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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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20 avril 2012 5 20 /04 /avril /2012 22:36

Pour une politique agricole d’intérêt général

 

Nourrir les vaches avec de l’herbe, cela n’a rien d’original puisque le système digestif des ruminants est fait pour cela. Pour des raisons diverses, le maïs a pris beaucoup de place dans l’alimentation d’hiver des bovins, nécessitant un complément concentré azoté, le plus souvent importé (tourteaux de soja, principalement).

 

Un paysan breton (du centre armoricain, à Trégueux, dans les Côtes-d’Armor), retraité depuis 1991, est devenu le porte-drapeau du système herbager à base des prairies associant ray-grass anglais et trèfle blanc (grâce au trèfle, il n’y a pas besoin d’apport d’engrais azoté minéral). C’est la « méthode Pochon » car André Pochon, ce paysan futé, a publié des livres et multiplié les réunions d’information. Voir La prairie temporaire à base de trèfle blanc avec André Pochon.

 

Je l’avais rencontré lors d’une réunion à Laval le 23 juin 2005. Il m’avait dédicacé son livre « Les champs du possible. Pour une agriculture durable », Editions Syros La Découverte, collection Alternatives économiques (voir Pour une agriculture durable).

 

Voici un aperçu de ses propos, ce soir-là, concernant la Politique Agricole Commune (PAC) :

 

Il voulait que les aides directes européennes, décidées en 1992, soient modulées en tenant compte d’objectifs économiques et environnementaux (qualité des produits, nombre d’animaux sur l’exploitation, valeur ajoutée, nombre d’actifs employés, surface plafonnée, bonnes pratiques agricoles) afin d’orienter la production. Les aides devraient être supprimées à l’irrigation et à la culture de maïs.

 

L’agriculture durable, c’est plus de valeur ajoutée, un système plus économe et plus autonome, plus intégré et moins productif. La prétendue vocation exportatrice de l’Union européenne est une absurdité économique. L’Europe importe plus de produits alimentaires qu’elle n’en exporte. Elle devrait se recentrer sur le marché européen (sécurité alimentaire) avec des prix rémunérateurs pour les agriculteurs, sans aides publiques. Pour les consommateurs, les produits alimentaires seraient plus chers mais ils n’auraient pas à payer les aides en tant que contribuables.

 

Le monde a changé depuis les débuts de la PAC. Celle-ci est devenue productiviste dès le début des années 1970, selon les intérêts de l’agrobusiness, le principe PAC étant de garantir des prix élevés aux producteurs par la préférence communautaire (européenne) et l’intervention publique sur les marchés.

 

André Pochon considérait que les conditions étaient favorables pour une vraie réforme de la PAC :

-          Renforcer les directives européennes (environnement, bien être animal),

-          Taxer les pesticides et l’azote minéral,

-          Briser le mythe de la vocation exportatrice (déficit global, dépendance en protéines, importation de soja et de produits de substitution aux céréales). Exporter sans subventions des produits de qualité,

-          Maintenir la préférence communautaire (taxer le soja et les produits de substitution aux céréales) et respect du droit des peuples à se nourrir eux-mêmes,

-          Lutter à l’OMC pour changer les priorités.

 

Dans un entretien au quotidien « L’avenir agricole » (Antoine Humeau, 30 mai 2008), André Pochon  racontait ses premières années d’agriculteur :

 

Dans les années 1950, le développement de l’agriculture, notamment dans l’Ouest, s’est fait sur la base de l’agriculture fourragère (…).

De 1955 à 1970, c’était une période de développement extraordinaire, on sortait de la pauvreté, on augmentait nos rendements et nos revenus. Grâce à la révolution fourragère, je suis devenu, avec mes 9 hectares, le plus gros producteur de lait de ma commune, alors que la moyenne de la surface des exploitations était 20 ha. Je faisais quasiment trois vaches à l’hectare. Du même coup, j’étais aussi devenu le plus gros producteur de cochons, car le petit-lait qui restait sur la ferme complétait l’alimentation des porcs en leur apportant des protéines.

Mais en deux ans, on a basculé dans un nouveau développement agricole qui n’avait rien à voir avec le premier. A la fin des années 1960, il y avait la pression du système commercial et l’arrivée de la Pac (…).  

 

En 2009, André Pochon a été l’auteur du livre Le scandale de l'agriculture folle - Editions du Rocher.

Voici son Point de vue, publié par Ouest-France dans l’édition datée du 31 mars-1er avril 2012 :

 

Pour une politique agricole citoyenne

 

Le projet de réforme de la PAC, présenté par le commissaire européen Dacian Ciolos, fait fi de la flambée des prix mondiaux des denrées de base. Or, cette flambée va perdurer du fait de la pénurie alimentaire causée par l’augmentation de la population, du niveau de vie des pays émergents, du remplacement de surfaces consacrées à l’alimentation par celles consacrées aux biocarburants, de l’aggravation de la pénurie d’eau et du réchauffement climatique.

