Préparer un rassemblement républicain pour 2012
La gauche ne peut éluder la contradiction qui l’empêche d’être elle-même : se mirer dans Strauss-Kahn et prétendre représenter le peuple de France.
Le PS est au centre de la contradiction, le directeur général du Fonds Monétaire International exprimant ce que pensent ses principaux dirigeants (Martine Aubry a affirmé sur France Inter qu’elle est sur la même longueur d’onde que Strauss-Kahn).
Il doit choisir entre deux solidarités, avec les marchés financiers ou avec le peuple, car elles ne sont pas compatibles. Refuser la toute-puissance de l’argent est un choix politique très difficile (voir La Lettre du lundi, 23 mai : Fourches caudines ou tango argentin ?).
La gauche doit, à la fois, gagner en 2012 et remettre la France et l’Europe sur la voie du redressement politique, économique, social et culturel. Elle doit le faire en harmonie avec son histoire et en prise directe avec son temps. Il lui faut être fidèle à ses valeurs dans un monde défiguré par trente années de capitalisme financier mondialisé et globalisé, imprégné des principes du « consensus de Washington ».
Au sein du Mouvement Républicain et Citoyen, en préparant notre congrès des 26 et 27 juin, notre réflexion est concentrée sur ce double objectif : gagner en 2012 et redresser la France.
Pour ma part, je suis le premier signataire d’une contribution au débat (voir MRC : une contribution au débat interne, proposée par Michel Sorin - 17 avril 2010) qui insiste sur la nécessité pour la gauche de rapprocher Europe et République.
(…) Le moment est venu de donner l’impulsion décisive pour que la longue marche des socialistes républicains - initiée au sein de la SFIO à la fin des années 1960, autour de Jean-Pierre Chevènement, puis dans le cadre du PS de 1971 à 1992 - trouve son accomplissement dans les combats politiques des prochaines années.
Après le désaccord de fond lié à l’ouverture de la « parenthèse libérale » en 1983, l’Europe de Maastricht, approuvée par le PS, a été la cause directe de la rupture avec les socialistes, suite à l’échec du NON à la ratification du traité de Maastricht en 1992.
C’est bien la question européenne - son rapport avec la Nation et avec le peuple, et donc les contradictions fondamentales de la construction européenne avec la démocratie et la République, amplifiées par l’endoctrinement néolibéral et libre-échangiste - qui est principalement à l’origine de l’impossibilité de maintenir la cohabitation entre républicains et socialistes.
Vingt ans plus tard, en 2012, se présente une échéance électorale qui sera décisive pour l’avenir de la France et de l’Europe, aux prises avec la crise du capitalisme financier. Impossible d’en sortir sans remettre en cause les règles de ce système économique et financier qui se veut globalisant dans le monde, c’est-à-dire s’imposant à tous, avec la bienveillance complice des Etats.
La seule façon de s’opposer efficacement à cette emprise de la finance sur l’économie est de reconquérir le pouvoir politique. C’est cela l’enjeu de 2012. Comment la gauche parviendra-t-elle à être à la hauteur de cet enjeu national et européen ? C’est bien la question.
Nous, républicains de gauche, qui avons vécu les aléas de la longue marche républicaine, avions raison de ne pas accepter la soumission des socialistes aux règles néolibérales, pas plus que l’effacement de la démocratie dans la construction européenne.
Nous avions raison d’opposer notre NON républicain au traité constitutionnel européen en 2005, puis au traité de Lisbonne - qui en est, pour l’essentiel, la copie conforme - en 2008 (…).
Cette problématique de la refondation de la gauche sur la base d’un projet cohérent rapprochant Europe et République a été développée par Albert Richez (voir L’Europe en crises - crises économique, politique, démocratique, institutionnelle - 18 mai 2009, ATTAC).
Elections des euros députés de 2004 : 210 millions d’abstentionnistes (57%) sur 360 millions d’inscrits ! Et l’on nous annonce une abstention record, supérieure à 60 %, le 7 juin. Que signifie cette « crise abstentionniste » ? Que signifie que 3 des pays de l’Union Européenne ont confirmé leur défiance par référendum en 2005 et en 2008 ? Tout d’abord et globalement, qu’elle peine à rassembler les habitants des Etats-Nations qui la composent autour de ses valeurs et de ses pratiques !
