Un Etat-parti pour la future 1ère puissance mondiale
La Chine se signale à l’attention du monde par des décisions, qui sont autant de pierres jetées dans le jardin des bien-pensants, européens et américain. Ces jours-ci, le compte est bon (voir, ci-après).
Pendant vingt ans, elle a fait semblant de s’adapter à la logique du libéralisme, parce que cela correspondait à ses intérêts du moment. La crise du système capitaliste la propulse au rang de puissance économique stabilisante de l’économie mondiale, en raison de sa croissance autour de 10%, alors que l’Europe se traîne autour de 1%.
Voir sur ce blog La Chine, vingt ans après Tiananmen, a les clés de l'avenir du monde - 5 juin 2009.
Voir aussi La Chine : scénario pour le futur, l’intervention de Claude Martin, Ambassadeur de France, au colloque de la Fondation Res Publica - présidée par Jean-Pierre Chevènement - le 8 septembre 2008, sur le thème L'Asie vue d'Europe. Il conclut ainsi :
(…) Que pouvons-nous faire ?
Je suis convaincu que la Chine est très peu sensible aux pressions extérieures. Le fait que ces pressions s’exercent d’une façon qui lui pose des problèmes de face et apparaissent comme des ingérences dans son vif débat intérieur ont plutôt pour effet de la crisper, de jouer en faveur des plus conservateurs (…).
Enfin, j’ai dit à plusieurs reprises que la Chine cède aux pressions extérieures du plus fort - lorsqu’elles sont habilement conduites et ménagent sa face - en concédant l’effort qui lui coûte le moins. Dans l’éventail des partenaires de la Chine, l’Europe apparaît faible, dispersée. Notre message eût été plus efficace si les deux ou trois plus grands partenaires européens de la Chine avaient parlé d’une seule voix. Sinon, l’avenir de la Chine sera décidé par la Russie, les Etats-Unis et le Japon.
La Chine détient dans son sous-sol des armes stratégiques et est déjà le 1er exportateur mondial :
Minerais (terres rares), sociétés minières : la Chine à la manoeuvre - 9 octobre 2009
La Chine restreint ses exportations de matières premières stratégiques (Le Monde, 29 décembre 2009).
La Chine, premier exportateur mondial devant l'Allemagne (Les Echos, 29 décembre 2009). Selon les calculs de Pékin, les entreprises chinoises ont généré cette année 9% de toutes les exportations de la planète.
La Chine manie tour à tour l’habileté et la répression vis-à-vis de son opposition démocratique.
Pékin inflexible face au plus célèbre dissident chinois (Le Monde, 25 décembre 2009).
Liu Xiaobo, auteur de la Charte 08, un appel à la démocratisation du régime, a été condamné à onze ans de prison.
La Chine se permet d’exécuter un ressortissant britannique, malgré les recommandations pressantes et répétées de clémence de la part de l’ancienne puissance coloniale.
En exécutant un citoyen anglais, la Chine confirme son arrogance envers le reste du monde (Marianne2, Régis Soubrouillard, 29 décembre 2009). Ce matin, Pékin a procédé à l'exécution du Britannique Akmal Shaikh, condamné pour trafic de drogue. La Chine n'avait pas procédé à l'exécution d'un européen depuis 1951. Après la condamnation du dissident Liu Xiaobo, le régime affirme son intransigeance et sa puissance.
La Chine ne cède rien à Barack Obama, sachant que les USA sont en position de faiblesse.
Pékin reste insensible aux demandes d'Obama (Les Echos, 18 novembre 2009). Les discours louaient les perspectives de coopération fructueuse entre les présidents chinois et américain. Les visages tendus de Hu Jintao et de Barack Obama disaient tout le contraire.
Obama n'a pas convaincu la Chine, dommage pour nous (Marianne2, Guillaume Duval, Alternatives économiques, 23 novembre 2009).
