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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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29 novembre 2008 6 29 /11 /novembre /2008 22:15

 

La division de la gauche a facilité la montée du nazisme

 

Ce jour où Oskar Lafontaine participait, à St-Ouen (93), au congrès fondateur du nouveau parti de gauche (PG) - voir Mélenchon à la recherche d'une nouvelle majorité de gauche" - je me suis tourné vers la gauche allemande.

 

J’avais rapporté sur ce blog les difficultés internes du SPD dans le land de Hesse (Francfort) – voir Allemagne : le SPD n'exclut plus de s'allier avec Die Linke en Hesse - 15 août 2008.

 

En fait, le SPD a fait capoter le projet de Mme Ypsilanti, qui voulait former une coalition de gauche incluant le parti Die Linke (La Gauche).

 

Edouard Husson* qui, chaque semaine, écrit son journal sur le site de Marianne, est revenu sur « la débâcle de Hesse » dans « Ma semaine allemande », par Édouard Husson (Marianne, 22 novembre) :

 

Le prix de l’humour politique involontaire est décerné à Franz Müntefering pour l’entretien qu’il a accordé au Spiegel de la semaine du 10 novembre. Il y affirme n’être pour rien dans la débâcle du SPD en Hesse – Madame Ypsilanti, qui voulait former une coalition de gauche incluant Die Linke a perdu le soutien de quatre membres du SPD au moment du vote. De deux choses l’une : si le secrétaire général du SPD dit la vérité, il révèle son incapacité à saisir l’enjeu que représentait la formation de cette coalition pour les prochaines élections générales (septembre 2009) et l’on peut douter de sa capacité à diriger la future campagne du SPD aux élections générales de septembre 2009; s’il avait au contraire conscience de l’enjeu, c’est qu’alors il ne dit pas la vérité sur le comportement de la direction berlinoise face aux débats internes au SPD de Hesse.

L’interprétation la plus clémente de ce qui s’est passé est que MM. Steinmeier et Müntefering ont été satisfaits d’écarter Madame Ypsilanti, dont l’étoile aurait grandi dans le parti – au détriment de l’aile schroederienne – si elle avait réussi à constituer un gouvernement SPD-Verts-Die Linke. Et il est probable qu’ils suivaient l’affaire de très près et ont beaucoup fait pour que « l’union de la gauche » échoue en Hesse. Ils finiront par la faire, pris de panique devant les mauvais sondages, dans quelques mois, sans Madame Ypsilanti, dont le talent politique leur fera défaut.
 

 

* Édouard Husson est historien de l’Allemagne contemporaine. Il était intervenu (voir L’Allemagne, entre Europe et mondialisation), lors du colloque de la Fondation Res Publica, le 17 mars 2008, qui avait pour thème L'Allemagne au sommet de l'Europe ?  

 

La semaine précédente (15 novembre) dans Marianne, Edouard Husson avait publié un article très intéressant, concernant la division de la gauche au moment de la naissance de la première République allemande, en 1918 (cliquer sur le titre) :

Ma semaine allemande : les tragiques divisions de la gauche

 

Quatre-vingt-dixième anniversaire du renversement de l’Empire allemand. Le 9 novembre 1918, une première république était fondée en Allemagne. Cependant, avant même que les nazis ne fussent en mesure de tuer la République, celle-ci était quasiment mort-née car la gauche allemande se divisa d’emblée à son sujet. Il y eut même deux proclamations de la République, le 9 novembre 1918, l’une par Philippe Scheidemann, au nom du SPD, et l’autre par Karl Liebknecht, au nom de ce que l’on appelle aujourd’hui « la gauche », Die Linke.

Contrairement à une légende bien enracinée, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg n’étaient pas des « bolcheviques » - le parti communiste allemand, fondé en janvier 1919, n’était pas à l’origine affilié à Moscou. C’est important à répéter lorsqu’on nous rebat les oreilles concernant le PDS et Die Linke aujourd’hui. Le PDS d’après 1989 n’a fait que renouer avec la tradition du début 1919, celle d’un parti communiste allemand indépendant de Moscou. En s’alliant à Oskar Lafontaine voici trois ans, le PDS a retrouvé l’esprit de la première révolution allemande, celle du 9 novembre 1918, lorsque les spartakistes étaient encore membres de l’USPD, le « SPD indépendant», qui s’était séparé du SPD en pleine Première Guerre mondiale en refusant de cautionner plus longtemps le soutien social-démocrate à la guerre.

Suffirait-il de changer les noms ? Oskar Lafontaine n’a-t-il pas quitté le gouvernement de Gerhard Schröder, entre autres raisons, du fait de l’entrée de l’Allemagne dans une nouvelle guerre des Balkans, la guerre du Kosovo ? Le PDS, et aujourd’hui Die Linke, ne sont-ils pas, depuis la réunification, les partis politiques allemands qui prônent une politique étrangère pacifique correspondant aux aspirations profondes de la population allemande – exactement comme l’USPD et le KPD étaient les seuls partis, début 1919, à répondre aux attentes de paix de la population (avant que le traité de Versailles ne vienne tout gâcher) ?  

