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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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8 mai 2007 2 08 /05 /mai /2007 16:55

 

La victoire de Sarkozy est potentiellement explosive

Dans sa chronique, Evariste analyse le scrutin présidentiel, soulignant d’abord le rôle joué par Henri Guaino auprès du candidat de la droite, puis montrant comment celui-ci avait su capter les suffrages de l’électorat populaire en mettant en cause les dérives d’une culture issue du mouvement de mai 1968. Il décrit les responsabilités du PS et de la gauche antilibérale dans le succès de Sarkozy, observant que le mouvement social n’est pas défait et va exercer une grande vigilance. Sa conclusion est plutôt optimiste.

 Ce texte est à lire dans le n° 535, paru ce jour, du journal des amis de ReSPUBLICA Lien permanent vers cet article  

 « Henri Guaino fait gagner son second président en douze ans »

Les conditions de la victoire de Sarkozy sont certes différentes de celles de Chirac, en 1995. Quand, il y a douze ans, Guaino a commencé à écrire sur la fracture sociale, la situation du maire de Paris était désespérée, et il faisait l’objet des sarcasmes de l’ensemble du monde politico-médiatique. Mais cet animal politique a compris qu’il fallait la jouer « à gauche toutes », pour rétablir la situation, et a finalement réussi à gagner. Il ne mettra pas plus de six mois à renier tout ce qu’il a dit, et imposer, par Juppé, une taxation de plus de 100 milliards de francs sur les familles.

 Une telle escroquerie fera que, en décembre, quand les fonctionnaires, derrière les cheminots, entameront une épreuve de forces avec le gouvernement, toute la population sera derrière eux, ce qui ne sera pas le cas en 2003, lors de la grève sur les retraites.

 L’attelage Guaino-Sarkozy a une autre histoire. Il y a un an, Sarkozy avait trop de handicaps pour pouvoir gagner. Il était considéré comme atlantiste, communautariste, ultra-libéral, pour la discrimination positive sur des bases ethniques, et anti-laïque. Il avait commis l’erreur de dire qu’il aimait le modèle anglo-saxon, et qu’il se sentait souvent « comme un étranger dans son propre pays ».

 Ses conseillers lui ont dit qu’on ne pouvait pas remporter une présidentielle avec un tel programme. Notre collaboratrice Marie Perret explique fort bien (lire Respublica 532) comment Sarkozy, qui sait remarquablement sentir l’état de l’opinion, contacta alors Henri Guaino, qui lui écrivit des discours sur l’amour du travail, de la République, de la Nation, Jaurès et Blum, de la France qui se lève tôt, etc. Il saura rectifier le tir sur la laïcité, et tenir un discours sur le besoin d’ordre et d’autorité assez proche de celui du Front national.

 Résultat : beaucoup d’électeurs frontistes votèrent utile dès le premier tour, plaçant Sarkozy en position de grand favori au soir du 22 avril, et mettant le FN sur le recul. Sarkozy a su capter le vote des classes populaires, car il a également attaqué sans complexe le discours post-soixante-huit dont la majorité du peuple ne veut plus.

 Il convient d’être clair, mai 1968 fut une magnifique grève générale, avec des conquêtes sociales, un moment d’émancipation de la jeunesse face à l’ordre moral, un combat féministe contre le patriarcat, une révolte de toute la société pour davantage de liberté. Une chape de plomb étouffante s’est soulevée, et tous ceux qui parlent de ces moments le font avec beaucoup de fierté. C’est l’élan de 68 qui a permis aux femmes, en quarante ans, de gagner le droit à la contraception, à l’avortement et au travail. C’est ce même élan qui a amélioré le rapport de forces, sur les lieux de travail, jusqu’à l’apparition du chômage de masse.

 Mais on ne peut nier, dans les années qui suivirent, certaines dérives d’une culture issue de ce mouvement, sous l’influence de la pensée bobo et gauchiste : 

Haine de la République et de la Nation, jugées comme des valeurs réactionnaires, voire fascistes, au nom de l’internationalisme. Perte de l’autorité des enseignants et des parents, culte de l’enfant roi. Abandon de la transmission des savoirs à l’école, grâce aux délires des pédagogistes, au nom de l’enfant au centre de ses apprentissages. Mépris du peuple, des classes populaires, jugées racistes et lepénisées, parce qu’elles réclament de la sécurité dans des quartiers abandonnés aux petits caïds et aux délinquants. Défense de tous les particularismes, religieux, linguistiques, ethniques, régionalistes, au nom du droit à la différence. Aveuglement face à la montée de l’islamisme, au nom d’un combat antiraciste dévoyé. Haine de tout symbole d’autorité de l’Etat, dictature du politiquement correct, etc.

 Ségolène Royal, et ce n’est pas son moindre mérite, a essayé de rompre avec ce discours, depuis qu’elle a été investie par les militants du Parti socialiste. Mais chacun voyait bien que les Strauss-Kahn, Lang et Cohn-Bendit, omniprésents autour d’elle, n’étaient pas sur ces positions. Chacun entendait bien que les écologistes et l’extrême gauche trotskiste sont encore porteurs de cette idéologie.

