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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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14 décembre 2012 5 14 /12 /décembre /2012 11:27

 

Le prix du lait à la consommation est-il trop élevé au Canada ?

 

Les producteurs de lait européens contestent l'évolution des prix à la production qui tirent leurs revenus vers le bas, depuis que l'Union européenne a décidé la libéralisation du marché du lait, programmant la fin des quotas laitiers en 2015 sans qu'un autre système de régulation ait été prévu pour les remplacer. En France, le gouvernement se préoccupe de cette question. Voir Lait : nouveau système de régulation étudié au ministère de l'agriculture - 12 décembre 2012.

 

Il existe un système de régulation qui a fait ses preuves depuis 40 ans, c'est la gestion de l'offre au Canada, mais l'Europe considère que ce n'est pas une référence car il ne respecte pas les principes néolibéraux dictés par l'organisation libre-échangiste du commerce international, l'OMC.

Au Canada, les producteurs sont payés correctement et la valeur ajoutée est répartie équitablement à tous les niveaux de la filière laitière. Le prix du lait est-il trop élevé pour les consommateurs ? C'est à cette question que répond Claudette Samson dans Le Soleil :

 

Trop cher, le lait ? Dans mon panier

 

Les Canadiens paient-ils leur lait trop cher? Régulièrement, cette question revient sur le tapis, généralement moussée par les opposants à la gestion de l'offre, qui voient dans ce système une intervention excessive de l'État dans l'économie.

Au Canada, le lait, la volaille et les oeufs sont sous gestion de l'offre, mais le lait représente près de 80 % de ce mode de contrôle, ce qui explique que ce soit souvent lui qui est pris à partie. Or, la gestion de l'offre est plus que jamais sur la sellette, alors que le Canada est sur le point de conclure un accord de libre-échange avec l'Europe et qu'il vient de se joindre au Partenariat transpacifique dans l'espoir d'ouvrir de nouveaux marchés en Asie. Les producteurs craignent que le gouvernement abandonne le système sous la pression de pays qui y voient une forme de protectionnisme indue. Il faut toutefois dire que le gouvernement Harper a toujours dit son intention de le protéger.

 

François Dumontier, porte-parole de la Fédération des producteurs de lait du Québec, définit la gestion de l'offre comme une façon de planifier la production en fonction des besoins du marché interne canadien. Assez pour ne pas en manquer, pas trop pour ne pas créer de surplus. Comme le gouvernement limite les importations des produits laitiers à 5 %, les agriculteurs d'ici sont assurés d'écouler leur production et les prix demeurent relativement stables.

À ce contrôle s'ajoute la mise en marché collective, laquelle permet aux producteurs d'établir un rapport de force envers les acheteurs. Pour le lait, cela veut dire que les 6300 fermes laitières québécoises ne font qu'une face aux trois grands acheteurs que sont Parmalat, Agropur et Saputo.

 

Le prix, lui, est déterminé à deux niveaux. Côté canadien, des enquêtes de coûts de production assurent aux producteurs un revenu basé sur ce qu'il en coûte aux 50 % les plus efficaces d'entre eux. Il est donc faux, note M. Dumontier, de dire que les agriculteurs n'ont pas d'incitatifs à s'améliorer. Ceux qui sont parmi les 50 % moins performants doivent devenir plus productifs s'ils veulent être rentables, et les meilleurs ont intérêt à faire de même s'ils veulent aller chercher davantage de revenus.

À l'échelle québécoise, la Régie des marchés agricoles détermine la part qui ira aux industriels, distributeurs et détaillants, en fixant un prix minimum et maximum pour les produits de base. Cette partie de la fixation des prix ne concerne pas les agriculteurs, mais a bien sûr un impact sur les consommateurs.

 

Arguments des opposants

J'ai demandé à des opposants à la gestion de l'offre de m'expliquer leurs principaux arguments.

Pour l'agroéconomiste Bruno Larue, de l'Université Laval, le problème de ce système est qu'en limitant l'offre, on fait monter les prix, «ce qui crée des opportunités de profit démesuré». Il dénonce surtout les gains en capitalisation élevés des agriculteurs, en raison des coûts des quotas, qui peuvent grimper jusqu'à 25 000 $ par vache.

Pourtant, selon la Fédération des producteurs de lait, le revenu familial moyen d'une famille possédant une ferme laitière n'est que de 35 000 $. Quant au capital que représente une ferme laitière, François Dumontier se demande où est le problème. Est-ce qu'on va s'offusquer de la valeur de revente d'un restaurant ou d'un garage dans lequel le propriétaire aura investi le travail de toute une vie? demande-t-il.

L'agroéconomiste Sylvain Charlebois, de l'Université de Guelph, croit quant à lui que la gestion de l'offre empêche les entreprises de transformation d'innover. En Australie, où le système a été déréglementé au début des années 2000, une foule de nouveaux produits laitiers ont été mis en marché, dit-il. «Ici, on étouffe parce que c'est archi-réglementé.»

Réponse de François Dumontier : c'est pourtant dans ce contexte de réglementation que les Québécois ont développé plus de 300 nouveaux fromages depuis une vingtaine d'années, ainsi qu'une kyrielle de yogourts.

 

Étouffés, les transformateurs?

Daniel-Mercier Gouin, agroéconomiste à l'Université Laval, a étudié l'évolution du marché en Australie. Son constat : les prix au détail ont augmenté de façon marquée, et ceux versés aux producteurs ont baissé. Ce sont les intermédiaires qui se sont enrichis, dit-il.

Croire que l'abolition de la gestion de l'offre ferait baisser les prix à la consommation relève selon lui d'une application simpliste de la théorie du libre marché.

 

Quant aux producteurs, tous s'entendent pour dire qu'ils y perdraient, y compris ceux qui prônent la libéralisation. Il y a deux semaines, à Bruxelles*, ils sont venus par centaines avec leurs tracteurs asperger le parlement européen de lait pour dénoncer la chute des prix causée par la surproduction et la perte d'outils de régulation. Des scènes qui se sont déjà vues ici et que personne n'a envie de revoir...

 

Par ailleurs, contrairement à ce qui se passe dans les autres productions agricoles, les agriculteurs sous gestion de l'offre sont pratiquement les seuls à ne pas retirer de subventions de l'État, ce qui est certainement un point positif.

Alors finalement, payons-nous notre lait trop cher, ou simplement ce qu'il vaut? De toute évidence, la réponse semble avant tout idéologique...

 

* Voir Les producteurs de lait européens ont manifesté deux jours à Bruxelles - 30 novembre 2012

 

Cet article est le 355ème publié sur ce blog dans la catégorie AGRICULTURE et PAC.

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