(…) Ces dernières années, les surplus commerciaux croissants de l'économie chinoise ont été le pendant des déficits, eux aussi croissants, des Etats-Unis. Ils sont donc une des causes profondes de la crise dont nous sommes peut-être en train de sortir lentement : les Américains se sont endettés de façon de plus en plus excessive pour consommer davantage que ce qu'ils produisent avec l'argent chinois − l'argent que les Chinois leur prêtent parce que, eux, consomment moins que ce qu'ils produisent, et cela également dans des proportions croissantes.
Pour l'instant, la Chine, un pays de 1,4 milliard d'habitants, a toujours une structure économique de « petit pays », plus proche de celle des Pays-Bas que des Etats-Unis ou de l'Europe : aux Etats-Unis ou en Europe, le commerce extérieur à la zone pèse en effet de l'ordre de 20 % du produit intérieur brut (PIB), tandis qu'en Chine il dépasse les 80 %… Pour espérer rééquilibrer l'économie mondiale, et donc limiter le risque d'une prochaine crise, il serait indispensable de réorienter l'économie chinoise en priorité vers son marché intérieur.
Ce n'est cependant pas du tout la voie que sont en train de prendre les autorités chinoises. Le plan de relance fantastique lancé début 2008, et qui a rencontré un certain succès à court terme, reste essentiellement un plan de relance des exportations chinoises. Il a été associé en particulier à une politique de réancrage du yuan, la monnaie chinoise, sur le dollar, alors qu'au cours des années précédentes, les autorités chinoises l'avaient laissé se réévaluer quelque peu. Et cela alors que le dollar baisse par rapport aux autres monnaies, et notamment à l'euro.
Manifestement, le lobby des industries exportatrices est infiniment plus puissant à Pékin que celui des paysans chinois de l'intérieur, qui aimeraient bien profiter un peu eux aussi de la croissance et avoir enfin un système de santé qui fonctionne, des mécanismes de protection sociale… Il faut dire que la Chine présente cette situation extraordinaire d'être à la fois la dernière grande dictature communiste au monde et un paradis ultralibéral où, notamment, les syndicats libres sont interdits…
A l'occasion de la visite en Chine de Barack Obama, de nombreuses voix se sont élevées pour souligner l'ampleur de la menace que cette stratégie fait peser sur l'économie mondiale et exhorter le président américain à la fermeté sur ce dossier. C'est notamment le cas du prix Nobel d'économie américain Paul Krugman dans une de ses chroniques du New York Times. Dominique Strauss Kahn, le patron du Fonds monétaire international (FMI), a lui aussi rappelé son souhait d'une réévaluation du yuan.
Comme d'habitude, on ne peut que déplorer l'absence totale des autorités européennes dans ce débat essentiel pour l'après-crise : les Européens, qui courtisent chacun pour leur compte les autorités chinoises en vue de décrocher des contrats pour leurs champions nationaux, sont totalement incapables de définir une position commune sur ce dossier, comme sur beaucoup d'autres. Et cela alors même que le déséquilibre commercial de l'Union vis-à-vis de la Chine est en train de devenir plus important encore que celui des Américains, sous la pression de la hausse de l'euro à l'égard du dollar, et donc du yuan…
Colloque de la Fondation Res Publica : La France et l'Europe dans les tenailles du G2 ?
Avec la participation de :
- André Kaspi, Professeur émérite à l’Université de Paris-I
- Jean-Luc Domenach, Directeur de recherche à Sciences-Po
- Jacques Mistral, Professeur des Universités, directeur des études économiques à l’IFRI
- Antoine Brunet, Président d’AB Marchés, ancien chef stratégiste à HSBC France
- Jean-Pierre Chevènement, Président de la Fondation Res Publica
A noter que le président de la Fondation a déclaré qu’il allait travailler dur sur la question de la Chine et du parti communiste chinois. Voir Jean-Pierre Chevènement invité du Rendez-vous des politiques sur France Culture - L'émission dure 55 minutes, est podcastée sur le blog de Jean-Pierre Chevènement.
Cet article est le 7ème sur ce blog dans la catégorie Asie.