Dès 1957, les européens n’ont pas été considérés comme acteurs premiers de la construction des Communautés Européennes et la mise en oeuvre de ces Communautés a été confiée à des « experts » au fil des problèmes à résoudre. Même si les Communautés ont inventé des politiques (Politique Agricole Commune : PAC) et des pratiques apparemment solidaires (fonds structurels aux régions plus défavorisées), dès le traité de Rome, le dogme de la « concurrence libre et non faussée », critiqué à l’époque par Pierre Mendès-France, est le 1° principe constitutif de l’Europe en construction.
En 1986, l’Acte Unique et, depuis, tous les actes européens, traités, projet de Constitution, élargissements et sommets n’ont fait que confirmer le sens de l’orientation originelle de l’Union Européenne. Et les européens n’ont été que peu consultés sur ce sens donné à l’Europe ; et, lorsqu’ils ont exprimé le refus de sa réalité et de son évolution, en 2005 et 2008, la portée de leur vote a été « confisquée » ! Face à cette situation, que pouvons-nous, comme citoyens, pour parvenir à une autre entité politique, qui deviendrait l’Europe citoyenne ?
Ce professeur de philosophie avait publié le 6 février 2008, sur le site d’ATTAC, un excellent article sous le titre Socialisme et République, dont voici des extraits :
Sommes-nous encore en République ? Depuis trop d’années, nous assistons à la destruction de ses valeurs : petits salaires non revalorisés bien que parfois sous le seuil de pauvreté, chômeurs suspectés de paresse mais tributaires de décisions d’embauches qu’ils ne maîtrisent pas, grands patrons qui reçoivent des prébendes financières sans rapport avec le bien-fondé d’un revenu et leurs responsabilités réelles, cadeaux fiscaux pour les plus riches, licenciements constants pour les opérateurs les plus modestes pour seuls motifs financiers, protection sociale menacée au profit d’un système d’assurance qui valorise le risque plutôt que la solidarité…
Ces faits nous ramènent, sous couvert de prétendues « réformes », à l’époque antérieure à la conquête d’un statut citoyen des travailleurs. L’égalité s’efface, entraînant la liberté dans sa chute. Aujourd’hui, ceux, qui portent les valeurs du Socialisme, peuvent-ils, s’inspirant de Jaurès, réinventer la République ? (…)
Bien entendu, aucune nation ne peut s’établir seule. Pas de République française sans reconnaissance politique des autres Nations et de leurs peuples. Mais pas de République sans recherche permanente de la cohésion sociale interne à la Nation, sans rapprochement du politique et du syndical ; les « règles économiques », en particulier le libre échange ne peuvent mettre en cause ces principes ! Et c’est leur refus, l’absence de stratégie de développement, la volonté d’asservir les peuples au nouvel ordre économique, qui mettent en péril la paix et développe des attitudes terroristes.
C’est pourquoi l’internationalisme doit se récréer sur des bases qui étaient les siennes avant la guerre de 14, qui fondaient encore la pensée après la deuxième guerre mondiale [7], loin des dérapages mondialistes de prétendues régulations économique et commerciale qui, aujourd’hui, ne servent qu’à justifier l’ordre dominant. L’internationalisme du mouvement des travailleurs peut et doit conduire à un monde où les peuples, respectés dans leurs identités nationales, vivent en paix, dans l’égalité de rapports harmonieux parce qu’égaux.
« Le politique » doit retrouver sa place première, qui est la loi des peuples ; et « l’économique », procédé technique, doit s’inscrire au service de la République des citoyens du Monde ! Tel était le message de Jaurès qui donna sa vie pour la paix et le progrès social (Albert Richez).
Je crois nécessaire que se rassemblent celles et ceux qui partagent cette problématique de la refondation de la gauche sur la base d’un projet cohérent rapprochant Europe et République. Nous y réfléchissons dans le cadre du MRC, en souhaitant être rejoints par d’autres, dans la perspective des échéances électorales nationales de 2012.
Cet article est le 121ème paru sur ce blog dans la catégorie Gauche refondation