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Présentation

  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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6 novembre 2013 3 06 /11 /novembre /2013 22:14

Le journal Fakir fait le récit de la semaine du basculement

 

La « parenthèse libérale » (comme disait Jospin) a été ouverte en 1983 par une décision du président de la République, François Mitterrand. Une longue parenthèse qui n’a pas encore été refermée. Elle avait amené Jean-Pierre Chevènement à démissionner du gouvernement.

Personnellement, j’avais vécu douloureusement cette période (j’étais alors responsable du PS en Mayenne, élu sur les bases des idées de Chevènement, en alliance avec le courant Mitterrand). J’avais écrit une longue lettre à François Mitterrand pour l’informer de mon désaccord avec son choix. Dans une lettre manuscrite, il m’avait répondu que c’était le seul choix raisonnable, compte tenu des contraintes financières.

 

Les travaux de François Ruffin et du journal Fakir permettent de comprendre ce qui s’est passé en 1983 La semaine où la gauche a basculé à droite (+ Vidéo). En dix jours se déroule un thriller politique. Le 13 mars, François Mitterrand souhaite une « autre politique ». Le 23 mars, c’est plié : ce sera le « tournant de la rigueur » et l’Europe de l’austérité. S’ouvre alors la « parenthèse libérale ». Dans laquelle nous sommes encore coincés. Voir la vidéo, excellente. Extraits.

14 mars 1983 : Le nœud

Hier, la gauche a subi une défaite, mais pas de débâcle. Un « avertissement », comme cause Lionel Jospin, le premier secrétaire du PS, avec trente et une villes perdues : Grenoble, Roubaix, Tourcoing, Épinal, Nîmes, etc. À l’Élysée, le président attend son Premier ministre. C’est l’heure du choix, désormais, un choix qu’il repousse depuis trop longtemps. Il relit une note, que lui a fait passer Jacques Delors, son ministre de l’économie : « Sur un an, la consommation des Français augmente de 3,7 %, mais la production intérieure que de 2,1 %. La différence est assurée par une flambée d’importations. » Le déficit commercial s’est accru de trente-deux milliards. Sur un an, le taux de couverture en produits manufacturés a baissé de dix points, passant de 88 % à 78 %. C’est net : la relance française profite aux Allemands, aux Américains, aux Japonais. Que faire, alors ? Il n’y a que deux options, et pas de troisième voie : la France doit-elle sortir du Système monétaire européen (SME), prendre des mesures protectionnistes, limiter les importations, et persister dans une politique « de gauche », volontariste, tournée vers l’industrie, vers le progrès social ? Ou doit-elle accepter la discipline du SME, lier le franc au mark, et, dès lors, procéder à un « assainissement » budgétaire, à une « désinflation compétition », bref, à de l’austérité pour l’état comme pour les salariés ? Ce nœud, il faut maintenant le trancher. Un nœud que Mitterrand a lui-même emmêlé, sciemment, depuis un an au moins.

14 mars 1983 : Le refus

Ce dilemme tourmente le président, ce matin. Mais il déchire le PS, comme en témoigne la presse du jour : dans Le Monde, les chevènementistes s’en prennent aux rocardiens, parlent d’« acquiescement à une fatalité », de « soumission mélancolique aux contraintes d’un environnement hostile », d’une « polémique antiprotectionniste » qui serait « la pointe avancée d’une opération politique de grande envergure », qui conduirait au « libéral déflationnisme ». Il faut trancher. Pierre Mauroy s’assied face à lui. « Je vous garde, lui annonce François Mitterrand, mais pour faire une politique économique plus tranchée qui implique la sortie du franc du SME.
— Non ! lui répond Pierre Mauroy. Je ne saurai pas faire ! Je ne suis pas l’homme d’une telle politique ! » Après ce refus, donc, l’incertitude demeure : de quel côté penchera la balance ?