 Il était donc inévitable que Sarkozy sache capter, par la clarté de son discours, et son refus de la dictature du politiquement correct, le rejet des classes populaires de cette culture souvent prétentieuse et méprisante à leur égard. La défense du squatt de Cachan par les gauchistes, c’était du pain béni pour Sarkozy. Les ambiguïtés de la gauche, autour des émeutes de décembre 2005 et des violences de la gare du Nord, c’était du pain béni pour Sarkozy. Les demandes de régularisation automatique de parents sans-papiers ayant un enfant scolarisé, c’était du pain béni pour Sarkozy.

 Ce dernier a su gagner le vote des classes populaires, en promettant du salaire, de l’ordre dans les quartiers, en affirmant son amour et sa fierté la France, en jurant qu’il n’y aurait pas de nouvelle constitution européenne, et refusant l’adhésion de la Turquie, en demandant du protectionnisme, etc.

 Mais il est également le chouchou du Medef, à qui il a promis de nombreux avantages fiscaux. C’est le candidat qui encourage Johnny Hallyday à s’exiler en Suisse pour ne pas payer l’impôt républicain. C’est celui qui veut exonérer les puissants de cotisations sociales, qu’il appelle des charges. Or, ce que les riches n’acquitteront pas en impôts, ce seront les plus modestes qui le paieront en taxes.

 Les attentes qu’il a suscitées, le volontarisme qu’il a démontré en promettant un taux de chômage à 5 % à la fin de son mandat, se heurteront obligatoirement à la réalité des faits. Sarkozy croisera probablement le fer rapidement avec les syndicats du secteur public. Un de nos lecteurs, Luc Douillard, expliquait dans un article (Respublica 532) qu’il ne faudra pas tomber, non plus, dans le piège des luttes minoritaires. La bataille des retraites, en 2003, a montré qu’aujourd’hui, le secteur public ne peut gagner sans l’appui de toute l’opinion, y compris les salariés du privé.

 Dans cet esprit, pour combattre efficacement Sarkozy, il faudra démontrer aux salariés, aux retraités, aux assurés sociaux, combien va leur coûter son discours libéral et démagogique. Ce sera prouver que toutes les exonérations qu’a promises le nouveau président de la République auront un coût, et préparer, avec les organisations syndicales, des mobilisations unitaires pour défendre le monde du travail, et les systèmes solidaires de retraite et de protection sociale.

 Mais surtout n’oublions pas que le peuple français est politisé, et disponible pour l’action. Il l’a montré lors du référendum sur le TCE, et lors des manifestations contre le CPE. Il l’a confirmé par sa participation massive aux présidentielles. Surtout ne soyons pas pessimiste, au soir de cette défaite, et n’écoutons pas les gauchistes qui y verront une lepénisation de la France.

 La République est de retour, plus aucun candidat ne peut l’occulter. Il n’est plus ringard de chanter « La Marseillaise ». La culture gauchiste est sur le recul, et il faut s’en réjouir pour toute la gauche. Sarkozy a certes gagné, et nettement, surtout grâce au discours de Guaino. Les interventions du nouveau président, hier soir, portaient la trace de sa plume talentueuse. Mais les classes populaires, si elles réclament que les lois de la République s’appliquent partout, n’ont pas voté pour lui pour qu’il favorise les riches, ferme les services publics, et se couche devant la logique libérale de Bruxelles.

 En ce sens, la victoire du leader de l’UMP est explosive par les contradictions qu’elle comporte, face à un mouvement social qui n’est pas défait, et qui saura lui demander des comptes.

 Le Parti socialiste, au vu de l’ampleur de la défaite de Ségolène Royal, va avoir des lendemains difficiles. Ségolène Royal était certes au deuxième tour, contrairement à Jospin en 2002, mais elle fait moins que le candidat socialiste en 1995.

 Son discours, prononcé quelques minutes après 20 heures, était surréaliste. « Que la défaite est belle », semblait-elle dire. Le but de la rapidité de cette intervention était évident : montrer que la candidate avait gagné sa légitimité pour mener les législatives. Strauss-Kahn a immédiatement réagi, et sans attaquer directement Royal, a critiqué très vivement la direction du PS, jugée trop en retard par rapport aux autres PS européens, et responsable de la troisième défaite consécutive aux présidentielles. Fabius s’est voulu plus pudique, mais a laissé entendre qu’il allait falloir tirer les bilans de cette élection. Il est évident que la main tendue à Bayrou, et l’axe UDF-PS-Verts va faire parler, avant les législatives, dans le Parti socialiste, et dans toute la gauche.

 Quant à la gauche antilibérale, elle n’a fait que payer, au lendemain du 29 mai 2005, son incapacité d’offrir des perspectives crédibles, et le repli sur la boutique de chacun. Elle a également contribué, par sa faillite, à l’ampleur de la victoire de Nicolas Sarkozy, qui marque une nouvelle étape dans les équilibres politiques français.

 Une gauche nouvelle doit naître, en brisant les carcans dogmatiques de la vieille gauche plurielle, dernière évanescence de la parenthèse soixante-huitarde, y compris en remettant en cause sans concession les fausses idoles qui ont dévalorisé les travailleurs, la culture ouvrière, l'héritage de Blum et de Jaurès.

 Une gauche qui ne doit être ni bobo, ni gaucho, mais tout simplement celle dans laquelle se reconnaissent les syndicalistes et les petites gens modestes à la vie simple, honnête et honorable.

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