Evoquant les manifestations contre le CPE, il a observé trois faits importants :
· la maturité des participants et leur diversité (toutes les classes sociales et tous les âges, y compris les jeunes des banlieues),
· la revendication de tous à la dignité,
· la quête d’un avenir (« dessine-moi un avenir »).
Comment en est-on arrivé là ? Il retient quatre raisons principales :
§ Un gouvernement au service direct du patronat.
§ Une Europe libérale qui, depuis vingt ans, ne poursuit qu’un seul but : le libre-échange (sans développer les autres dimensions, sociale, culturelle, démocratique) avec le consentement des gouvernements en place (exemples : libéralisation des services publics et réforme des retraites, décidées par les Conseils européens de Lisbonne et de Barcelone). Les lobbies, représentation des forces économiques dominantes, sont plus puissants que le Parlement européen.
§ Une mondialisation au service des marchés financiers, gouvernée par le droit du plus fort.
§ Des évolutions technologiques mises au service de l’argent.
Cela fonctionne avec l’appui de la télévision, de la publicité et des moyens de communication, qui modèlent les imaginaires et l’inconscient des gens, les préparant à accepter les atteintes aux libertés. Mais la résistance à cet asservissement est forte, comme en témoignent la multitude des actions porteuses de solidarité et d'humanité sur le terrain, et les désaveux infligés aux forces dominantes.
Le NON du 29 mai et le retrait du CPE sont les premiers coups d’arrêt depuis dix ans à cette évolution.
Que pouvons-nous faire nous-mêmes ?
RECit a réfléchi aux évènements de novembre 2005 - violences urbaines - dans les banlieues.
Derrière la volonté du gouvernement de durcir l’action policière et de faire voter des lois répressives, il y a un risque grave de mise en cause des libertés publiques, voire d’un retour à la barbarie. L’observation historique des reculs démocratiques dans des pays comme l’Allemagne en 1932, l’Argentine des généraux, la Turquie du début du 20ème siècle vis-à-vis des Arméniens, le Rwanda contemporain, a conduit un auteur américain à mettre en évidence les caractéristiques communes s’appliquant à ces sociétés (Les racines du mal, Ervin Staub).
12 critères de risque de glissement vers la barbarie, selon Staub :
1 - des changements sociaux trop rapides, des changements dans les moeurs qui entraînaient une impression de chaos, de désordre et de désintégration d’un monde familier,
2 - le rêve du retour à un passé plus glorieux ou plus sécurisant,
3 - un nationalisme qui résulte d’une combinaison entre un sentiment de supériorité et un sentiment de doute sur soi-même,
4 - une idéologie et des leaders qui répondent à un besoin de valoriser et de protéger le groupe d’appartenance traditionnel,
5 - l’existence d’un groupe minoritaire à l’intérieur de la société, qui est dévalorisé et paraît menaçant,
6 - un contentieux avec le groupe minoritaire qui repose sur des bases historiques,
7 - des divisions sociales trop importantes : richesse et pauvreté voyantes, difficultés économiques nouvelles,
8 - une démocratie discréditée et un manque de confiance dans les institutions,
9 - des personnes actives et militantes dans la haine et des spectateurs passifs et complices, prêts à laisser faire, 10 - un système social qui ne favorise pas l’expression et la coopération,
11 - des événements traumatisants,
12 - une organisation technique et administrative prête à fonctionner au service de la violence.
En France, le risque de basculer dans la barbarie ne peut pas être ignoré. Et nous savons que c’est au départ qu’il faut désamorcer ce type d’évolution, rendu possible par notre passivité.
C'est pourquoi des initiatives comme CIVIQ sont importantes afin d’exercer une vigilance citoyenne, réfléchir à nos pratiques et nos aspirations, changer nos habitudes personnelles.
Il faut mesurer la richesse davantage selon des critères de progrès humain, sachant qu’il y a des différences à la source des richesses et que des moyens doivent être pris pour favoriser les convergences au sein d’un pays ou d’un territoire.
Les valeurs communes, actuellement sous-développées, sont le long terme et l’épanouissement des personnes, la solidarité, la responsabilité et la réciprocité, la cohérence entre le dire et le faire.