L’énergie nucléaire divise et trompe énormément
Dès hier matin, Ségolène Royal, sur France Inter, reconnaissait avoir fait une erreur (« un lapsus ») lors du débat télévisé, à propos de la part de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité française. Elle avait confondu deux pourcentages, l’un concernant la part de l’énergie nucléaire dans l’ensemble de l’énergie consommée en France (17%), l’autre dans l’électricité produite (78%). Voici le communiqué de Bruno Rebelle, conseiller de la candidate pour les questions énergétiques. Ancien directeur de Greenpeace - France, il est proche des thèses du réseau « Sortir du nucléaire ». Ce communiqué vise à critiquer les déclarations du candidat de la droite sur l’énergie nucléaire. Voici ce texte paru ce jour sur http://www.desirsdavenir.org/index.php?c=sinformer_actualites « Bruno Rebelle, conseiller de Ségolène Royal, s'inquiète des erreurs et des approximations du candidat de l'UMP sur le dossier très sensible et particulièrement stratégique qu'est le nucléaire. On peut lire sur ce même sujet les commentaires fort documentés de Michel Naud dans le journal en ligne des amis de ReSPUBLICA (n° 534 Lien permanent vers cet article ). L’auteur de cet article est opposé au réseau « Sortir du nucléaire ». « Part du Nucléaire dans la production d’électricité » Ségolène Royal affirme que la part du nucléaire est de 17 % dans la production de l’énergie électrique, et, sous la pression, Nicolas Sarkozy a répondu que c’était au contraire 50 %. Ils ont tous les deux faux, mais Royal plus faux que Sarkozy. Tous les deux ont confondu énergie consommée totale et production d’électricité. Reprenant les chiffres mis en avant par le réseau « sortir du nucléaire » Ségolène Royal a lancé le chiffre de 17 % ; ce chiffre, exact, représente la part du nucléaire dans l’énergie consommée dans le pays (y compris le fioul de chauffage, le carburant des voitures, etc. ), et ce chiffre est exact sous la réserve de préciser quelle convention internationale est retenue ; je reprends un extrait d’article du Monde en septembre 2005 de Pierre Bacher (Auteur de "Quelle énergie pour demain ?" (2000) , Co-auteur de « L’énergie de demain » (2005), Membre du conseil scientifique du collectif « Sauvons le climat ») : « C'est exact lorsqu'on considère que les consommations de 1 kWh de chaleur et de 1 kWh d'électricité sont strictement équivalentes, ce qui correspond à une des conventions adoptées internationalement pour comparer des énergies de natures différentes. Mais il n’y a pas une mais trois conventions "internationales", dont le choix dépend de l’usage que l’on veut en faire ; une seconde permet de comparer les énergies primaires - celles effectivement utilisées pour produire l'électricité ou le carburant automobile par exemple - ; elle est pertinente lorsqu’on s’intéresse aux émissions de CO2 ou aux quantités de pétrole consommées ; et une troisième permet de comparer les énergies dites « utiles », par exemple les énergies mécaniques sur les arbres moteurs de machines thermiques et électriques ; elle est pertinente lorsqu’on s’intéresse avant tout aux efficacités énergétiques. » Si on retient la première des conventions internationales la production d’électricité nucléaire française représente 17 % de l’énergie consommée ; si on retient les deux autres conventions internationales (dépendant de ce qu’on veut regarder sur le plan technique), on tombe sur les chiffres avancés par Nicolas Sarkozy (électricité nucléaire française représentant de 40 à 50 % de l’énergie en France – et 20 % à l’échelle mondiale -). Par contre la question posée par Ségolène Royal était « la part du nucléaire dans la production de l’électricité », et là la réponse est nette et sans appel : elle représentait plus de 85 % en 2005 (regardez vos factures d’EDF, c’est écrit dessus) ; reportez vous aussi sur le site d’EDF : « Près de 88 % de la production d'électricité d'EDF en France est d'origine nucléaire. Réparti sur l'ensemble du territoire national, le parc nucléaire d'EDF