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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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9 décembre 2013 1 09 /12 /décembre /2013 22:33

Cette philosophie a permis une sortie pacifique de l’apartheid

 

Nous avons beaucoup à apprendre de Mandela. Il faut comprendre comment il a pu éviter une sortie dramatique du régime de la ségrégation. Pas lui seul, mais il y a fortement contribué. D’où lui venait cette capacité de grandeur d’âme respectant ses adversaires ? Comment est-il parvenu, unique exemple dans l’histoire, à réconcilier oppresseurs et opprimés dans un seul pays, un même système ? Comment, par intelligence tactique, tout autant que par la bonté d’âme qui était sa marque, a-t-il su pardonner et entraîner tout un peuple vers la réconciliation ?

 

Deux hommes vont nous aider à comprendre : Patrice Claude et André Brink

Patrice Claude est le principal rédacteur du Hors-Série du Monde publié en décembre 2013 (vendu 7,50 euros). Voir Mandela Leçons d'une vie.

Lutteur infatigable contre l’apartheid, emprisonné pendant 27 ans et premier président noir d’Afrique du Sud, Nelson Mandela a incarné le courage en politique par sa lutte pour la liberté et contre le racisme. Alors que la planète entière lui rend hommage, Le Monde revient dans ce hors-série de 100 pages sur le destin exceptionnel de « Madiba », de la création de l’ANC à son élection en 1994, et raconte, avec les témoignages d’André Brink et de Kofi Annan ainsi que des reportages photo exceptionnels, comment il a mené la « nation arc-en-ciel » sur la voie de la réconciliation. « Je ne suis pas un messie, seulement un homme ordinaire dont des circonstances extraordinaires ont fait un leader » (Nelson Mandela).
 

MADIBA L’UNIVERSEL
Le 18 juillet 1918, en Europe, la première guerre mondiale s’achève en boucherie. A la pointe sud de l’Afrique, un nourrisson mâle vient à la vie sur le sol de terre battue d’une hutte en torchis. Il s’appelle Rolihlahla Dalibhonga Mandela. Son père est un « prince » déchu des Thembu, une grande tribu de la nation des Xhosa. Il y a beau temps que le colonialisme a dépouillé les familles royales africaines de leurs terres, de leurs pouvoirs et de leurs richesses. Mais certaines, comme celle de Mandela, ont su garder leur dignité. Bientôt, la planète entière le découvrira et célébrera le nom de ce noble fils d’Afrique qu’une institutrice britannique, conformément à la coutume coloniale d’alors, a affublé du prénom de Nelson.
Aujourd’hui, Mandela est mort. Il laisse son nom à des milliers de rues, de places, d’universités et de fondations à travers le monde. Il emporte avec lui une part de la grandeur, de l’invincible charme et de l’imparfaite sagesse de cette planète. Il laisse aussi dans son sillage un espoir terriblement humain, celui qui fait que, oui, un homme seul, pourvu qu’il soit doté des qualités nécessaires, peut éviter une guerre et changer le sort d’une nation.
Nelson Mandela était un homme qui n’aimait pas qu’on le prenne pour un prophète. Encore moins pour le demi-dieu que certains se sont plu à voir en lui. «
J’ai commis des erreurs », reconnaissait-il. Et certains de ses proches alliés, dans son propre pays, ont su les pointer en leur temps. « Sa principale faiblesse, disait son compagnon de lutte, l’évêque Desmond Tutu, Prix Nobel de la paix en 1984, tenait à cette indéfectible loyauté qu’il éprouvait à l’égard de ses amis, de ses camarades de combat. » Il a, c’est vrai, favorisé la carrière, ou laissé en place au pouvoir, des hommes et des femmes incompétents ou corrompus. Ainsi était Madiba, comme il aimait à être appelé, parce que tel était le nom du clan de ses aïeux.
On lira dans les pages qui suivent, illustrées par de grands photographes, comment cet homme d’exception a libéré son pays d’un régime inique et violent, à force de courage, de ténacité et de clairvoyance. Comment il est parvenu, unique exemple dans l’histoire, à réconcilier oppresseurs et opprimés dans un seul pays, un même système. Comment, par intelligence tactique, tout autant que par la bonté d’âme qui était sa marque, il a su pardonner et entraîner tout un peuple vers la réconciliation. On verra enfin comment il a su établir une authentique, et donc imparfaite, démocratie, dans une région du monde où elle n’avait jamais eu droit de cité.
On comprendra comment et pourquoi Nelson Mandela accéda à l’universel, comment il est devenu pour tous un exemple moral sans pareil, pratiquement le premier « saint laïc » de la planète.
De Bill Clinton à Tony Blair en passant par Kofi Annan et le dalaï-lama, tous les « grands », passés et présents de ce monde, ont dit combien la simple présence de Madiba les rendait tous
« plus grands » encore. Tour à tour pacifiste convaincu puis chef d’une résistance armée, prisonnier rebelle puis martyr patenté durant vingt-sept années et cent quatre-vingt-trois jours, diplomate roué et maître tacticien pour la bonne cause, à savoir la paix entre les hommes, homme d’Etat tout à la fois pragmatique et visionnaire, Nelson Mandela a montré la voie à suivre, l’exemple à imiter. Y compris la grâce, si rare sur le continent africain, avec laquelle il s’est retiré du pouvoir en 1999, après avoir effectué un seul mandat présidentiel.
Nous avons voulu, dans ce numéro hors-série du
Monde, dresser l’inventaire d’une vie, décrire les circonstances qui ont permis à un être ô combien particulier de déployer toute la richesse de son destin. Il s’appelait Nelson Mandela et il prétendait transformer « un désastre humain », l’apartheid, « en une société dont l’humanité tout entière sera fière ».
Patrice Claude et Martine Jacot