Le drame de la première révolution allemande vint du comportement de la direction du SPD. Friedrich Ebert, premier chancelier (puis premier président de la République), auteur de la célèbre formule
« Je hais la révolution comme la peste », sabota d’emblée le travail des « conseils », qui n’étaient en rien des « soviets », là aussi contrairement à une légende tenace mais des sortes d’Etats généraux permanents de la gauche, au sein duquel siégeaient ensemble SPD et USPD.

Ces conseils avaient un programme modéré (journée de travail de huit heures, négociations collectives dans les entreprises, nationalisations de l’industrie lourde, démocratisation de l’accès au grade d’officier). Rien n’aurait dû détourner Ebert d’appliquer ce programme mais,
realpoliticien au petit pied, il laissa pourrir les délibérations des conseils, passa un accord secret avec les élites d’Ancien régime puis, lorsque l’extrême gauche sortit de l’USPD et se radicalisa (soulèvements à partir de janvier 1919), il la fit réprimer par les milices fascistes qu’étaient déjà les corps francs.

 

Même quand l’on déteste légitimement le bolchevisme auquel le KPD se rallia, dans le courant de 1919, pour échapper à l’écrasement, comment ne pas comprendre les accusations de « social-traître » ou « social-fasciste » proférées par les communistes allemands envers le SPD tout au long des années 1920.

La division de la gauche fut tragique au moment de résister à la montée en puissance du nazisme mais, contrairement à ce que dit notre bien-pensance, le SPD portait en l’occurrence la plus lourde responsabilité : la social-démocratie était à l’origine du fossé sanglant qui la séparait du KPD. Il est tragique que le communisme allemand soit revenu, en 1945, dans les fourgons de l’Armée Rouge, que le régime de RDA ait été imposé à vingt millions d’Allemands, mais l’Occident qui refusa toutes les offres de règlement de l’URSS dans les années 1950 a largement contribué à prolonger ce cauchemar. Laissons à la RDA sa fin pacifique et l’ouverture, finalement volontaire, du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989.

Ce qui est terrible dans l’actuelle politique allemande, c’est que le SPD n’a toujours pas pris la mesure, semble-t-il, de cette histoire tragique de la gauche allemande au XXe siècle.

Le 9 novembre 1989 refermait la parenthèse tragique ouverte en 1918-1919. On ne pouvait que se réjouir de l’évolution menant du SED (le parti communiste est-allemand inféodé à Moscou) au PDS, un parti communiste redevenu indépendant et démocratique.

 

 Die Linke est la preuve d’une possibilité de réunification de la gauche allemande dans l’esprit du socialisme démocratique indépendant (USPD) de 1917-1919. Ce que Madame Ypsilanti a voulu réaliser en Hesse, l’union de la gauche, c’était renouer définitivement avec ce qui devra être demain le comportement normal des partis de gauche en Allemagne : leur alliance pour donner une traduction concrète à la majorité politique potentielle qu’ils ont dans le pays.

Lorsque Franz Müntefering exige du SPD de Hesse une auto-critique (Süddeutsche Zeitung, 10.11.2008) pour avoir suivi la politique d’union de la gauche, qui a finalement échoué, de Madame Ypsilanti, il oublie de nombreuses réalités :

 

1. la direction nationale du SPD avait interdit à la présidente aujourd’hui démissionnaire du SPD de Hesse, lors des dernières élections de Land, de prôner l’union de la gauche, ce qui a empêché une victoire de celle-ci, pourtant possible ;

2. Après que Madame Ypsilanti eut patiemment recollé les pots cassés, c’est Franz Müntefering lui-même qui a provoqué, la semaine dernière, un nouvel échec de l’union de la gauche, pourtant à portée de main, en convainquant quatre députés SPD de lâcher la présidente du SPD du Land.

 

« Auto-critique » ? La référence à la grande époque des procès politiques communistes ne surgit pas là où on l’attendrait si l’on croyait la pensée dominante, consistant à diaboliser a priori Die Linke.

Le comportement le plus autoritaire ne se trouve plus, aujourd’hui, du côté de Die Linke mais du SPD. Franz Müntefering est le digne héritier de Friedrich Ebert.

Même si les circonstances ne sont pas aussi tragiques que dans l’entre-deux-guerres, le comportement des schroederiens n’est pas bon pour la démocratie allemande, qui a besoin d’une gauche allemande unie et forte.

 

Aujourd’hui il ne s’agit plus de lutter pour la vie de la République en Allemagne mais de se donner les moyens de résister à la perte de substance pour la démocratie que constitue une mondialisation que les élites veulent soustraire au contrôle des peuples. On lira à ce propos les analyses  lumineuses d’Emmanuel Todd dans son nouveau livre : Après la démocratie (éd. Gallimard, 2008).
 
Cet article est le 17ème paru sur ce blog dans la catégorie Etats Union européenne

 

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