Un drame humain d’une ampleur exceptionnelle
On se doutait, au vu des premières informations concernant le séisme au Japon, le 11 mars, qu’il s’agissait d’un évènement dramatique mais on pensait que ce pays était bien préparé, ce qui est la réalité par rapport à beaucoup d’autres. Mais qui pouvait imaginer la suite ? Et, surtout, ce tsunami qui, pour la première fois de l’histoire des tsunamis, a été filmé (voir, Le Monde, 15 mars Les vidéos du tsunami, Scènes d'horreur dans le Nord-Est, Des villes sans aucun sauveteur").
On peut s’étonner que des centrales nucléaires aient été construites sur des zones à grand risque sismique mais se rassurer en pensant que toutes les précautions avaient été prises. Par un courriel de Jocelyne Galy, amie Facebook, j’apprends qu’en 2006, un sismologue japonais avait averti les autorités de l’insuffisance des recommandations en matière de normes sismiques concernant les centrales nucléaires japonaises. Cette information a été publiée ce 15 mars par Mediapart :
Japon: la catastrophe nucléaire avait été prévue
« A moins que des mesures radicales ne soient prises pour réduire la vulnérabilité des centrales aux tremblements de terre, le Japon pourrait vivre une vraie catastrophe nucléaire dans un futur proche. » Cet avertissement est tiré d'un article paru le 11 août 2007 dans le quotidien International Herald Tribune/Asahi Shimbun (l'article est à lire ici). Son auteur est le sismologue Ishibashi Katsuhiko, professeur à l'université de Kobe (sa biographie est à lire ici).
Ishibashi Katsuhiko faisait partie du comité d'experts chargé d'établir les normes sismiques des centrales nucléaires japonaises. Il en avait démissionné pour protester contre la position du comité. Il estimait que les recommandations fixées par le comité étaient beaucoup trop laxistes.
En d'autres termes, le professeur Katsuhiko avait prévu ce qui est en train de se produire à la centrale de Fukushima. Il avait prévenu les autorités de son pays que les centrales japonaises souffraient d'une «vulnérabilité fondamentale» aux séismes. Mais ses avertissements ont été ignorés tant par le gouvernement que par Tepco (Tokyo Electric Power Company), premier producteur privé mondial d'électricité, qui exploite un tiers des centrales nucléaires japonaises, dont celle de Fukushima.
Katsuhiko a lancé son alerte en 2006, année où les normes de sécurité anti-sismiques japonaises ont été renforcées. Selon le sismologue, ce renforcement était encore très insuffisant. Les faits lui ont donné raison dès l'année suivante. Le 16 juillet 2007, un séisme de magnitude 6,8 a provoqué des incidents sérieux à la centrale de Kashiwazaki-Kariwa, la plus importante unité de production d'électricité nucléaire au monde. Cette centrale se trouve sur l'île de Honshu, la principale île du Japon, comme presque toutes les centrales nucléaires japonaises, qui encerclent les trois plus grandes villes du pays, Tokyo, Nagoya et Osaka.
Avant le séisme de juillet 2007, un autre s'était produit en août 2005, affectant la centrale d'Onagawa, au nord de Fukushima ; encore un autre en mars 2007, dont l'épicentre était à 16 kilomètres de la centrale de Shika. Et cela s'est répété l'année suivante, avec une secousse de magnitude 6,8 à l'est de Honshu, près d'Onagawa et de Fukushima. Même s'il n'y a pas eu de dégâts importants, Tepco a signalé alors trois fuites de liquide radioactif à Fukushima Daini.
Ainsi, l'accident qui vient de se produire à Fukushima ne peut être considéré comme une véritable surprise, même s'il a pris de court les opérateurs de la centrale comme les autorités. Cet accident est la reproduction, en beaucoup plus grave, d'événements qui se sont répétés au moins depuis 2005.
Ishibashi Katsuhiko avait analysé le risque, expliquant que, dans les différents cas, «le mouvement sismique à la surface du sol causé par le tremblement de terre était plus important que le maximum prévu dans la conception de la centrale». Lors du séisme qui a affecté la centrale de Kashiwazaki-Kariwa, le pic d'accélération sismique était plus du double de la valeur que la centrale était censée supporter. «Ce qui s'est passé à Kashiwara-Kariwa ne devrait pas être qualifié d'inattendu», écrivait le sismologue.
Le débat nucléaire, relancé sans délai par les écologistes
Cet accident nucléaire provoqué par le tsunami a des retombées politiques, notamment en France, à l’initiative des écologistes qui veulent « sortir du nucléaire ». C’était prévisible, même si le délai de décence n’a pas été respecté par certains, très pressés d’en découdre sur ce qui est leur raison d’être, le combat antinucléaire. Le débat aura lieu. C’est un point qui fait clivage à gauche. Il devra être traité à fond afin que le projet présenté aux électeurs en 2012 soit crédible.
Voir Les anti-nucléaires surfent sur le séisme japonais (Marianne2, Jack Dion, 15 mars)
Informations sur le Japon
Jean-Robert Pitte : « Le Japon est profondément optimiste » (Marianne2, Régis Soubrouillard, 15 mars)
Voir aussi Japon : l'industrie et l'emploi durement touchés par la crise mondiale - 26 décembre 2008.
Cet article est le 10ème sur ce blog dans la catégorie Asie.