La gauche démocrate n’a pas séduit le peuple italien
La droite italienne s’était rassemblée autour de Berlusconi (cet homme d’affaires venu à la politique afin de protéger ses affaires). Elle a gagné les élections parlementaires (la démocratie italienne est parlementaire). Comme Sarkozy (cet homme politique qui a envie de faire des affaires) avait rassemblé la droite française en 2007 et gagné l’élection présidentielle (la République française est semi-présidentielle).
En Italie, comme en France, l’électorat populaire a fait défaut à la gauche. Une partie s’est reportée sur la Ligue du Nord (les salariés de l’Italie industrielle du nord, plutôt favorisée sur le plan économique) et une autre, dans le sud (les défavorisés du capitalisme mondialisé), a été séduite par les propos critiques de Berlusconi sur le système politique et l’Europe.
D’ailleurs, depuis plusieurs mois, les italiens montraient beaucoup d’intérêt pour tous ceux qui critiquaient les élus et partis politiques, leurs privilèges et leur inefficacité. Le correspondant du Monde (www.lemonde.fr, 7 avril) titrait « Quand l’Italie s’ennuie ».
Depuis deux ans, la gauche était écartelée, au sein du gouvernement Prodi et de la (courte) majorité parlementaire, entre son courant démocrate (dans le sens du parti démocrate aux USA), dominant, et ses nombreuses composantes radicales*.
Walter Veltroni a fait éclater cet attelage « prodien » dans le but de « moderniser » la gauche, c’est-à-dire, de la recentrer sur un axe libéral, où se situe également l’essentiel de la droite berlusconienne.
« Jamais, de mémoire de politologue, le pays n'avait connu une campagne électorale aussi insipide » (…). "L'objectif d'un centre-gauche libéré du conditionnement idéologique est d'introduire de forts éléments de libéralisation dans la société sans déchirer la cohésion sociale", souligne M. D'Alema (Le Monde, 7 avril). Ce qui conduit ce journal à titrer « Le Parti démocrate de Walter Veltroni tente de gagner les élections en rompant avec la gauche ».
Cela nous ramène à la situation de la gauche française
- Le courant démocrate (Ségolène Royal, Bertrand Delanoë), qui a soutenu la démarche veltronienne, ne sort pas renforcé de ces élections italiennes.
- A l’autre extrémité, la gauche radicale italienne, qui n’a pas obtenu d’élus, subissant un effondrement électoral, ne montre pas la voie à celles et ceux qui militent, en France, pour une stratégie de rassemblement antilibéral, à la gauche de la gauche.
En fait, aucune gauche en Europe n’a trouvé la bonne réponse, dans le cadre du capitalisme mutant que nous connaissons. Les différentes formes de social-démocratie sont essoufflées.
La gauche française a tout à réinventer. Sa refondation, en prenant appui sur ses bases républicaines, est le chemin qui conduit au soutien populaire, sans lequel rien n’est possible.
La proposition de Jean-Pierre Chevènement, lors du Conseil national du MRC (voir, sur ce blog, les articles parus les 6 et 8 avril) est une bonne base de discussion.
Voici les résultats des élections italiennes, selon Jean-Jacques Bozonnet (www.lemonde.fr, 15 avril).
Chambre des députés
[PDL (Le Peuple de la Liberté, droite) : 37,4%] + [Ligue du Nord : 8,3%] + [MPA (autonomiste, sud) : 1,1%] = 46,8% des suffrages et 340 députés.
[DL (Parti démocrate, centre gauche) : 33,2%] + [IDV (Italie des valeurs, centre gauche) : 4,4%] = 37,6% et 239 députés.
UDC (Union du centre, démocrate chrétien) : 5,6% et 36 députés.
Des petits partis régionalistes ont 3 députés. Les socialistes, communistes et Verts, pour la première fois depuis la naissance de la République, ne sont plus représentés au Parlement.
Sénat
La droite obtient 168 sièges (dont PDL : 141, Ligue du Nord : 25) ; la gauche 130 (Parti démocrate : 116, IDV : 14) et l’UDC 3. Les formations autonomistes en ont 8.
« Le troisième mandat de Silvio Berlusconi en Italie est tiré à droite par la Ligue du Nord »
« Le berlusconisme est désormais durablement enraciné en Italie. Pour la troisième fois en quinze ans, ce mouvement, considéré comme un accident de l'histoire à sa naissance en 1993, est validé par une majorité d'Italiens. Pour Silvio Berlusconi, 71 ans, sur le point de retrouver le pouvoir après la nette victoire de sa coalition aux élections législatives anticipées des 13 et 14 avril, les deux années de gouvernement Prodi, de 2006 à 2008, n'auront été qu'une parenthèse (…).
Mais la vraie surprise de ces élections n'est pas le retour triomphal de Silvio Berlusconi, largement annoncé par les sondages dès la chute du gouvernement Prodi, le 24 janvier. La nouveauté réside dans la métamorphose du paysage politique. Seulement cinq partis nationaux seront représentés dans le prochain Parlement contre une bonne trentaine lors de la précédente législature : le PDL et la Ligue du Nord à droite; le Parti démocrate et l'IDV au centre gauche; enfin, l'Union du centre (UDC, démocrate chrétien)(…).
Le centre gauche s'est déclaré disponible pour un dialogue "sur les réformes dont le pays a besoin". Celle de la loi électorale, ainsi que quelques retouches constitutionnelles. "Nous avons toujours été prêts à travailler avec l'opposition pour les intérêts du pays", a répondu Silvio Berlusconi. Mais pour gouverner, "Il Cavaliere" a les mains libres (…).
Mais le contexte économique international incite Silvio Berlusconi à maintenir une approche modeste à l'issue d'une campagne où il n'a pas promis de miracles. "Ce seront des années difficiles, a-t-il averti. Ce seront cinq années décisives pour la modernisation du pays."
Pour Il Corriere della Sera, "le vrai miracle est qu'il s'est fait accepter par les Italiens en se présentant comme un futur chef du gouvernement sans baguette magique".
M. Berlusconi devra toutefois composer avec les exigences de la Ligue du Nord, notamment en matière de fédéralisme fiscal et de lutte contre l'immigration clandestine. Le gouvernement sera-t-il "conditionné" par cet allié incommode, comme le pronostique Walter Veltroni ? Le petit parti populiste et xénophobe a confirmé son ancrage profond dans le nord du pays, en obtenant des scores allant jusqu'à 35 % dans ses fiefs du Nord-Est. Pour l'eurodéputé de la Ligue, Mario Borghezio, "c'est un résultat déterminant pour tous les équilibres à venir".
* Voir l’article paru sur ce blog le 28 février 2008 - http://mrc53.over-blog.com/categorie-986199.html