Paysans de France et d’Europe, faites front ensemble !
Le monde agricole est divisé en plusieurs tendances syndicales et politiques, ce qui est normal dans un monde normal. Mais il faut le dire clairement : ce monde n’est plus normal. En voulant servir le dieu Argent, il s’est fourvoyé. Et ceux qui l’ont mené là s’accrochent aux postes de responsabilité, au grand désespoir du plus grand nombre qui voient leur niveau de vie régresser.
Prenons le cas des paysans. L’utilité de leur travail n’est pas contestée, puisqu’ils produisent les denrées qui permettent de nourrir le monde. Pour cette raison, il est important qu’ils aient une garantie de revenu dans la durée.
Le dieu Argent, sous le masque diabolique du libre-échange, en a décidé autrement. Il a soumis l’agriculture à la folie de la déréglementation et de la libéralisation du commerce, provoquant des variations de prix et de revenus agricoles insupportables pour ceux qui en vivent.
C’est surprenant de constater qu’un homme comme Maurice Allais, prix Nobel d’économie en 1988 pour ses contributions à la théorie des marchés, n’ait pas été écouté. L’hebdomadaire Marianne (n°659, 5 décembre) a publié son « cri d’alarme » (voir Maurice Allais, Lettre ouverte aux Français).
(…) Les grands dirigeants de la planète montrent une nouvelle fois leur ignorance de l'économie qui les conduit à confondre deux sortes de protectionnismes : il en existe certains de néfastes, tandis que d'autres sont entièrement justifiés. Dans la première catégorie se trouve le protectionnisme entre pays à salaires comparables, qui n'est pas souhaitable en général. Par contre, le protectionnisme entre pays de niveaux de vie très différents est non seulement justifié, mais absolument nécessaire (…).
L’imposture néolibérale porte la responsabilité des profondes perturbations de l’économie. Voici le résultat de cette idéologie au niveau de l’agriculture (voir Revenus agricoles en baisse, faim en hausse, le libéralisme a tout faux - 9 décembre 2009).
Sur le site de La France agricole, ce 14 décembre, on peut lire :
Revenu agricole 2009 : une chute de 32% avec un retour 20 ans en arrière
En 2009, le revenu net par actif non salarié des exploitations professionnelles chuterait de 32% (-23% en 2008 et + 20% en 2007), d'après les comptes prévisionnels de l'agriculture rendus publics lundi 14 décembre.
Le revenu moyen hors inflation fait un bon de 20 ans en arrière et tombe au-dessous de son niveau du début des années 1990, à 14.600 € par actif non salarié. La diminution des coûts de production (à l'exception des engrais) n'a pas compensé la chute des prix des productions végétales et animales. Le prix du fuel baisse d'un tiers après l'envolée de 2008 et les coûts des aliments pour animaux diminuent en moyenne de 11%.
Après un recul de 37% en 2008, le revenu des exploitations spécialisées en céréales et oléoprotéagineux chuterait de 51% en 2009. En autres grandes cultures, la baisse serait de - 41%, compensée par une hausse des rendements en betterave. Après le pic inégalé de 2007, le revenu redescend en deçà du niveau historiquement bas de 2005. La moisson céréalière se maintient à son bon niveau de 2008 mais les prix reculent de 24%.
Le revenu des éleveurs laitiers chuterait de 54% en 2009. Le prix du lait a amorcé sa baisse au deuxième semestre et chuté de 16% en moyenne sur l’année civile 2009. Le coût de l’alimentation animale, qui se réduit de 16,3%, ne permet pas de compenser la baisse du chiffre d’affaires. Le revenu moyen par actif descend au-dessous de son niveau du début des années 1990.
La situation est meilleure pour les producteurs de viande bovine grâce à la diminution des prix et des achats d’aliments composés. Leur revenu progresserait de 17% en 2009. Mais cette évolution positive ne rattrape pas les baisses de 30% du revenu successivement les deux années précédentes. Le revenu demeure, hors inflation, à un de ses plus bas niveaux depuis vingt ans.
Soutenu par les aides publiques et avec des dépenses maîtrisées, le revenu des exploitations ovines progresserait de 22%. Mais cette hausse n’infirme pas la baisse tendancielle amorcée en 2002. Le revenu est à un niveau le plus faible depuis 1990.
Les éleveurs hors-sol bénéficient de la baisse marquée des coûts de production et leur revenu progresserait globalement de 10% en 2009. Très cyclique, celui-ci reste toutefois en recul de 12% par an depuis 2006. Son niveau avoisine le point bas atteint en 2002.
Le revenu des arboriculteurs se détériorerait de 53% en 2009 avec des prix bas et des produits de protection des cultures élevés. Il rejoint ainsi le bas niveau de 2005. Même chose pour les exploitations maraîchères et horticoles, dont le revenu décrocherait de 34%.
Ce même jour, dans le même journal, la parole est donnée aux représentants habituels de la profession agricole. Voir Revenu agricole 2009: pour les syndicats, les chiffres prouvent la gravité de la crise.
Le Monde titre, ce 14 décembre : Les revenus des agriculteurs chutent de 34 % en 2009.
Quelques jours plus tôt, 22 ministres de l’agriculture de l’Union européenne étaient réunis à Paris (voir Le Monde, 10 décembre Vingt-deux pays de l'UE réclament une PAC "forte").
En même temps, près de la Tour Eiffel, les membres de l’organisation européenne des producteurs de lait EMB, manifestaient (voir VIDÉO Coordination Rurale, OPL, APLI, EMB. Cliquez ici).
Appel au rassemblement et à la mobilisation des agriculteurs
Compte tenu de la gravité des faits, on en vient à penser que l’initiative de Pascal Massol, créant L'Apli, l’association des producteurs de lait indépendants, qui a réussi, en septembre dernier, à faire bouger les ministres de l’agriculture de l’Union européenne, pourrait bien être la solution pour dresser l’ensemble des agriculteurs contre une Europe qui fait fausse route.
Il existe, au sein de la FNSEA, des syndicalistes prêts à se mobiliser, au niveau de l’ensemble de la profession, sur le thème des prix et revenus agricoles. Jean-Michel Lemétayer, Luc Guyau, il est temps de comprendre qu’une page est en train de se tourner. Ouvrez vos portes à Pascal Massol, François Lucas (Coordination rurale) et Philippe Collin (Confédération paysanne). L’heure est grave, elle est suffisamment critique pour que soient dépassées les divergences secondaires.
Voir Producteurs de lait APLI, La Chapelle d'Andaine (61) : Massol satisfait - 25 octobre 2009
Voici ce que disait Pascal Massol, le 12 décembre sur le site de La Dépêche.
« Prix du lait : on n'abdiquera pas »
L'objectif de l'APLI reste la survie de l'éleveur ? C'est aberrant, à l'heure actuelle, d'avoir à réclamer une rémunération pour un travail, alors que d'autres sont payés à ne rien faire. Celui qui produit ne gagne rien et inversement, celui qui spécule sur le produit, s'engraisse et s'enrichit.
Vous souhaitez une gestion souple et la réappropriation des volumes ? « Nos prix sont indécents. Nous réclamons une régulation européenne de la production de lait et un prix minimum de la tonne de lait. Le prix du lait doit être équitable pour les producteurs comme les consommateurs, et cela passe par un rééquilibrage entre l'offre et la demande.
Mais aussi vivre de la vente de vos produits, tout simplement ? Oui, plus que jamais. Et ceci, en imposant les règles permettant de couvrir les coûts de production, la rémunération du capital et la rémunération du travail (…).
Cet article est le 152ème paru sur ce blog dans la catégorie AGRICULTURE et PAC.