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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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3 juin 2010 4 03 /06 /juin /2010 22:48

 

Sortir de la crise de l’euro par le haut et tous ensemble

 

Dans le cadre du débat organisé au Sénat le 3 juin sur le projet de finances rectificative, en vue d’autoriser la France à garantir 111 milliards d’euros affectés au fonds de sauvegarde de l’euro, le sénateur Jean-Pierre Chevènement (MRC, Territoire de Belfort) s’est exprimé avec précision sur le problème de la monnaie unique européenne, dont il avait été l’un des premiers à prévoir l’échec.

 

Son intervention au Sénat, ce jour (voir Le Parlement français adopte le plan de sauvetage de l'euro), fait suite à l’entretien qu’il avait eu le 5 mai avec Public Sénat (voir Chevènement : relance coordonnée de la zone euro, sinon récession - 6 mai 2010).

 

Voici des extraits (cliquer sur le titre) de l’intervention de Jean-Pierre CHEVÈNEMENT. 4165664365 83c901fb6f s[1]

Pour une Europe de la croissance et du progrès social

 

La crise de la monnaie unique était prévisible, dès sa création par le traité de Maastricht en 1991. J’ai moi-même, en son temps, dénoncé le transfert de la souveraineté monétaire à une Banque Centrale européenne indépendante, entièrement déconnectée du suffrage universel et sans aucun pilotage politique. La monnaie unique était un canard sans tête. Cela sautait aux yeux en lisant le texte du traité. Aujourd’hui cela nous saute à la figure. La zone euro est une zone monétaire hétérogène, dépourvue d’un gouvernement économique capable de permettre aux Etats de coordonner leurs politiques. Pas seulement en matière budgétaire, mais aussi s’agissant de la dette des ménages et des entreprises, de l’évolution de l’investissement, de la compétitivité et donc de l’emploi, et enfin pour ce qui touche à la balance des paiements des pays concernés.

La monnaie unique souffre, par construction, de rigidités insurmontables puisque les ajustements ayant été rendus impossibles par la monnaie, doivent s’opérer par les salaires et les prix.

On ne peut que regretter rétrospectivement le projet de monnaie commune soutenu à l’époque par la Grande-Bretagne, dit encore « hard écu », la monnaie commune ayant cours vers l’extérieur et laissant subsister, à l’intérieur, des monnaies nationales inconvertibles autrement qu’à travers un accord politique fixant leur parité par rapport à la monnaie commune. Ce système simple permettait, sous un « toit européen » commun, les ajustements monétaires rendus nécessaires par les évolutions divergentes que le pacte de stabilité de 1997, rudimentaire et arbitraire, n’a pas permis d’empêcher.

 

Les marchés financiers se déchaînent aujourd’hui contre les Etats réputés les plus laxistes et leur font payer cher le refinancement de leur dette, même si celle-ci a été contractée, hier, par eux comme par d’autres, pour renflouer les banques et relancer l’économie. Ces bons Samaritains ne sont pas payés de retour par les marchés, c’est-à-dire par la spéculation, ce système d’avidité qui ne s’est pas mis en place par hasard mais par l’effet de déréglementations successives depuis la libération des mouvements de capitaux, y compris vis-à-vis des pays tiers, sans harmonisation préalable de la fiscalité de l’épargne décidée en vertu de l’Acte unique de 1987 par une directive de la Commission européenne de 1988.
Après les 110 milliards d’euros accordés hier à la Grèce, on nous demande aujourd’hui de garantir 440 milliards d’euros pour une entité ad hoc, dite Fonds européen de stabilité financière, dont 111 à la charge de la France soit un peu plus de 25%.

Bien que la responsabilité de tous ceux qui ont soutenu le traité de Maastricht et encore hier approuvé le traité de Lisbonne soit engagée et « l’autocritique doit être partagée » comme l’a dit Monsieur Marini – je n’insisterai pas par délicatesse – je ne pense pas qu’il faille faire la politique du pire en prenant par avance son parti du défaut possible de tel ou tel pays et de l’éclatement de la zone euro.

La monnaie unique est devenue réalité. Elle a coûté beaucoup de sacrifices et son symbole est fort. Mais elle a eu aussi beaucoup d’inconvénients : un euro trop fort pénalise nos exportations et favorise les délocalisations industrielles. Là où la BCE avait échoué : obtenir une parité un peu plus réaliste, la crise actuelle a provisoirement réussi mais la méthode n’est pas satisfaisante ! Je suis partisan pour ma part de défendre la zone euro dans son intégrité, afin d’éviter les « effets domino », mais en en changeant les règles du jeu.

