Benoît Hamon est l’avenir du PS et de la gauche
La Chaîne parlementaire m’a permis de suivre en direct l’essentiel du congrès du PS à Reims. On peut y voir un échec, bien sûr, puisque les représentants des quatre motions n’ont pu s’entendre pour présenter un candidat porteur d’une majorité devant les adhérents le 20 novembre. Mais ce n’est pas l’essentiel.
Comme je le prévoyais avant le congrès (voir PS : Royal et Hamon, chacun avec sa stratégie de rénovation à gauche - 13 novembre 2008), ce congrès est une épreuve par éliminations, qui n’est pas terminée.
Le favori de la presse, Bertrand Delanoë, avait été battu le 6 novembre, victime de la décision prise par Martine Aubry de présenter une motion (avec Laurent Fabius, Dominique Strauss-Kahn, Arnaud Montebourg).
Delanoë et Aubry se sont partagés, à quasi égalité (24-25%), la moitié des votes des adhérents, ce qui a permis à Ségolène Royal de passer la ligne d’arrivée en tête (31%, en incluant le pôle écologique, qui lui a fait cadeau de ses voix). Benoît Hamon a réalisé 20% (avec report de la motion Utopia).
Ce congrès se présentait avec un battu (le favori, porteur des espoirs de continuité de la majorité de ceux qui ont assumé les responsabilités depuis quinze ans) et trois gagnants potentiels (à condition de transformer l’essai lors du congrès et de l’élection du premier secrétaire, à suivre).
Royal et Hamon étaient sûrs d’aller au bout, c’est-à-dire jusqu’au vote du 20 novembre. Ils étaient tous les deux clairement identifiés sur une position de rénovation du PS, l’une avec l’ancrage dans la réalité de la société française de sensibilité de gauche, l’autre avec l’ancrage politique à gauche, les deux se rejoignant dans la critique du libéralisme.
Martine Aubry n’a décidé qu’au dernier moment ce matin d’aller jusqu’au bout. A deux reprises, la nuit dernière, lors de la discussion en vue d’un accord entre les motions A (Delanoë), C (Hamon) et D (Aubry), elle a proposé le nom de Benoît Hamon comme candidat commun des motions ACD, se heurtant au refus des plus européistes de la motion A (Hamon avait choisi le non au traité constitutionnel européen et au traité de Lisbonne). L’accord sur un texte était possible, mais pas sur un candidat commun pour la direction du parti.
Ce congrès montre que le PS créé en 1971 à Epinay-sur-Seine est en fin de vie, comme la SFIO à la fin des années 1960. Les dirigeants, sous les yeux des délégués de sections et, pour la première fois, d’une partie des citoyens (par la télévision), n’ont pas été capables de créer les conditions d’un rebond.
L’enjeu des votes du 20 et du 21 novembre (second tour, si aucun des trois n’obtient la majorité absolue) est d’élire la femme ou l’homme qui aura la responsabilité de diriger ce parti.
Incontestablement, il s’agit de savoir qui est le mieux capable de le conduire vers le renouvellement (rénovation, rajeunissement) en le préservant de la division mortifère, ce qui implique de le maintenir dans l’esprit d’Epinay (stratégie de rassemblement de la gauche et projet politique progressiste pour la France).
J’ai été étonné par la posture décalée de Ségolène Royal, hier, lors de son discours de présentation de sa motion. Elle donnait l’impression de se positionner comme quelqu’un d’extérieur au PS, qui fait don de sa personne pour le sauver, en utilisant un vocabulaire religieux à caractère provocateur, comme si elle ignorait ce qu’est un congrès du PS*. Quel mépris pour les militants de culture socialiste ! Comment pourrait-elle rassembler ce parti avec de telles méthodes ?
Le PS est décidément tombé bien bas. C’est le point d’aboutissement d’une lente dérive, qui remonte aux années 1980, avec le choix d’une Europe libérale incompatible avec la critique du capitalisme.
Mais la droite se réjouit trop vite. Ce congrès n’est pas terminé. J’ai été impressionné par la qualité de l’intervention, ce matin, de Benoît Hamon. Il a su montrer que la politique économique du MoDem est incompatible avec les options de la gauche. Ce débat sur les alliances est vain. Il s’agit de rassembler la gauche autour d’un projet républicain, alternatif au libéralisme, qui reste à construire.
Benoît Hamon est l’homme du renouvellement et de l’ancrage à gauche. Il a parfaitement posé le problème de l’enjeu politique du rôle du PS dans une situation de crise. Il est porteur d’une démocratie républicaine vivante et de la volonté de réorienter la construction européenne.
Il a montré d’incontestables qualités oratoires et une capacité de rassemblement des socialistes, bien supérieure à celle de ses concurrentes. Ce sont des atouts pour relever les défis de notre temps.
La comparaison avec Obama n’est pas insensée, je me suis surpris à le penser…
Les adhérents du PS sauront-ils être à la hauteur de leurs responsabilités, les 20 et 21 novembre ? Le premier tour sera déterminant. Face à Royal, qui arrivera en tête au premier tour le 20 novembre, qui sera le second qualifié pour le 21 novembre ?
Deux éléments sont à prendre en compte :
- le report des voix qui s’étaient portées sur la motion A (Delanoë) le 6 novembre,
- l’attitude des abstentionnistes du 6 novembre (la participation avait été seulement de 55%).
François Hollande, dont l’influence est certaine sur de nombreux militants et responsables fédéraux, pourrait choisir le vote Hamon. Celui-ci sera-t-il l’homme de la situation ?
L’avenir du PS dépendra beaucoup de ces votes des adhérents jeudi et vendredi. Le vainqueur devra, ensuite, au Conseil national** (le parlement du PS), réunir une majorité pour pouvoir gouverner.
Une petite revue de presse, pour terminer :
- Le congrès socialiste (Libération, 16 novembre)
- Battle Royal II : et si c'était elle? (Marianne, Virginie Roels, 16 novembre)
- Delanoë out, le match continue entre Royal, Aubry et Hamon (Rue89, Julien Martin, 16 novembre) - Au terme d'une nuit de déchirements, le maire de Paris s'est retiré de la course. Les militants trancheront entre les trois autres leaders. La suite
* J’ai participé aux congrès de Grenoble (1973), Valence (1981), Bourg-en-Bresse (1983), Rennes (1990), Brest (1997) et Grenoble (2000).
** J'ai été membre du Conseil national pendant quatre ans (de 1997 à 2001).
Cet article est le 78ème article paru sur ce blog dans la catégorie Gauche France 2007-08