Patrice Claude est aussi l’auteur de cet article paru dans les colonnes du quotidien Le Monde, le 7 décembre 2013. Voir Nelson Mandela, l'Africain capital. Extrait concernant l’Ubuntu.

 

(…) La personnalité africaine de Mandela n'y est pas pour rien. Adolescent, il a découvert, auprès du régent des Thembu, la philosophie centrale de la culture xhosa – et de tous les peuples bantous auxquels appartiennent aussi les Zoulous et d'autres peuples noirs : l'ubuntu, une fraternité, une manière de vivre ensemble. Fondé sur un sentiment d'appartenance à une humanité plus vaste, le concept contraint ses adeptes à respecter autrui, à faire preuve de compassion, de compréhension. Il s'oppose à l'égoïsme et à l'individualisme, réputés « valeurs blanches ».

Dans le manifeste que Mandela contribue à rédiger dès 1944 pour la création de la Ligue des jeunes de l'ANC, le Congrès national africain, qui existe alors depuis trente-deux ans mais ne se faisait guère entendre, l'ubuntu, qui interprète l'univers comme un tout organique en chemin vers l'harmonie, est déjà présent. L'idée fera sa route dans d'autres documents politiques de l'ANC et jusque dans la nouvelle constitution de la nation « arc-en-ciel » de 1996.

Les Afrikaners, qui ont institutionnalisé le développement séparé – apartheid – en 1948, qui ont créé les bantoustans, régions autonomes réservées aux Noirs, privés des droits les plus élémentaires, mais ont aussi tué, torturé et emprisonné des milliers de gens parce qu'ils se rebellaient contre cet ordre inique, doivent-ils à l'Ubuntu d'avoir échappé aux massacres postapartheid ? Sans doute en partie.

Car l'homme qui, après sa libération, poussera l'exemple du pardon jusqu'à serrer la main du procureur afrikaner qui voulait le pendre en 1964, qui rendra visite à la veuve du Dr Verwoerd, l'architecte historique de l'apartheid, le président qui mettra en place à travers le pays, et contre l'avis de ses camarades de combat, ces commissions Vérité et réconciliation, où les leaders, les serviteurs civils, policiers et militaires de l'apartheid, viendront confesser leurs crimes et demander pardon, cet homme-là, on l'a dit, n'était pas un pacifiste (…).

 

André Brink a aussi beaucoup contribué à ce dénouement positif de l’apartheid, lui qui a raconté son parcours dans un livre. Voir Mes bifurcations par André Brink. Né dans une famille Afrikaner, il n’aurait pu jouer ce rôle s’il n’avait pas été influencé par Albert Camus. Par ses livres, il a, à son tour, inspiré Mandela. Voici ce qu’écrit Lounes75, concernant « Mes bifurcations ».