Que nous proposez-vous par les articles 3 et 4 de ce projet de loi rectificative ?
D’abord un mécanisme européen de stabilité financière que nous pouvons approuver sous certaines réserves. Ensuite le relèvement du plafond de prêts de la France au FMI à hauteur de 21 milliards d’euros qui résulte des accords passés au sommet du G20 à Londres, le 2 avril 2009. Nous approuvons évidemment cette décision.

Mais vous nous proposez aussi implicitement un concours de plans de rigueur qui, mis bout à bout, ne peuvent conduire qu’à une récession généralisée. Nous ne pouvons cautionner cette orientation déjà mise en œuvre (…).
Ce que je ne puis approuver c’est l’envers de la médaille, c’est-à-dire le concours de plans de rigueur qui s’organise dans toute la zone euro sous l’impulsion de Mme Merkel. Il est sans doute nécessaire de responsabiliser les Etats. Solidarité de l’Europe et responsabilité des Etats sont les deux principes qui doivent guider notre action.

Mais on ne peut raisonnablement demander à la Grèce de réduire son déficit de 13,6 % de son PIB en 2009 à 3% d’ici à 2013. L’Irlande a de même un déficit de 13,4 %, le Portugal de 9,4 %, l’Espagne de 11,2 %. La purge imposée à ces pays, blocage voire diminution des salaires et des retraites à la clé, n’a aucune chance de réussir en si peu de temps.
Elle sera contre-productive. J’observe le scepticisme de M. Marini. Joseph Stiglitz l’a dit clairement « Si l’Union européenne continue dans la voie d’un plan coordonné d’austérité, elle court au désastre. Nous savons depuis la Grande Dépression des années trente que ce n’est pas ce qu’il faut faire ! ».

Le pronostic de Joseph Stiglitz pour la monnaie unique est pessimiste. Je le cite « Pour Athènes, Madrid ou Lisbonne se posera sérieusement la question de savoir s’ils ont intérêt à poursuivre le plan d’austérité imposé par le FMI et par Bruxelles, ou au contraire, à redevenir maîtres de leur politique monétaire. » Le Président de la BCE a déclaré qu’il n’avait pas de plan B. Est-ce prudent ? Je ne le crois pas. Il faut préparer un plan B. Il n’est pas nécessaire de le dire. Mais il faut le faire.

S’agissant de la France, pouvez-vous sérieusement proposer, comme s’y était engagé M. Woerth de réduire de 7,5 % à 3 % du PIB le déficit budgétaire d’ici 2013, soit de 90 milliards ? J’élève au passage une vive protestation contre le gel des dotations de l’Etat aux collectivités locales. Est-il raisonnable, comme le propose le Président Sarkozy, d’inscrire la réduction du déficit budgétaire dans la Constitution ? Non ! Nous nous lions les mains à l’avance imprudemment sous la pression de l’Allemagne qui ne nous a pas demandé notre avis et sous la pression des marchés financiers.

En fait le diagnostic sur la crise de l’euro doit être revu. Le déficit budgétaire des pays méditerranéens n’est que, pour une part minoritaire, un déficit structurel. Il est pour l’essentiel lié à la conjoncture. Et il ne faut pas casser une reprise économique à peine esquissée C’est très largement la déflation salariale excessive pratiquée par l’Allemagne depuis dix ans qui explique à la fois son excédent commercial (entre 120 et 200 milliards d’euros selon les années) et les déficits commerciaux correspondants des pays de la zone euro (45 milliards pour la France).
Le Président Sarkozy propose à juste titre un forum des chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro. Mais ce ne doit pas être pour entériner, au nom d’un principe de responsabilité des Etats, en soi-même peu contestable, une communauté de sanctions avec suspension de fonds structurels ou de droits de vote au Conseil, voire exclusion de la zone euro, comme Mme Merkel en avait un moment, émis l’hypothèse.

Au cœur de ce que veut dire l’expression « gouvernement économique de la zone euro » non dénuée d’ambiguïté, se joue une certaine idée de l’Europe. Il ne serait pas réaliste de vouloir redécouper la zone euro pour en exclure les pays autrefois désignés comme « pays du Club Med ». La France ne pourrait pas accepter une union monétaire à cinq ou six avec l’Allemagne et le Benelux. Ce qui reste de notre industrie n’y résisterait pas. Il est nécessaire que le gouvernement le fasse savoir à nos amis allemands. La zone euro doit être défendue dans ses limites actuelles. Il serait inacceptable de revenir à la conception d’un noyau dur à cinq (Allemagne-Benelux-France) proposé en 1994 par messieurs Schaüble et Lammers.