15 mars 1983 : La conversion

La gauche a nommé, comme directeur du Trésor, Michel Camdessus, un libéral convaincu, qui deviendra bientôt directeur du FMI, qui imposera aux pays du Sud des « plans d’ajustement » draconiens. Pareil personnage n’est pas, on le devine, franchement favorable à l’« autre politique ». Il fait même tout pour s’y opposer. En lien avec le groupe Attali, il a prévenu : les caisses sont vides. Et ensemble, les deux compères se rendent ce matin au ministère du Budget. À Laurent Fabius, ils dépeignent « les conséquences terribles que pourraient avoir une sortie du franc du SME : coup d’arrêt à la construction européenne, décrochage du franc d’au moins 20 %, terrible pour les achats de pétrole et la dette ; des taux d’intérêt qui grimpent de 15 à 20 % ; un million de chômeurs en plus et, au bout du compte, un plan d’austérité de la part du FMI ». À côté de ça, les dix plaies d’Égypte sont une partie de plaisir… Jusqu’alors, Laurent Fabius est plutôt proche de l’« autre politique », favorable à une sortie temporaire du SME. À l’automne 1981, il a préparé un budget avec des dépenses publiques en hausse de 30 %, l’embauche de 200 000 fonctionnaires, 500 % d’augmentation pour la recherche, 100 % pour la culture et le travail, 40 % pour le logement, 30 % pour la justice... Après son exposé, Michel Camdessus a « vu brusquement Fabius changer de visage. Il n’avait pas perçu toutes les conséquences d’un flottement généralisé. Mais peut-être n’ai-je convaincu si facilement Fabius que parce que celui-ci savait que le Président pouvait encore changer d’avis ».

16 mars 1983 : La décision

Le Conseil des ministres approuve, ce matin, l’abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans. Voilà pour la façade. Côté coulisses, le jeune Fabius a demandé rendez-vous au « Vieux », et à son tour « il va s’efforcer alors à faire comprendre les conséquences terribles que pourraient avoir une sortie du franc du SME ». C’est, semble-t-il, l’entretien décisif. Aussitôt après, François Mitterrand reçoit à nouveau Pierre Mauroy et lui demande, cette fois, « de penser à la formation d’un gouvernement dans le cadre du maintien dans le SME ». Les dés sont jetés, en principe. Mais le président n’interviendra, il l’a annoncé, à la télévision que le mercredi 23 mars. Tout peut dépendre, encore, des négociations monétaires – qui doivent se tenir ce week-end à Bruxelles (…).

 

 29 mai 1983 : Le destin

Deux mois après son départ du gouvernement, Jean-Pierre Chevènement proteste devant la convention nationale du Parti socialiste : « L’histoire nous jugera, et d’autant plus sévèrement que, à la différence de ce qui s’était passé sous le Front populaire, le peuple nous a donné, en 1981, toutes les responsabilités… Tout se passe comme si la politique gouvernementale actuelle avait pour philosophie implicite : il faut assurer la convergence des politiques économiques avec l’Allemagne et nos voisins européens… S’agit-il d’une parenthèse, selon l’expression de Lionel Jospin ? Il y a malheureusement trop de signes en sens contraire. On croit ouvrir une parenthèse, et puis on s’aperçoit que c’est un virage, et bientôt, si l’on n’a pas réagi, celui-ci prend la figure du destin ! »

Et dans son livre Défis républicains, il ajoute :

« Comme j’aurais aimé qu’en mars 1983 François Mitterrand prît davantage ses aises avec un Système monétaire européen concocté par son prédécesseur, défendu bec et ongles par toute la technostructure libérale et dont mon collègue allemand me disait avec une pointe de cynisme qu’il fonctionnait comme “un système de subventions à l’industrie allemande” ! C’eût été changer la face de l’Europe en montrant notre liberté vis-à-vis d’un carcan qu’on avait voulu nous imposer. C’eût été rester fidèle au sens que, depuis dix ans, nous avions voulu donner à notre politique. La gauche aurait perdu en 1986, mais sur ses bases, et la suite eût été différente. Le Parti socialiste eût vertébré en Europe une politique réellement alternative dont l’heure eût fini par sonner. Au lieu de cela, le Parti socialiste se coula peu à peu dans un rôle de thuriféraire de l’orthodoxie libérale et monétariste. » (…)

 

Cet article est le 145ème paru sur ce blog dans la catégorie Gauche France

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commentaires

V
<br /> <br /> Bonjour. Je viens de lire votre article et  j'aurais besoin d'un complément d'information. Merci pour l'attention portée à ma demande. Merci a vous<br />
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