La nouvelle droite est en marche, le PS en déni de réalité
Les résultats du premier tour de l’élection cantonale partielle de Brignoles (Var) attestent du retrait d’une partie de l’électorat de gauche, affecté par les effets dans la vie quotidienne des politiques néolibérales qui se poursuivent sous le gouvernement de gauche. Voir Cantonale à Brignoles : le FN en tête, premiers appels au "barrage" (Le Monde, 7 octobre 2013).
Le PS ne voit pas ce qui se prépare : l’hégémonie culturelle de la nouvelle droite, qui est le produit de la crise multiple (voir Gaël Brustier : poussée des droites en Europe, peur du déclassement - 18 avril 2011) et du rejet de la gauche par les classes populaires et moyennes.
La campagne PS contre l’extrême droite, la veille de l’élection de Brignoles, est l’objet de raillerie de la part de Laurent Bouvet, notamment. Voir Le FN est un parti d'extrême droite... qui élimine la gauche au premier tour des élections (Slate, Laurent Bouvet, 7 octobre 2013).
Bernard Tepper, éditorialiste sous le nom d’Évariste du journal en ligne ReSPUBLICA (n° 730, 7 octobre 2013) - voir Présidentielle 2002-Brignoles 2013 : la méthode Coué mène à l'horreur ! - est, à la fois, critique du PS et du Front de Gauche (il souligne les manques de celui-ci).
(…) Reprenons l’analyse d’Antonio Gramsci, car la nouvelle droite est en marche comme dans les années 30. Les manifestations contre le mariage pour tous ont montré son nouveau resourcement. C’est la droite qui est en avance dans la bataille pour l’hégémonie culturelle. Une large majorité des électeurs de l’UMP sont pour une alliance UMP-FN. Le cache-sexe du « Front républicain » ne fonctionne plus. Il n’est plus là que pour justifier le maintien de la politique d’austérité anti-sociale du gouvernement solférinien.
Si les électeurs comprennent bien que dans une élection à deux tours, on puisse voter au deuxième tour pour le meilleur candidat ou le moins pire, ils ne peuvent comprendre toute alliance au premier tour entre des candidats néo-libéraux solfériniens et des candidats qui par ailleurs sont au Front de gauche. L’élection du 6 octobre à Brignoles préfigure donc le désastre qui pourrait avoir lieu dans les couches populaires ouvriers et employés (53 % des électeurs) en cas d’alliance au premier tour entre des candidats du Front de gauche et des candidats solfériniens aux municipales.
Mais de plus en plus d’électeurs se rendent aussi compte que le « mal » ne provient pas seulement des néolibéraux de droite et de gauche. Il provient aussi de « manques » dans le développement du Front de gauche.
- Réticence à mettre au poste de commande de l’action politique locale ce qui touche prioritairement les couches populaires ouvriers et employés (53 % des électeurs) mais aussi les couches moyennes intermédiaires (24 %) : l’emploi, la précarité, la santé, les retraites, la perte d’autonomie, la politique familiale, le logement, les services publics, la laïcité, la construction européenne, le débat sur la crise économique, la démocratie dans la conduite des luttes, etc.
- Incapacité du Front de gauche à tirer les conséquences du phénomène de gentrification (baisse rapide des couches populaires dans les villes centres, baisse lente mais significative des couches populaires des banlieues populaires, accroissement fort des couches populaires en zone périurbaine et rurale) et donc de produire la stratégie adéquate. Rappelons la campagne du FN dans les « villages » depuis la campagne présidentielle !
- Réticence à lier les actions de résistance où le Front de gauche est présent à de grandes campagnes massives d’éducation populaire de rupture, au plus près des couches populaires et des couches moyennes intermédiaires. Les meetings et les réunions « entre nous » ne remplaceront jamais l’éducation populaire. La bataille pour l’hégémonie culturelle autour de la globalisation des combats et d’un nouveau modèle politique alternatif (la République sociale) est nécessaire. La présentation concomitante des politiques de temps court et de temps long est aussi indispensable.
- Incapacité du Front de gauche de se présenter partout uni au premier tour des élections sans les solfériniens.
- Incapacité, la plus dommageable sans doute, car à la racine de toutes les autres, à mettre radicalement en cause la construction européenne. Prétendre pouvoir construire une autre Europe, sociale, une Europe des peuples souverains, par la renégociation du Pacte budgétaire, le changement de statut de la BCE, la réorientation de l’euro, etc., est une illusion totale. Craindre les coûts sociaux d’une implosion de l’euro pour justifier cette attitude, c’est croire qu’il suffit de changer les hommes politiques aux manettes pour sortir de la grande crise du capitalisme que nous vivons.
Nous appelons donc à refuser la politique de l’autruche et à promouvoir l’intensification des débats politiques ouverts (…).
Bernard Tepper fait référence aux années 1930 et rappelle que « si l’histoire ne se répète pas à l’identique, les mêmes causes produisent les mêmes effets, certes sous des formes différentes ». Car les causes de ce désastre, ce sont les politiques néolibérales suivies par l’UMP, le pseudo centre, le PS et EELV. Donc faire élire un candidat du parti qui est la cause du désastre ne résout rien. Au mieux, ce serait « moins pire ». Mais comme dans les années 30, le cancer continuerait à progresser jusqu’à l’ultime scène.
Un examen lucide de la réalité est nécessaire pour ne pas s'enfermer dans la pédagogie du "chaos"... Il nous faut unir et non spéculer sur des ruptures sectaires et sur l'échec. En France, en 1936, en 1944, les partisans de l'union ont su gagner face aux tenants du "Classe contre classe"...
Cet article est le 45ème paru sur ce blog dans la catégorie La droite en France.