Vingt ans d’attaques contre l’école républicaine !
Signe d'un profond malaise dans l'Education nationale, un front uni des syndicats du public et, fait exceptionnel, du privé, appelle à la grève pour dénoncer la "dégradation" de l'école, l'un des enjeux de la présidentielle de 2012 (site du Nouvel Observateur, 27 septembre).
« Les syndicats annoncent plus de 50% de grévistes pour cette journée de mobilisation qui rassemble exceptionnellement public et privé. Les défilés contre les suppressions de postes dans l'Education nationale, à l'appel des syndicats du public et du privé, ont réuni mardi 27 septembre plus de 165.000 manifestants en France, dont "45.000 à Paris", selon une première estimation communiquée par l'intersyndicale (…). Près de 54% (53,75%) des enseignants du primaire et 50% de ceux du secondaire dans le public sont en grève, ont annoncé les syndicats de la FSU à la mi-journée ».
A Paris, les profs veulent «des élèves, pas des sardines» (Libération, 27 septembre)
Rappel : Education : l'autonomie et l'austérité généralisées, mélange détonant - 21 janvier 2011
Malaise de l'école publique : les explications de Jean-Claude Blanc - 23 avril 2011
(…) Un point de non retour est véritablement atteint. Ça suffit comme ça ! L’Education nationale ne saurait être gérée comme une entreprise, au moindre coût. Disons le clairement : si nous considérons qu’il est bien plus stimulant de jeter les bases de la démocratisation scolaire, qui passe notamment par la mise en place d’une culture commune de haut niveau afin de garantir une école de la réussite de toutes et tous, la question des moyens ne peut désormais plus être secondaire.
Il est fini le temps où l’on pouvait se contenter de faire cesser l'hémorragie comme on l'entend trop souvent, y compris à gauche chez celles et ceux qui se cachent derrière le prétexte de la dette. L’urgence exige de rétablir tous les postes vandalisés par la Droite depuis 2007. Revenir sur l’inefficace baisse de la TVA dans la restauration suffirait à y parvenir pour ne citer que cet exemple. Il est heureux que des candidats à la primaire socialiste, qui jusqu’à hier disaient l’inverse, se rangent enfin à nos propositions en la matière. Ainsi, François Hollande déclarait dans l'Express du 5 avril 2011 qu'il ne reviendrait pas sur ces suppressions de postes ! Courage, camarades ! Il ne vous reste plus qu’à rompre avec une tendance consumériste et individualiste de votre vison de l’éducation et vous retrouverez la voie et le sens de l’intérêt général !
Que cette question des moyens soit aujourd’hui posée avec autant d’acuité est bien la preuve que la politique aveuglément dogmatique de suppressions de postes atteint désormais le système éducatif jusqu’à l’os. Pour l’Ecole de la République, il s’agit bien d’un quinquennat d’airain dont il faudra sortir rapidement.
"20 ans d’attaques contre l’École républicaine, ça suffit !" (MRC)
La somme investie dans chaque élève ne cesse d’augmenter (de 5700€ par an en 1991 à 8000€ en 2011) mais l’état de l’institution scolaire décline.
Les inégalités et les injustices augmentent.
Depuis les années 90, l’origine sociale conditionne de plus en plus l’échec ou la réussite des élèves, à l’inverse de la tendance observée durant les décennies antérieures. Écoles privées et cours particuliers ont le vent en poupe. Des quartiers sont abandonnés. De nombreux établissements n’y offrent pas la sérénité attendue : 5 % des collèges font 30 % des incidents enregistrés.
Le niveau général chute.
Aujourd’hui, parmi les élèves sortant de CM2, 40% ne sont pas en mesure de suivre une scolarité au collège dans de bonnes conditions. En lecture, 21% ne dépassent pas le niveau des 10% les plus faibles de la fin des années 1980. En calcul, le chiffre monte à 30%. Pour la même dictée effectuée, 46% commettent plus de 15 erreurs, contre 26% auparavant.
Les occasions d’instruire diminuent.
Le nombre d’heures disponibles pour l’enseignement recule. Le samedi disparaît. L’école devient toujours plus un mode de garde et toujours moins un lieu de formation du citoyen. 72% des enseignants éprouvent un malaise profond face à un travail qui perd son sens.
Parce que, malgré leur succès historique, les méthodes simples et efficaces de transmission du savoir sous l’autorité du maître sont délaissées. Quoi de mieux pour déstabiliser les enfants ?
