Quelle Europe avec une Allemagne néolibérale ?
Au vu des sondages préélectoraux, dans la perspective des élections en Allemagne, en septembre, la probabilité d’une coalition libérale réunissant démocrates chrétiens conservateurs et libéraux monte en puissance. C’était prévisible, après les élections en Hesse en janvier (voir Hesse (Allemagne) : la droite triomphe, bénéficiant des erreurs du SPD - 19 janvier 2009).
Certes, il y a des avis contraires. Ainsi, le spécialiste de l’Allemagne, Edouard Husson*, sur son blog, le 23 juin, évoquait la reconduction de la grande coalition de la droite avec les sociaux-démocrates (CDU-CSU-SPD).
L'Allemagne s'adapte à la nouvelle donne géopolitique
« Les classes moyennes sont fragilisées, l'audience des deux "grands partis" se réduit. Ils ne semblent pas avoir d'autre perspective que de gouverner ensemble car ni une coalition chrétiens-démocrates/libéraux/Verts ni une coalition sociaux-démocrates/Verts/ Die Linke ne semblent réalisables aujourd'hui. Peut-être le seul élément d'alternative à la Grande coalition est-il une coalition Libéraux/Verts/SPD. Mais le SPD ne peut pas l'annoncer sans risquer d'aliéner ce qui lui reste d'électorat populaire ».
La campagne électorale ne laisse pas entrevoir une remontée des sociaux-démocrates. Ceux-ci veulent donner « un nouveau départ à l’économie sociale de marché », constatant que leurs partenaires conservateurs au gouvernement font des choix de plus en plus libéraux. Voir l’article de Cécile Calla sur le site du quotidien Le Monde, le 4 août : Les sociaux-démocrates allemands promettent le plein-emploi d'ici à 2020.
La gauche radicale ne parvient pas à confirmer les espoirs qu’elle avait fait naître, mais aussi les craintes chez les sociaux-démocrates. « Deux ans après la fusion entre le WASG, qui regroupait des syndicalistes déçus du SPD et altermondialistes, et du PDS, héritier de l'ancien Parti communiste est-allemand, la gauche radicale n'est pas au mieux de sa forme pour se lancer dans la bataille des élections législatives du 27 septembre ». Voir l’article de Cécile Calla, paru le 22 juin La gauche radicale allemande à la peine.
La droite a, donc, le vent en poupe, ce qui inquiète Hans Brodersen (voir Le profil de Hans Brodersen- Contre-Feux). Le site de Marianne a publié, le 6 août, l’un des articles parus sur Contre-feux.
Allemagne: vers un ultra-Maastricht
De bien mauvaises nouvelles nous parviennent d’Allemagne. Les sondages avant les élections au parlement, le Bundestag, de septembre 2009 indiquent que le pays serait gouverné dès cet automne par une coalition ultralibérale (CDU, CSU et FDP) obsédée par les baisses d’impôts, une flexibilité encore accrue des marchés du travail et une baisse des dépenses sociales.
L’actuelle grande coalition constituée de chrétiens-démocrates et du SPD, au pouvoir pour quelques semaines encore, vient de faire adopter par le parlement allemand un amendement constitutionnel qui limite le déficit public au niveau fédéral, durant un cycle économique, à 0,35% du PIB potentiel – un « ultra-Maastricht » en quelque sorte qui aura force de loi dès 2016. A partir de 2020, les 16 régions allemandes, les Länder, ne pourront plus contracter de dette.
L’utopie mortifère d’une austérité perpétuelle pointe son nez, du von Hayek tout craché !
Appliquées aux particuliers, ces nouvelles règles réserveraient la construction de maisons, l’achat d’appartements, de voitures et d’autres biens de consommation durables à quelques héritiers ou parieurs chanceux et aux cadres supérieurs ayant épargné auparavant. Tout développement porté par le crédit, stigmatisé, serait remis aux oubliettes.
Les ultras de la CSU bavaroise, comme Peter Ramsauer, annoncent d’ores et déjà un ambitieux programme fiscal pour la prochaine législature, un « programme éclair », dit-il, réalisé les 100 premiers jours. Il comporterait les décisions suivantes : forte baisse de l’impôt sur les bénéfices des sociétés, baisse des droits sur les successions et, à l’horizon de 2012, réduction de l’impôt des particuliers. (Source : tagesschau.de du 06.07.2009)
On comprend donc l’aversion des responsables allemands, le « très » social SPD inclus, pour toute réponse, européenne et coordonnée, à la crise ou pour un « grand emprunt » à la Sarkozy :
Disons-le clairement, on veut en finir avec l’Etat social « à l’européenne »
Ce qui signifie réduire massivement le filet social car les recettes publiques, en forte baisse, combinées avec l’interdiction de recourir à l’endettement, même pour financer les investissements publics, ne laisseraient qu’une seule solution : le démantèlement massif de l’Etat social allemand. Car qui pourrait envisager, raisonnablement, que l’Etat allemand se prive de sa police, de son armée ou de ses enseignants ?
Les résultats d’une telle orientation, claire et nette, sont parfaitement connus : exportations allemandes de marchandises et de services en hausse massive ; exportation du chômage allemand grâce à un fort regain de compétitivité des entreprises allemandes payant moins de charges et d’impôts ; bref, une « beggar-my-neighbour policy » pur jus, avec, à la clé, ou l’implosion de l’euro ou un alignement des pays partenaires en Europe sur la stratégie allemande (…).
Retrouvez les articles de Hans Brodersen sur le blog Contre-feux
* Edouard Husson est intervenu lors des colloques organisés par la Fondation Res Publica, présidée par Jean-Pierre Chevènement, les 17 mars 2008 (L'Allemagne au sommet de l'Europe ?) et 12 janvier 2009, concernant l’Allemagne (L'Allemagne, la crise, l'Europe).