Les familles des victimes veulent découvrir la vérité
C’est une très grave affaire qui est en cours d’exploration par la justice et devrait faire beaucoup de dégâts dans un cercle restreint de dirigeants politiques qui ont, ou ont eu, des fonctions importantes dans la hiérarchie de l’Etat.
Les premiers éléments sont apparus dans la presse en 2009, à la suite des déclarations des avocats des familles de victimes de l’attentat de Karachi (Pakistan).
Attentat de Karachi en 2002 : les familles de victimes en quête de vérité - 19 novembre 2010
Affaire Karachi : liens entre un suspect et des personnalités de l'UMP - 30 juillet 2011
Le 10 novembre 2010, a été créé un collectif de familles de victimes décédées dans l’attentat du 8 Mai 2002 à Karachi - On les appelle « Les Karachi ». Voir ATTENTAT KARACHI : Connaître la vérité
Voir aussi L Affaire Karachi (Le Parisien, 22 septembre 2011). Thierry Gaubert et Nicolas Bazire, deux proches de Nicolas Sarkozy, ont été mis en examen les 21 et 22 septembre par le juge Renaud Van Ruymbeke, dans le volet financier du dossier Karachi.
8 mai 2002
Une bombe explose à Karachi (Pakistan), tuant quatorze personnes dont onze employés français de la Direction des constructions navales (DCN), alors en mission pour assembler des sous-marins nucléaires. Ces submersibles avaient été vendus par la France au Pakistan dans le cadre du contrat Agosta signé en 1994 pour un montant de 825 M€. D’emblée, les autorités pakistanaises privilégient la piste islamiste et accusent la nébuleuse Al-Qaïda. Une hypothèse reprise à son compte par le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière, en charge de l’enquête.
18 juin 2009
Lors d’une rencontre avec les familles des victimes, le nouveau magistrat en charge du dossier, Marc Trévidic, évoque cette fois une piste financière qui lui semble « cruellement logique ». L’affaire Karachi est lancée. Le juge Trévidic, qui a pris la suite de Jean-Louis Bruguière en 2007, s’appuie notamment sur un rapport interne de la DCN, baptisé Nautilus, réalisé en 2002 et dissimulé par la DCN jusqu’à sa découverte en 2008. Selon ce document, l’attentat serait une mesure de rétorsion des Pakistanais, liée à l’arrêt du versement des commissions promises par la France dans le cadre du contrat.
Octobre 2010
A la suite d’une nouvelle plainte des familles de victimes, le juge Renaud Van Ruymbeke se saisit du volet financier de l’affaire et ouvre une enquête sur des faits de « corruption » et « abus de bien sociaux », à laquelle tente de s’opposer le parquet de Paris. Le juge pense qu’une partie des 85 M€ de commissions générés par le contrat est revenue en France sous forme de rétrocommissions, alors utilisées pour financer la campagne d’Edouard Balladur à la présidentielle de 1995. Après son élection, Jacques Chirac aurait stoppé les versements de commissions pour « assécher » les financements de son ennemi.
10 novembre 2010
Le juge Van Ruymbeke ne tarde pas à s’intéresser aux hommes politiques. Renaud Donnedieu de Vabres, collaborateur du ministre de la Défense François Léotard au moment de la signature du contrat, est le premier à être auditionné. Suivent Charles Millon, lui aussi ex-ministre, puis Dominique de Villepin. L’avocat des familles de victimes, Me Olivier Morice, demande sans succès que soient entendus Nicolas Sarkozy ou encore Alain Juppé. A plusieurs reprises, les investigations du juge se heurtent au secret-défense. D’autres dirigeants politiques avaient déjà été entendus par une mission d’information parlementaire, début 2010.
Et Karachi : avec Bazire et Gaubert, la justice touche au "premier cercle" sarkozyste (Le Monde, 21 septembre 2011). L'affaire des attentats de Karachi connaît une accélération avec l'audition par la justice de deux proches de Nicolas Sarkozy, Nicolas Bazire et Thierry Gaubert.
Le point de vue du directeur de Mediapart (Propos recueillis par Jean-Marie Durand, Les Inrocks, 1er octobre) : Edwy Plenel: "L'affaire Karachi dévoile la réalité du système de pouvoir de Sarkozy - Pour Edwy Plenel, fondateur du site Mediapart à l’origine des révélations sur l’affaire Karachi, notre démocratie est moribonde.
L'affaire Karachi, devenue après trois ans d'enquête l'affaire Takieddine, dévoile la réalité du système de pouvoir de Nicolas Sarkozy. Nos premières révélations, dès septembre 2008, ont relancé l'enquête sur les à-côtés de l'attentat de Karachi en mettant en évidence les conditions douteuses du financement de la campagne d'Edouard Balladur et soulignant les imprudences commises par l'entourage proche, Nicolas Bazire et Nicolas Sarkozy, pour financer cette campagne : ils imposent un intermédiaire, un inconnu qui s'occupait d'une station de ski. Cet intermédiaire va prendre le gros des commissions et commettre l'imprudence de bricoler une société au Luxembourg, Heine, pour que les rétrocommissions reviennent. Nous tirons ce fil et mettons en évidence qu'il y a eu des dépôts suspects en liquide dans la campagne de Balladur, et pire, qu'il y a eu couverture de cela par le Conseil constitutionnel présidé par Roland Dumas.
Cette première étape sur le financement d'une campagne ancienne et l'imprudence d'un homme au coeur de cette campagne, devenu président de la République, a pris une tout autre dimension cet été quand Mediapart s'est trouvé en possession des documents Takieddine, qui sont comme la boîte noire de la part d'ombre d'une présidence. Ils montrent la réalité d'un clan. Pas d'une famille politique mais d'un clan, d'un petit groupe d'hommes autour du boss Sarkozy (…).
Comme dans un roman de John Le Carré, cette affaire révèle l'envers d'un monde. J'ose espérer que ce monde n'est pas la droite, mais l'envers d'un clan qui a pris le pouvoir sur cette famille politique. Il est temps que les républicains mettent ce clan hors jeu (…).
Les gauches doivent, selon moi, être dans une radicalité démocratique et sociale. La crise que nous traversons, économique, financière, sociale, démocratique, impose d'être radical. Au sens étymologique du terme : prendre les problèmes à la racine. Etre radical aujourd'hui, c'est être réaliste. Je pense que la question clé de toutes les autres, c'est la question démocratique. Nous vivons une situation oligarchique : un milieu social qui se fréquente, qui a des intérêts communs, et qui croit qu'il sait mieux que nous ce qui est bon pour nous. Il nous faut nous réapproprier ce bien commun, et cela passe par une exigence démocratique.
Le poisson pourrit par la tête, cette culture de l'irresponsabilité qui règne au sommet, avec un Président intouchable, qui ne peut être mis en cause, diffuse de l'irresponsabilité à tous les niveaux : cela se retrouve dans le cumul des mandats, dans les carrières politiques interminables, dans l'absence de contrôle... Tout cela illustre une vraie dégradation démocratique. Sarkozy n'est pas venu de nulle part, il ne suffira pas de le remplacer, il nous faut une nouvelle dynamique qui refonde notre démocratie, qui redonne force aux contre-pouvoirs. Croire qu'il suffira de remplacer le Président, c'est retomber dans l'illusion.
Cet article est le 18ème paru sur ce blog dans la catégorie Justice Police Défense
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