Parce que, sous couvert de «personnalisation», individualistes, laxistes, communautaristes et libéraux font alliance contre l’encadrement et la discipline nécessaires. Quoi de mieux pour nuire à la sélection des meilleurs et à la promotion de chacun, suivant ses talents et ses mérites ?
Retrouver de l’ambition collective quant au niveau d’instruction générale, d’éveil républicain et d’intégration de tous les élèves. Redonner à chacun sécurité, énergie et goût de l’effort.
Être ferme sur le principe d’égalité, entre tous les enfants et entre tous les territoires. Lutter contre le développement d’un «marché parallèle» de l’éducation.
"Je défends une école reposant sur les valeurs de savoir, d'effort, d'autorité des maîtres et les valeurs de la République" (Jean-Pierre Chevènement était l'invité du "Téléphone sonne" sur France Inter, mercredi 14 septembre 2011). Verbatim express:
Il est évident que l'exemple de la vertu devrait venir d'en haut et qu'on ne peut que condamner ceux qui donnent le spectacle affligeant que nous voyons. Les sociétés humaines ont toujours été imparfaites. C'est à lutter contre ces imperfections que chacun doit s'attacher, qu'il s'agisse des responsables politiques qui ont reçu le mandat du peuple ou qu'il s'agisse des enseignants, qui ont aussi une tâche magnifique qui est de former le jugement des enfants, qui est de leur transmettre les connaissances.
Une école qui n'instruirait pas ne pourrait pas non plus éduquer. Il faut rétablir une juste hiérarchie : l'école doit d'abord instruire. En même temps, elle doit transmettre des valeurs. Les valeurs de l'école sont les valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité mais aussi laïcité, solidarité, et il faut mieux faire le lien entre l'éducation civique (...) et l'éducation morale. Et il me semble que le lien, c'est l'idée de citoyenneté. Je pense qu'il faut mieux faire le lien entre l'instruction et l'éducation, entre la République et ses valeurs, et puis la morale républicaine, qui quand même est une vieille chose.
Il y a une tension entre cette société dominée par le capitalisme financier et des écarts de plus en plus abyssaux entre les revenus et les patrimoines, et d'autre part les valeurs qu'affirme l'école. Il y a une contradiction motrice entre les valeurs que veut promouvoir l'école, qu'elle doit promouvoir, et ce que nous voyons dans la société. On devrait résorber cet écart. Est-ce qu'on le résorbe ? Évidemment, non.
Je ne critique pas le fait qu'on a réintroduit l'instruction civique et morale. C'est en soi une bonne chose.
Mais il faut que l'école s'arrête au seuil de la conscience de chaque enfant. On n'a pas à modeler les consciences. L'État éducateur doit former le jugement et il doit prendre quelques règles simples qui découlent de la citoyenneté, de l'intérêt général, du refus des intérêts particuliers et du refus surtout de l'hyper-individualisme libéral tel qu'on l'a vu se développer depuis une quarantaine d'années et qui mine l'école.
C'est refaire la République qui est important, et naturellement au cœur de la République à refaire, il y a l'école. J'ai assez de considération pour les enseignants pour penser qu'ils sauront maintenir cette instruction morale à l'abri de toute espèce de conditionnement, de moraline, d'activités moralisatrices. Je crois qu'on peut faire confiance aux enseignants.
Les valeurs communes sont les valeurs communes aux citoyens. Elles peuvent être bafouées dans la réalité : la crise sociale, le communautarisme, la contestation irrationnelle des valeurs collectives, tout ça ce sont des réalités, mais ça ne doit pas nous faire oublier ce que nous avons en commun en tant que citoyens français et il faut l'expliquer clairement.
L'éducation nationale est en panne en France, depuis 1995. On voit clairement que monsieur Chatel défend l'école comme une entreprise à laquelle il veut appliquer des recettes managériales, alors que je défends l'école comme institution de la République, reposant sur des valeurs qui sont : le savoir, l'effort, l'autorité des maîtres et les valeurs de la République, bien entendu. Ce sont deux conceptions différentes.
Il n'y a pas de contradiction entre, d'une part l'éducation au jugement critique, et d'autre part la reconnaissance d'un certain nombre de valeurs civiques, cela va de pair. Mais pour tout cela, pour éduquer à la liberté, l'école doit d'abord instruire, il faut le rappeler.
Cet article est le 26ème paru sur ce blog dans la catégorie L'école.