Le plateau était trop favorable à Le Pen, selon Joffrin
Le patron du Nouvel Observateur, Laurent Joffrin, a publié un BILLET] incendiaire à propos de l’émission Jeudi 10 mars 2011 - Ce soir ou jamais - France 3. C’est sûrement le signe que le clan Strauss-Kahn commence à s’inquiéter de la tournure des débats depuis la publication de sondages très favorables à Marine Le Pen.
Joffrin accuse la télévision publique (à travers elle, Sarkozy) de prêter main forte à la présidente du Front national en organisant ce type de débats avec des personnalités qui, jusqu’à présent, étaient interdites d’antenne, parce que ne correspondant pas au moule libéral européiste bien pensant. Il oublie seulement de poser la question : pourquoi les classes populaires se dirigent vers elle ?
En fait, Frédéric Taddeï invite des gens en marge du système - qui sont capables de s’écouter - afin de rendre attractive son émission. Voici les personnalités qui étaient invitées, hier soir, à débattre sur le thème « Marine Le Pen : la montée du sentiment national » dans Ce Soir ou Jamais.
Marine Le Pen, le phénomène. D’une manière générale, Marine Le Pen est souvent jugée comme plus modérée que son père. L’image qu’elle donne, calme et souriante, semble être à l’opposé des stéréotypes attribués habituellement à sa famille politique. Est-ce le cas ? Comment interpréter la montée en puissance du Front national et de ses thématiques ?
Gaël Brustier : Il est politologue, chercheur associé au Groupe de sociologie politique européenne de Strasbourg. Il est par ailleurs membre du Conseil scientifique de la Fondation Res Publica. Il a été membre de la direction du Mouvement des citoyens de Jean-Pierre Chevènement. Il a notamment publié en 2008 Les Socialistes, les altermondialistes et les autres, et en 2009 Recherche peuple désespérément. Il cosigne aujourd’hui avec Jean-Philippe Huelin Voyage au bout de la droite, Des Paniques morales à la contestation droitière (Mille et une nuits, 2011), un ouvrage dans lequel il affirme que « la droite a gagné le combat pour l’hégémonie culturelle dans les sociétés occidentales, poussant aussi bien les droites conservatrices que les droites extrêmes à opérer de nombreuses mutations ».
Gilles-William Goldnadel : Avocat pénaliste, il a notamment été le défenseur des accusés dans les affaires Sentier 1 et 2, ou de l’Angolagate. Il préside l’association Avocats sans frontières. Il dirige également l’alliance France-Israël. Dans son dernier livre, Réflexions sur la question blanche, Du Racisme blanc au racisme anti-blanc (Gawsewitch, 2011), il affirme que « le Juif, autrefois Levantin, est aujourd’hui considéré comme le plus Blanc des Blancs ».
Paul-Marie Couteaux : Ecrivain, il est notamment l’auteur de biographies comme Clovis, une histoire de France, Le génie de la France, de Gaulle philosophe, d’essais polémiques comme Ne laissons pas Mourir la France avec Nicolas Dupont-Aignan, Être et parler français. Défenseur de la cause souverainiste, il dirige notamment la revue mensuelle Les cahiers de l’indépendance, revue des souverainistes de tout horizon ». Au fil d’une longue carrière, il a enfin été conseiller de Michel Jobert, de Philippe de Saint Robert, de Jean-Pierre Chevènement, de Boutros Boutros-Ghali, puis de Philippe Séguin.
Alain-Gérard Slama : Il est éditorialiste, membre du comité éditorial du Figaro et professeur à Science Po Paris où il propose un cours d’introduction à la pensée politique. Il est également membre du conseil d’analyse de la société et, par ailleurs, l’auteur de nombreux essais. Le dernier La Société d’indifférence (Plon) est paru en 2009. Dans sa chronique du Figaro en date du 9 mars, il estime que « le ressentiment des victimes de la mondialisation bénéficie moins à la famille anticapitaliste qu’à celle qui a placé l’immigration et les inquiétudes soulevées par l’islamisme en tête de ses préoccupations ».
