). Ah ! S’il y avait eu vingt Jean-Pierre Chevènement autour de moi… Ou même dix… ».
Cela ne change rien au fait qu’elle va tout faire pour transformer le PS en un parti démocrate, tout à fait compatible avec le Mouvement démocrate de Bayrou et avec la gauche Jouyet-Kouchner, associée au gouvernement actuel, mais qui s’en retirera le moment venu pour se ranger derrière le panache européen de Ségolène Royal.
Tout cela démontre l’urgence de créer, sous l’égide de Jean-Pierre Chevènement, un grand parti républicain de gauche, qui sera dans une stratégie de concurrence et d’alliance avec le parti de la gauche démocrate.
Car, après trois défaites successives, la gauche ne peut pas perdre une quatrième fois. Entre les deux partis, démocrate et républicain, que le meilleur gagne ! La concurrence sera bénéfique et positive face au président en place, qui a fait le vide autour de lui en concentrant le pouvoir sur sa personne, ce qui sera sa faiblesse quand le pays tout entier s’opposera frontalement à sa politique.
La situation économique et sociale du pays, qui se dégrade à grande vitesse, exigera un bon accord entre les deux partis rivaux. Le fait d’avoir à leurs têtes Royal et Chevènement sera une garantie de leur capacité à s’entendre pour briguer le pouvoir et, ensuite, l’exercer.
Voilà pourquoi j’ai décidé de maintenir la photo sur ce blog. J’espère les revoir aussi heureux quand ils auront battu Sarkozy et assuré la victoire de la gauche. En 2012… ou avant, si nécessaire !