 

L’heure est au contrôle des prix et non à leur soutien. En prévoyant un budget de 317,2 milliards d’euros consacrés au soutien du revenu des agriculteurs, le projet ferme les yeux sur ce contexte nouveau de hausse des prix des produits agricoles. Ainsi, les gros céréaliers vont toucher le beurre et l’argent du beurre : en 2011, pour 400 hectares en Beauce, plus de 120 000 euros de primes alors que prix des céréales a doublé. C’est un scandale d’autant que ce budget émane de la TVA payée par tous, y compris les plus pauvres. De plus, ces primes sont des subventions aux exportations qui concurrencent l’agriculture et l’élevage des pays du tiers monde. Compte tenu des dégâts provoqués par la PAC de 1962 (désertification rurale, pollutions, mauvaise alimentation), le budget européen de l’agriculture doit être consacré à réorienter le modèle agricole européen vers le développement durable.

 

Il faut sortir de la monoculture, des gros élevages industriels, des pesticides, des engrais azotés, des arasements, des drainages et de la concentration des exploitations. Il faut revenir à l’équilibre sol-plantes-animaux, aux assolements, à la biodiversité, au bien être des animaux, logés sur litières et non sur lisier, à l’alimentation des vaches à l’herbe et non au maïs soja. Il faut soutenir les oléoprotéagneux pour reconquérir notre autonomie en protéines et en énergie, soutenir les zones fragiles. Il faut surtout, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, prévoir une prime à l’herbe généralisée à l’Europe, maximale pour les premiers hectares, puis dégressive, réservée aux prairies sans engrais azoté.

 

La prairie est à la base d’une agriculture écologiquement intensive. Elle nous libère des pesticides, permet la reconquête de la qualité de l’eau, augmente celle de la viande et du lait (riches en oméga 3), améliore le taux de matière organique des sols, et donc leurs valeurs agronomiques et leurs rendements. Elle permet de reconquérir notre autonomie en protéines (nous dépendons à 75% du soja OGM américain.

 

Il faut soutenir l’emploi par une prime aux travailleurs agricoles, maximale pour les deux premiers travailleurs, puis dégressive. Il faut conforter les petites exploitations, l’installation des jeunes agriculteurs, les volontaires engagés sur des cahiers des charges respectant environnement et qualité des produits. C’est à cette révolution culturelle agricole que la nouvelle Pac devrait en priorité se consacrer.

 

A signaler les travaux de Nadège Garambois et Sophie Devienne (AgroParisTech, 29 septembre 2010) à partir du cas des systèmes bovins herbagers du Haut Bocage Poitevin. Il apparaît que ces systèmes innovants ont une efficacité satisfaisante pour les éleveurs concernés et aussi pour l’intérêt général. Voir EVALUATION DE SYSTEMES DE PRODUCTION INNOVANTS INSCRITS EN AGRICULTURE DURABLE

 

Résumé - Depuis 1990, des éleveurs du Haut-Bocage poitevin (centre Ouest) ont mis en oeuvre des systèmes bovins herbagers inspirés de l’exemple breton d’André Pochon et reposant largement sur la pâture de prairies temporaires d’association graminées-légumineuses.

Adaptés par des groupes d’éleveurs aux spécificités pédoclimatiques de la région, ces systèmes innovants privilégient la création d’une forte valeur ajoutée en réduisant fortement les consommations et s’inscrivent à contre-courant du mode de développement agricole prédominant de la région reposant sur l’accroissement de la productivité du travail grâce à l’augmentation de la production par hectare et par actif.

En s’appuyant sur la notion de système de production et sur les méthodes d’évaluation de projet (comparaison entre un scénario herbager et un scénario témoin), les passages en système herbager dans cette région sont évalués du point de vue des agriculteurs, puis de la collectivité nationale, en tenant compte de leurs effets sur l’ensemble des agents économiques concernés (amont et aval).

La mesure du différentiel entre les deux situations permet de montrer que ces systèmes herbagers sont financièrement favorables aux éleveurs et leur ont permis de réduire leur charge en travail. Entre 1990 et 2009, ils ont participé à l’accroissement du revenu national net et permis la création de 50% d’emplois agricoles supplémentaires tout en rémunérant davantage la main d’oeuvre tous secteurs d’activité confondus.

Ces systèmes herbagers moins subventionnés et à plus haute viabilité sociale et environnementale ont également permis à l’Etat de réaliser des économies budgétaires.

 

A deux jours de l’élection présidentielle française, qui pourrait conduire, si les sondages étaient prolongés dans la réalité des votes, à un changement significatif de la politique agricole, les idées novatrices de l’ami André Pochon (80 ans), qui étaient à contre-courant des politiques néolibérales, sont à considérer avec la plus grande attention.

 

Cet article est le 308ème publié sur ce blog dans la catégorie AGRICULTURE et PAC.

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commentaires

B
merci pour tous ces détails
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