compte : 34 réacteurs de 900 mégawatts ; 20 réacteurs de 1300 mégawatts ; 4 réacteurs de 1450 mégawatts. » L’EPR Nicolas Sarkozy s’est mélangé les pédales entre les numéros des générations III et IV. C’est le seul point sur lequel Ségolène Royal a eu raison dans la discussion sur l’EPR : la génération IV (qui est un changement de technologie) ne peut pas être opérationnelle avant 2040-2050 ( la fusion avec ITER étant de ce point de vue une éventuelle phase V - cette terminologie n'a jamais été utilisée, c'est à fin pédagogique -) ; la question d’actualité avec EPR (qui n’est pas, contrairement à ce que dit Royal, un prototype : la phase prototype est déjà passée, l’EPR en construction est un « démonstrateur », à savoir le jalon intermédiaire entre le prototype et la série, une pré-série en quelque sorte). L’EPR n’est pas un réacteur de nouvelle génération, au sens d’un bond technologique, il s’agit d’un réacteur de la génération actuelle incluant des améliorations sur un certain nombre de points (voir le dossier EDF : http://www.edf.fr/html/epr/index.html). Ce que Sarkozy a compris – et cela il l’a restitué avec justesse – c’est que l’EPR vise à faire la liaison entre les centrales actuelles dont les premières atteindront 40 ans en 2020 et l’industrialisation des réacteurs de génération IV (à compter de 2040-2050). Il s’agit ni plus ni moins de renouveler le parc actuel dans une technologie fondamentalement identique mais bénéficiant des progrès technologiques réalisés. Comme illustré avec la question des pourcentages de l’énergie, Ségolène Royal est scotchée sur l’argumentaire du réseau « sortir du nucléaire » et de « Greenpeace ». La stratégie de communication de ces réseaux est de jouer sur le nom de « prototype », en suggérant à la population qu’il ne serait pas nécessaire de se chamailler sur la construction de cette phase intermédiaire puisqu’il suffit d’attendre la phase IV sur laquelle tout le monde travaille (une collaboration internationale à cinq pays) et en masquant que cela condamnerait à l’arrêt progressif des réacteurs actuels et donc … à sortir du nucléaire sans en avoir assumé le débat. Donc sur cette question : Sarkozy a restitué l’essentiel de l’enjeu et a simplement confondu les numéros de génération (ce qui a généré évidemment un communiqué immédiat de « sortir du nucléaire » faisant part de son inquiétude devant la connaissance approximative du dossier) ; Royal a restitué l’argumentaire de « sortir du nucléaire »-Greenpeace. Je renvoie aux articles parus sur ce blog, traitant des questions énergétiques et, en particulier, de l’énergie nucléaire. Voir la catégorie « Environnement climatique et énergies », ainsi que « Rencontres CIVIQ » (rencontre du 26 octobre 2006).
Nicolas Sarkozy, qui avait été en charge du dossier en tant que ministre d'Etat, ministre des finances, du budget et de l'industrie, a été incapable de répondre à la question de Ségolène Royal et ignorait que l'EPR est un réacteur nucléaire de troisième génération.
Ségolène Royal a raison de rappeler que la part du nucléaire représente 17% de l'énergie totale (électricité, gaz, charbon, pétrole, hydraulique, énergies renouvelables) consommée en France. La part du nucléaire dans la production d'électricité est de 78%.
En revanche le chiffre annoncé par Nicolas Sarkozy de 50% ne correspond à rien !
Enfin, concernant la disponibilité des ressources d'uranium, les chiffres cités par Ségolène Royal sont ceux donnés par l'Agence Internationale de l'Energie Atomique et l'Association mondiale de l'énergie nucléaire. Selon ces agences, les réserves d'uranium sont estimées à 30 ans de fonctionnement des réacteurs actuels dans le monde, pour un coût de production inférieur à 40$ par kg d'uranium, et qui augmentent jusqu'à 80 ans de fonctionnement si on accepte un coût de 130 $/kg.
Nicolas Sarkozy évoque des ressources « prévisibles » bien supérieures en oubliant de préciser que le prix d'exploitation de ce minerai serait alors incompatible avec la compétitivité de la production électronucléaire ».