Christine Tasin : Présidente de « Résistance républicaine ». Elle est professeur agrégée de lettres classiques, tout juste préretraitée depuis deux mois. Présidente de « Résistance républicaine », une association qui se veut en dehors des partis politiques et dont la vocation est de rassembler des citoyens de touts bords, pour défendre, dit-elle, la République contre l’Islamisation de la France. Elle est par ailleurs rédactrice à Riposte laïque, un journal en ligne de défense de la laïcité et des valeurs républicaines. Elle a fait parler d’elle dans les médias en juin 2010 car elle est une des organisatrices à l’initiative du très controversé « apéro-saucisson-pinard » dans le quartier de la goutte d’or à Paris, qui s’est finalement transformé en rassemblement sur les Champs Elysées.
Emmanuel Todd : Emmanuel Todd est politologue, démographe, historien et sociologue. Il a publié de nombreux essais dans lesquels il analyse le fonctionnement et les évolutions de nos sociétés : le prophétique La chute finale sur la fin programmée de l’URSS, publié en 1976, L’Illusion économique, essai sur la stagnation des sociétés développées (1998), ou encore Après l’empire (2002), sur la décomposition du système américain, Après la démocratie (2008).
Houria Bouteldja : Présidente du mouvement des « Indigènes de la République ». Elle est porte-parole du mouvement des « Indigènes de la République », collectif né en 2005 pour fédérer « tous ceux qui veulent s’engager dans le combat contre les inégalités raciales qui cantonnent les Noirs, les Arabes et les musulmans à un statut analogue à celui des indigènes dans les anciennes colonies ». L’un des fondateurs des indigènes de la République, Sadri Khiari, a publié en 2009 un ouvrage intitulé La contre-révolution coloniale en France, de De Gaulle à Sarkozy.
Ce que j’en pense
Ce débat était vrai. Chacun a pu développer sa pensée et réagir à ce que disaient les autres. C’est ainsi que Todd a pu laisser éclater son désaccord avec Tasin, qui se qualifie elle-même d’islamophobe. C’est ainsi aussi que la porte-parole des Indigènes de la République, Bouteldja, a pu constater que sa haine du Blanc ne passait pas la rampe.
Deux femmes dans le débat. Deux femmes aux propos extrêmes, extrêmement contestés. L’une en était dépitée (Bouteldja). L’autre était ravie de son coup. Christine Tasin (qui conserve mon amitié, malgré nos désaccords) s’est exprimée clairement - même si c’était en forçant à l’excès le trait - ce qui mérite, selon Joffrin, une sévère condamnation. Qu’on en juge (BILLET]). Extrait :
« Un tel déséquilibre dans le débat permit d'assister à ce phénomène inédit, même en ces temps de rejet des "tabous" et de la "bienpensance" : un déferlement de clichés anti-musulmans proférés par cette dame Tasin (religion "totalitaire", dictature musulmane à l'école, destruction de l'identité française, laïcité mise en pièce par l'islam français, tout cela dénoncé par une fanatique sectaire qui répartit la population en deux catégories, les bons Français d'un côté, les musulmans de l'autre, comme si les musulmans étaient par construction étrangers à la nation, quand bien même ils seraient Français nés en France), sans que quiconque ne vienne contredire – surtout pas Taddéï – cette logorrhée xénophobe (pardon : islamophobe) ».
Parmi les hommes, Gaël Brustier (que j’ai bien connu au MRC en 2004-2006) a montré tout l’intérêt de son livre « Voyage au bout de la droite », qui passe en revue la progression des droites en Europe. En prétendant que la gauche a disparu, il n’a pas fait plaisir à Joffrin.
Emmanuel Todd a eu des bons et de moins bons moments (sur la question de l’islam, il survole en démographe mais ne connaît pas les réactions populaires à la base).
Paul-Marie Coûteaux a montré sa proximité avec le parti de Marine Le Pen, qu’il qualifie de droite nationale. Ancien proche de Chevènement et de Séguin, puis de Villiers, il est d’abord un intellectuel gaulliste et un brin royaliste (ce que j’avais compris en l’accueillant en Mayenne, pendant la campagne présidentielle de Chevènement en 2002).
Ce débat prouve que nous entrons dans une période de contestation plus forte du système UMP-PS, qui a imposé ses vues avec l’aide des médias complices. Cela devrait amener Joffrin à conseiller à son ami, directeur du FMI, que les conditions ne sont pas vraiment favorables à son retour au pays.
Cet article est le 39ème paru sur ce blog dans la catégorie La droite en France.