 

André Brink a entrepris, à 70 ans d'écrire ses mémoires ou "ses bifurcations" d'intellectuel blanc, face à l'Apartheid, dans son pays l' Afrique du Sud. Il a acquis dès les années 70 une aura internationale, par ses romans superbes et courageux et ses nombreuses initiatives contre l' Apartheid. Trois de ses romans à ma connaissance ont fait rapidement le tour de la planète : « Une saison blanche et sèche », « Un turbulent silence », « Au plus noir de la nuit », trois révélations pour moi dans les années 80. Dans « mes bifurcations » André Brink ne nous livre pas une autobiographie ordinaire : Bien sûr son histoire personnelle, marquée par son enfance dans la communauté Afrikaner est attachante, racontée avec talent et sensibilité. Dans sa communauté blanche, Noirs et Blancs ne se rencontrent jamais, mais cela ne l'empêche pas de s'endormir la peur au ventre, persuadé « qu'un Noir est tapi sous son lit ». Mais ce qui fait son prix est son extrême sincérité, pour faire part de ses difficultés à s'arracher « au ghetto mental blanc », aux avantages de sa communauté d'origine qui dirige le pays, et impose un régime de discriminations à la majorité noire, ses hésitations pour rentrer au pays à l'issue de ses séjours en France, l'étonnement de ses premières amitiés avec des compatriotes noirs. Au milieu du récit émergent ses réflexions sur le rôle de l'écriture, sa responsabilité d'écrivain pour faire entendre la voix de la raison, la démocratie, l'égalité pour tous les êtres humains. Enfin il nous délivre un témoignage inestimable sur l'histoire récente de l'Afrique du Sud, le fossé creusé à force de haine et de mépris entre Blancs et Noirs. « La violence est le lot de toutes les sociétés, mais en Afrique du Sud, elle semble presque invariablement doublée d'une exacerbation, d'un surplus imprévu de hargne ». André Brink se souvient des heures les plus terribles de l'Apartheid, les innombrables morts en prison, au terme de sévices sans nom ou de longues grèves de la faim, la répression sanglante jusqu'en 1990. Son éveil politique eut lieu le jour de la tragédie de Sharpeville. Il se trouvait à Paris dans le jardin du Luxembourg le 21 mars 1960, lorsqu'il apprit que la police sud-africaine venait de tuer 69 manifestants noirs. Il paya cher son engagement contre l' Apartheid. Il se souvient du harcèlement de la police politique à son encontre, celle de sa famille ,les filatures et vexations en tout genre ,il se souvient de ses phases de découragement lorsque la mort violente se rapprochait trop. Mais aussi, les souvenirs heureux occupent une large place dans son récit, il rend hommage à toute la part de bonheur reçue, les femmes aimées, les amis qui ne l'ont pas trahi lorsqu'il se trouvait interdit de publication, les rencontres intellectuelles, amicales, artistiques qui l'ont fait ce qu'il est aujourd'hui. Il nous offre une galerie de portraits étonnants : Mazizi Kunene, dirigeant de l' ANC (congrès national africain) : « un être exceptionnel. Un genre unique de dignité. Peut-être, me disais-je souvent, une dignité zouloue ? Discernable même quand il était triste et abattu. Il venait me voir, mettait un disque kwela des townships sur mon minuscule tourne-disque dans le salon ; il fermait les yeux et se mettait à danser, sur place, et très lentement, il tournait, tournait et des larmes coulaient sur ses joues ridées. » Mgr Desmond Tutu, « ce petit paquet de joie pure », « en présence de qui il ressent à chaque fois le bonheur de côtoyer un des rares individus qui dans les ténèbres et le chagrin, ait trouvé le chemin de la compréhension et de la joie ». Aimé Césaire à qui il demande s'il éprouve de la haine : « De la haine ? Cela me rendrait dépendant d'autrui. J'ai refusé une bonne fois pour toutes d'être esclave comme mes ancêtres. Je ne permettrai donc pas à la haine de me faire retomber en esclavage ».Il se souvient d'avoir pleuré le 11 février 1990 quand il a vu à la télévision Nelson Mandela, septuagénaire grisonnant, quittant sa dernière prison, après 27 ans d'incarcération. Quatre pages ensuite disent l'inoubliable émotion individuelle et collective, le fameux 27 avril 1994, le jour des premières élections libres : « que mon pays attendait depuis des siècles ». « Des ondes de gaieté traversaient la foule ».Il dit l'émotion qui l'étreint à chacune de ses rencontres avec le grand homme Nelson Mandela. Mais la route est plus longue que prévu. Le nouveau régime d'Afrique du Sud est gagné par la « pourriture », la « stupidité », « la corruption ». André Brink n'a plus d'excuses pour les présidents Mbeki, Zuma et leurs ministres. Il les dénonce avec la même colère que leurs prédécesseurs blancs : « Tant que cela sera possible, je parlerai, je ne pourrai pas, je ne voudrai pas me taire »

Rappel : Mandela, l'homme du combat du peuple sud-africain pour sa libération - 6 déc. 2013 

 

 Cet article est le 28ème paru sur ce blog dans la catégorie Afrique.

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