La contractualisation précède la baisse des prix du lait
« La Suisse a été un laboratoire pour l’Europe dans la gestion de la filière laitière dans le cadre de la contractualisation. Maintenant, c’est au tour de la France. On a rendez-vous avec l’Histoire. Cela peut paraître prétentieux de s’exprimer ainsi, mais nous, producteurs de lait, sommes placés devant l’alternative : changer la donne ou être condamnés à mort ».
C’est ainsi que Paul de Montvalon (Apli* Maine-et-Loire), président de l’Office du lait (voir Apli : les statuts d'un Office du lait ont été déposés) a commencé son intervention le 21 janvier dans la salle de cinéma de Saint-Hilaire-du-Harcouët (Manche) devant 350 personnes, producteurs de lait pour la plupart.
L’orateur qui l’avait précédé, Paul Ecoffey, est producteur de lait (37 vaches, 280 000 litres par an) à destination de gruyère AOC dans le canton de Fribourg, en Suisse romande. Il a décrit la situation dans son pays. Il conseille de parler en litres de lait, car c’est plus parlant pour les consommateurs (il faut travailler avec eux), et non en 1000 litres, comme le font les industriels.
Les cinq plus gros industriels, qui ont des contrats en direct, achètent le lait autour de 38 centimes d'euros le litre, alors que leur coût de production est proche de 60 centimes. Sa situation personnelle est différente, car il vend le litre de lait pour le gruyère AOC 70 centimes pour un coût de production évalué à 85 centimes. Dans ce cas, c'est l'interprofession qui fixe les prix et une production stricte pour ne pas les faire baisser.
Paul Ecoffey (photo) fait partie d’une organisation indépendante, Uniterre, qui a fait la grève du lait en raison de la baisse des prix. La situation s’est dégradée depuis la mise sur les marchés de 300 millions de litres en 2006, et, surtout, après la contractualisation. « On nous l'a annoncé il y a cinq ans. Tout de suite, nous avons créé des organisations partout en pensant pouvoir négocier chacun sur notre territoire. Or, avec 38 organisations, cela a créé des dissensions entre producteurs, ce dont les industriels ont profité. Résultat : on a segmenté le prix du lait entre le marché domestique, le marché européen et le marché mondial. Personnellement, mon prix du litre a chuté de 30 % en dix mois. Ce n'est plus supportable » (Voir Ni indemnes ni sortis de la crise laitière, La Nouvelle République, 20 janvier).
Paul Ecoffey a participé récemment à un forum sur le lait, au cours duquel il a été rappelé que la molécule lait vaut de l’or. C’est une matière noble. Nous sommes dans le même bateau. Il y a 3 à 4% de producteurs qui veulent produire coûte que coûte. Qu’ils produisent, mais en vendant sur le marché mondial. Dans la contractualisation, actuellement, il y a trois segments : le marché suisse (70%), le marché européen (10%) et le marché mondial (20%). Les industriels acheteurs veulent imposer aux producteurs une baisse des coûts de production, mais, à force, on découvre des scandales (en Allemagne, lait à la dioxine, lait frelaté dans le Haut Anjou). En baissant les prix d’achat du lait, on arrive à mettre n’importe quoi dans les assiettes. Or, sans les producteurs, rien n’est possible. Faisons en sorte qu’ils tiennent compte de nous.
Un point important : la contractualisation est obligatoire, mais le producteur n’est pas obligé de signer le contrat de la laiterie.
Nous demandons une gestion des quantités de lait produites à leur coût de production. Les industriels peuvent aller sur le marché mondial s’ils le veulent.
Voir « Ne signez aucun contrat sinon vous êtes cuits » (Sud Ouest, Aude Boilley, 20 janvier)
Paul Ecoffey est venu sensibiliser les éleveurs laitiers charentais sur la contractualisation.
Lait : l'Apli lance la bataille des contrats (Ouest-France, François Lemarchand, 22 janvier)
* Apli : ASSOCIATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE LAITS INDEPENDANTS
Cet article est le 203ème publié sur ce blog dans la catégorie AGRICULTURE et PAC.