L’euro, monnaie politique, est une hérésie monétaire
La deuxième table ronde de l’université d’été du Mouvement Républicain et Citoyen, le 4 septembre à Valence, était animée par Julien Landfried, responsable au MRC de la communication. Le thème : « Quel avenir pour la zone euro ? » (voir Université d'été MRC à Valence : le programme de salut public en débat - 8 septembre 2010).
Julien a proposé aux trois intervenants quatre grands axes : le bilan économique de la zone euro, le risque d’éclatement de cette zone et ce que doit faire la France en cas d’éclatement, la définition du gouvernement économique de la zone euro.
Alain Cotta (professeur d’économie), Yves Le Hénaff (responsable au MRC des questions économiques) et Laurent Pinsolle (porte-parole de Debout La République) ont répondu de leur mieux à ces questions délicates. Jean-Pierre Chevènement est intervenu dans le débat, notamment sur la question de la relation franco-allemande, qu’il connaît très bien.
Alain Cotta affirme que la situation économique de la France n’a jamais été aussi mauvaise qu’actuellement. L’euro est, en partie, responsable mais la situation serait meilleure si la France avait une politique économique autonome, ce qui n’est plus le cas (politiques monétaire et extérieure).
L’euro ne durera pas, car c’est une monnaie politique, voulue par Giscard d’Estaing et Schmidt, à l’origine. Quand ? Comment ? La monnaie unique se transformera en monnaie commune (comme était l’écu). La France retrouvera le franc (à minuit, comme en Ukraine).
En France, il ne se passe rien, comme à la fin du 19ème siècle. Le taux d’épargne est le plus élevé du monde. Les taux d’intérêt sont proches de zéro. Achat d’obligations, rentes perpétuelles (assurance vie) ; il n’y a pas d’investissements, seulement un échange de services.
Les grandes entreprises ne travaillent plus en France. Celle-ci se sent bien dans cette stagnation, cette stabilité (économie de rentiers). L’euro n’est pas fait pour les salariés (il profite aux revenus non salariaux). C’est l’Europe des rentiers. Un pays a refusé l’euro, le Royaume-Uni, qui a la diplomatie la plus intelligente.
En France, les responsables politiques sont trop liés à l’euro. Il n’y a pas de débat politique. L’Europe des nations éclate en régions. Il ne se passera rien, sauf si…
Le remboursement des dettes publiques nécessitera de l’inflation, qui redonnera corps à la société française, mais réduira les revenus fixes (rentiers). Dans le sillage des USA, l’Europe se tournera vers le protectionnisme.
Yves Le Hénaff rappelle que, dès l’origine aux alentours de 1986, les conditions économiques n’étaient pas cohérentes pour créer une monnaie unique. Il aurait fallu réaliser des transferts financiers dans un budget fédéral, qui n’existe pas. Il était prévu que les structures économiques s’adaptent à l’euro (pôle industriel allemand, tourisme et services en France, la finance à Londres). L’objectif était une solution fédérale à l’américaine (aux USA, le budget fédéral, c’est 20% du PIB). Mais cela supposait que les contributeurs soient bien identifiés et consentants.
La solution française, c’est un gouvernement économique avec ajustement des politiques économiques, orchestration des transferts financiers, une coordination cohérente des politiques.
L’euro ne protège pas de la nécessité de se désendetter.
En Espagne, l’endettement a augmenté grâce à l’euro ; il n’aurait pas été possible avec la peseta.
La Grèce n’aura pas d’autre solution que la sortie de l’euro, en raison des perspectives de croissance insuffisantes.
La France n’est pas dans la même situation que l’Espagne (qui pourra sortir de l’euro, avec un ajustement nécessaire) ou la Grèce. Son intérêt est-il de sortir de la zone euro ? C’est à voir. Le schéma d’organisation monétaire est difficile à entrevoir. Il ne faut pas de désordre monétaire en Europe. La solution est la monnaie commune (l’euro) en complément des monnaies nationales. Mais personne n’en veut. L’Allemagne n’en veut pas, elle n’y a pas intérêt. Il faudra une crise majeure fatale, indispensable pour faire bouger les esprits.
Laurent Pinsolle souligne qu’il a commencé à s’intéresser à la politique en 1992, lors de la campagne référendaire pour le non à la ratification du traité de Maastricht conduite par Jean-Pierre Chevènement et Philippe Séguin.
