Le Monde Diplomatique, le 4 avril 2007, titrait déjà sur la Crise politique en Ukraine.
Laure Delcour, directrice de recherche à l’IRIS, publiait un article, le 14 novembre 2008, L’Ukraine en crise (s) - affaires-strategiques.info, qui éclaire le lecteur.
Sous-jacente depuis le printemps, évidente depuis l’éclatement de la coalition orange en septembre, la crise politique vient de connaître de nouveaux rebondissements en Ukraine. Proche du Président Viktor Iouchtchenko, le Président de la Verkhovna Rada (le Parlement) Arsenii Iatseniouk vient d’être destitué au terme d’un vote houleux. 233 députés principalement issus des partis d’opposition (parti des Régions, parti communiste) se sont prononcés pour le limogeage de M. Iatseniouk, à laquelle s’opposaient le bloc Ioulia Timochenko et l’essentiel des députés de Notre Ukraine, le parti présidentiel.
Au-delà de ce limogeage, l’Assemblée ukrainienne a été le théâtre d’un piètre spectacle, les députés en venant aux mains après que les partisans de Ioulia Timochenko eurent tenté de bloquer le vote électronique. En proie depuis plusieurs années à une instabilité favorisée par une Constitution bancale, l’Ukraine semble donc s’enfoncer dans la crise politique. Début octobre, le Président Iouchtchenko avait appelé (pour la seconde fois en treize mois) à des élections législatives anticipées pour sortir de la crise. Mais celles-ci, rejetées par le Premier ministre Ioulia Timochenko, ont été reportées en raison de la crise économique.
C’est là le facteur aggravant de ce nouvel épisode dans la vie politique ukrainienne : le pays est touché de plein fouet par la crise financière et économique. Le système bancaire a montré toute sa fragilité début octobre, lorsque 25 établissements en panne de liquidités ont demandé des crédits à la Banque nationale. La monnaie nationale, la hryvna, a perdu près de 12% de sa valeur en quelques semaines. Les secteurs traditionnellement exportateurs, en premier lieu la métallurgie, doivent faire face à la concurrence chinoise ou russe, conjuguée à la baisse des prix mondiaux. Les prévisions économiques sont sombres : la production industrielle a diminué de plus de 4% en septembre et le déficit de la balance des paiements devrait atteindre cette année 10 à 12% du PIB. Pour soutenir l’économie, le Président Iouchtchenko a annoncé fin octobre la création d’un fonds de stabilisation de 150 millions d’euros (1 milliard de hryvnas). Mais le déficit de la balance des paiements ne pourra être financé qu’avec l’aide internationale : le Fonds monétaire international (FMI) a approuvé début novembre un prêt de 16,4 milliards de dollars pour l’Ukraine. La crise économique alimente bien entendu les tensions politiques, les concurrents de Ioulia Timochenko espérant que les électeurs tiendront le gouvernement pour responsable.
Un troisième sujet de préoccupation s’ajoute à ce tableau très sombre. Le conflit géorgien a mis en lumière les fragilités d’une Ukraine tiraillée entre l’intégration euro-atlantique et les liens avec la Russie. La question centrale est bien celle de l’adhésion à l’OTAN. A Tallinn, l’Alliance atlantique vient d’appeler l’Ukraine à accélérer les réformes politiques et militaires en vue d’une éventuelle adhésion. Mais la perspective de celle-ci est toujours violemment rejetée par Moscou, qui dispose d’une large panoplie de moyens de pressions sur Kiev. Outre l’énergie, la population russe de Crimée apparaît ainsi comme une source potentielle de menaces pour l’intégrité du pays, au moment où la Russie fait de la protection des minorités russophones un objectif de politique étrangère. Surtout, l’adhésion à l’Alliance atlantique continue à diviser l’Ukraine. Favorable à l’entrée dans l’Union européenne, la population ukrainienne est majoritairement hostile à ce que le pays rejoigne l’OTAN. Dans ce contexte, les récents propos du Secrétaire général de l’Alliance, pour qui le gouvernement ukrainien devrait s’efforcer d’obtenir ce soutien de la population, apparaissent singulièrement déconnectés de la réalité politique et économique actuelle.
Plus récemment, Vendredi.info a signalé un article qui apporte des informations précises à propos de la situation de l’Ukraine (20 décembre 2008).
L’Ukraine se rapproche de sa crise « décisive »
L’Ukraine au rythme de sa crise
L’Ukraine est un bon candidat pour former une crise presque parfaite de type postmoderne. On y trouve des composants de tous ordres, avec les suite de l’ère soviétique, les influences américanistes déstabilisantes, les pressions russes, la corruption générale, les tendances centrifuges et, dernier élément, les pressions sur la stabilité du pays de la crise systémique générale (…).
La crise est économique, politique, stratégique, identitaire, conjoncturelle et structurelle, et attisée par diverses influences extérieures. Elle est à la fois intérieure et extérieure. Pour la Russie, l’Ukraine a beaucoup plus d’importance que la Géorgie parce qu’elle joue un rôle stratégique majeur et qu’elle possède une population russe d’une très grande importance. Une crise de la Russie avec l’Ukraine devrait normalement entraîner des changements beaucoup plus profonds que la crise avec la Géorgie.
Les milieux européens sont extrêmement alarmistes à propos de la situation ukrainienne. Ils estiment qu’un risque de crise, à la fois externe et interne, est aujourd’hui très élevé, à peu près de même intensité qu’entre la Russie et la Géorgie au printemps dernier. Les facteurs de déclenchement sont classiques, d’abord avec les relations énergétiques entre la Russie et l’Ukraine (dépendance ukrainienne de la Russie) ; avec la situation potentiellement séparatiste entre la partie orthodoxe d’origine russe et l’ouest du pays (les Ukrainiens d’origine russe disposent de passeports russes, selon la politique développée par la Russie vis-à-vis des minorités russes de la région) ; avec la situation politique explosive enfin.
L’état d’extrême fragilité de l’Ukraine à cause de la crise systémique internationale aggrave les conditions générales. Ce facteur est perçu par certains experts comme un possible détonateur incontrôlable pour une crise nationale active débouchant sur une explosion; on pourrait alors considérer l’Ukraine comme le premier exemple d’une grave crise internationale suscitée par les effets de la crise systémique sur une situation nationale.
Les intentions des Russes sont un des facteurs importants de la situation. Là aussi, la crise systémique générale peut jouer son rôle et pousser la Russie à un durcissement contre l’Ukraine, si la situation interne russe se détériorait trop fortement suite à cette même crise systémique; le durcissement russe serait alors le résultat de tensions internes au sein du pouvoir, et l’on verrait également l’un des premiers effets déstabilisants importants de la crise systémique générale (...).
Cet article est le 2ème sur ce blog dans la catégorie Europe, hors Union européenne.