Pas davantage nous ne saurions accepter l’idée d’un visa préalable de la Commission européenne sur les budgets nationaux. C’est le Parlement qui vote le budget et personne d’autre. Monsieur Trichet sort de son rôle quand il parle de « fédéralisme budgétaire ». Ce discours ne peut avoir qu’un sens : soustraire à la délibération des Parlements l’élaboration des budgets. C’est une remise en cause fondamentale de la démocratie. Le budget européen dépasse à peine 1 % du PIB européen. Or, le taux moyen des prélèvements obligatoires en Europe est d’environ 40 % selon les Etats. Parler de fédéralisme dans ces conditions relève de l’intoxication. La Cour Constitutionnelle de Karlsruhe, au demeurant, ne le permettrait pas.

Il faut parler de coordination non seulement des budgets mais des politiques économiques. Il y a mieux à faire : la coordination des politiques économiques dans leur ensemble et d’abord la relance de la demande intérieure dans les trois plus grands pays de l’Union : Allemagne, France, Italie en prescrivant des normes d’augmentation salariales plus généreuses, ensuite le lancement d’un grand emprunt européen pour financer les infrastructures, la recherche et l’innovation, la politique de change, enfin pour laisser l’euro retrouver par rapport au dollar sa parité d’origine (1 euro = 1,16 dollar) voire une parité simple : 1 euro = 1 dollar.

Toutes ces mesures contribueraient à une relance économique de la zone euro qui est aujourd’hui la lanterne rouge de la croissance mondiale.

Enfin, il faut aller plus loin dans la voie du contrôle des marchés financiers et des agences de notation et cela de préférence à l’échelle mondiale. Les gouvernements sur ce sujet sont bien timorés. Les marchés financiers ne sont pas l’horizon de l’humanité. Ce sont les nations et la souveraineté des peuples qui donnent sens à l’Histoire !
Toutes ces mesures doivent être mises sur la table et discutées franchement. Le souci de l’amitié franco-allemande n’exclut pas la franchise, bien au contraire. Les salariés allemands ont aussi leur mot à dire. La croissance allemande est faible. Notre grand voisin connaît aussi la précarité. Mais nous savons bien qu’il n’y a pas d’alternative à l’amitié franco-allemande si nous voulons encore peser demain dans le monde. Il nous faut donc être persuasif avec l’Allemagne.

Ce que nous lui demandons, c’est de concevoir sa croissance d’une manière qui ne pèse pas sur la croissance européenne mais au contraire la stimule. Faut-il rappeler d’ailleurs que l’excédent allemand se réalise à 60 % sur la zone euro ? Une profonde récession de la zone euro se répercuterait fatalement sur l’économie allemande. L’Allemagne est très soucieuse de sa compétitivité extérieure. Parlons-en ! Ce sujet nous intéresse aussi !

La situation est grave, Madame et Monsieur les Ministres. Il faut à la fois une résolution d’acier et beaucoup d’habileté pour que le couple franco-allemand reprenne l’initiative. Cela dépend en grande partie de la France qui doit porter une vue mondiale des choses car les déséquilibres ne sont pas seulement européens. Ils sont mondiaux.

Les Etats-Unis ont besoin que la Chine, l’Allemagne et l’Europe dans son ensemble les aident à résorber leurs déficits gigantesques.

Il faut que l’Europe s’affirme maintenant comme une Europe de la croissance et du progrès social. Nous attendons du gouvernement qu’il fasse entendre une voix plus claire, plus déterminée car nous ne pourrions approuver un plan de régression sociale et économique d’une telle ampleur !

Pour toutes ces raisons, la majorité des sénateurs du groupe RDSE ne voteront pas contre la loi de finances rectificative mais comme le SPD allemand nous ne l’approuverons pas non plus. Nous vous laissons une chance, une chance pour le courage et l’imagination !

 

Sur le même sujet :

 

Entretien au Nouvel Observateur : Le tocsin Chevènement (3 juin)

Jean-Pierre Chevènement invité de France Culture lundi 31 mai (« En toute franchise »avec Hubert Huertas)

Cet article est le 15ème paru sur ce blog dans la catégorie Chevènement sénateur

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commentaires

D
<br /> <br /> <br /> Face au chantage de l'empire financier :<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Crise des « subprimes », crise bancaire, accélération de la destruction de l'agriculture, de l’industrie et des emplois. Puis aujourd’hui crise de l’euro, crise de la dette publique des<br /> États, destruction du service public, chantage sur les retraites. Sans oublier les divers plans injustes pour sauver les banques !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Nous devons nous organiser et nous mobiliser massivement pour demander à faire la lumière sur la crise financière en convoquant immédiatement une commission d'enquête parlementaire !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Nous ne devons pas faire le choix de la défaite ! Alors rejoins moi sur mon groupe facebook : http://fr-fr.facebook.com/group.php?gid=104166076293247&ref=ts<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> David CABAS<br /> <br /> <br /> david.cabas.over-blog.fr<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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