Le bilan de l’euro est désastreux. C’est le résultat d’une construction fédéraliste.
Le premier problème est la surévaluation dramatique (15 à 20%) de l’euro, qui pénalise l’industrie européenne.
Le second problème, c’est qu’il n’y a plus d’ajustement possible, les salaires doivent baisser. Tel est le gène de la monnaie unique : la déflation salariale.
Le troisième problème est qu’il n’est pas tenu compte des différences de croissance entre les pays de la zone euro. C’est la même politique monétaire pour tous. C’est ainsi que la croissance espagnole a été renforcée alors qu’elle avait besoin d’être refroidie. D’où la bulle immobilière, malgré une politique budgétaire très rigoureuse.
Le risque d’éclatement de la zone euro existe-t-il ? L’action des marchés est brutale. Il y a un risque de panique des marchés, dans les deux ou trois ans à venir ; c’est plus probable qu’une lente décomposition.
Les trois critères principaux pour avoir une même monnaie sont les suivants :
- le facteur travail (la mobilité),
- un budget central commun,
- la convergence économique.
Ces conditions ne sont pas réunies pour les pays de la zone euro. Il faudra procéder au retour aux monnaies nationales afin de mener des politiques monétaires adaptées aux réalités nationales. Il existe des techniques permettant la réussite de l’opération (dépréciation de la monnaie nationale par conversion de la dette publique avant sortie de l’euro, monétarisation de la dette, relèvement des salaires).
Le point de vue de Laurent Pinsolle est développé sur son Blog gaulliste libre (4 septembre). Voir aussi l'article du 6 septembre, intitulé "Une journée au MRC".
Jean-Pierre Chevènement a souhaité introduire une perspective plus politique, en complément des trois exposés, qui sont justes, très documentés.
Il est difficile de dire qu’on veut sortir de l’euro (y penser toujours, n’en parler jamais). L’euro est une monnaie politique créée dans une perspective fédéraliste dans une zone non optimale. Elle veut obliger l’Europe à se fédérer. C’est un vice de conception, une hérésie.
Mais l’Allemagne est très fédéraliste quand elle est divisée. Réunifiée, elle ne l’est plus (voir la décision du 30 juin 2009 de la cour constitutionnelle de Karlsruhe). Elle a une vision mondiale de marché, tournée vers l’est. Elle est pacifiste, ne veut pas avoir de politique étrangère. Cela ne l’empêche pas de mener une politique russe, sous la tutelle des USA, ce qui est possible tant que ceux-ci en sont d’accord. Donc, problème de cohérence. Problème, aussi, de vieillissement (en 2025, la France et l’Allemagne seront à égalité en population).
L’euro, c’est notre monnaie, même si, à certains égards, c’est une grenade dégoupillée, qu’il est difficile de rejeter. La crise va revenir. Ce ne sera pas à froid.
Il faut bien connaître l’histoire de l’Allemagne par rapport à la France. En 853, partage de l’empire de Charlemagne. Depuis la Révolution française (les droits de Homme et du Citoyen), les allemands ont un ressentiment puissant. La résistance française de la première guerre mondiale a été à l’origine de l’échec du pangermanisme. En 1940, le mépris allemand pour la France s’exprimait dans cette boutade « La France est un pays qui voyage en 1ère classe avec un billet de 2ème classe ». L’Allemagne pensait en avoir fini avec la France en 1940.
Les rapports franco-allemands sont peu explicites. On ne se parle pas franchement. C’est un problème soluble.
En matière de défense, les allemands ne supportent pas que la France ait l’arme nucléaire. En ce qui concerne la création de l’euro, Mitterrand l’a voulue car il préférait dépendre de l’Europe (autrement dit, plutôt dépendre de l’euro que du mark).
Les allemands n’aiment pas l’idée de l’euro à 16. Mais ils ont un vrai choix à faire. Ils ne peuvent pas se couper de l’Europe. En acceptant, sous la pression d’Obama, la solidarité financière avec la Grèce (qui ne marchera pas), ils ont avalé un énorme boa. Le terrain est miné. Si l’Allemagne sortait de la zone euro, ce serait parfait. Mais cela ne se produira pas.
La solution passe par une révolution culturelle entre la France et l’Allemagne (la réconciliation du SPD avec Die Linke serait un pas important). Cela prendra du temps. Pensez-y toujours, n’en parlez jamais…
Cet article est le 75ème paru sur ce blog dans la catégorie MRC national.