Il reste moins de 16 mois à tenir, en jouant la défense
C’est un président mûri par les épreuves de ses trois premières années de mandat présidentiel qui nous a présenté ses vœux, vendredi soir. Tout a changé depuis mai 2007. Il n’est pas question pour autant de changer de politique. Les réformes continueront pour servir ses amis, les dirigeants de la finance. Au risque d’accentuer la coupure entre lui et le peuple, dont il ne se rend pas compte (voir l’article paru ce soir sur le site du Figaro 2011, année de reconquête pour Nicolas Sarkozy).
C’est vrai, Les vrais-faux vœux de Sarkozy pour 2011 : « Battez moi en 2012 » sont plus près de la vérité. Le PCF a voulu marquer le coup, c’est réussi, même si l’emprunt de l’image présidentielle n’est pas légal.
Le président est gêné par les commentaires de plus en plus critiques sur l’euro. Bien sûr, avec la chancelière allemande, il va défendre le montage politique et idéologique, bien peu rassurant, de la monnaie unique, mais à quel prix ? Depuis quand la monnaie est-elle une fin et non un moyen d’une politique économique ? Depuis que certains dirigeants politiques se sont servis de l’euro pour construire une entité privant les nations d’une part essentielle de leur souveraineté. Le problème est que les marchés financiers ont détecté les faiblesses du montage euro-péen et ne se privent pas de le mettre en difficulté.
Il est piquant de voir le président le plus distant de notre modèle social républicain prétendre désormais le protéger. Faut-il y croire ou s’agit-il d’une attitude calculée pour donner quelque chance à sa réélection en 2012 ? La réponse est évidente. Tout est fait dans la perspective de l’échéance présidentielle. L’électorat populaire s’est éloigné. Comment le reconquérir ? En le « protégeant ». Reste à vérifier que les seize mois à venir pourront faire oublier les dérapages des trois années passées.
Pierre Haski, responsable du site Rue89, a fait connaître, dès vendredi soir, son avis sur les vœux présidentiels. Le voici, il me semble très pertinent (notamment, les deux derniers paragraphes).
Sarkozy, président protecteur en 2011, en attendant 2012
En transition, Sarkozy a prononcé un bon et vrai discours « de droite », carré et sans fioritures pour ses vœux aux Français. Edito.
« Pro-té-ger ». A six reprises, Nicolas Sarkozy a utilisé ce verbe dans ses vœux télévisés ce vendredi soir. Une manière de se couler dans ses habits neufs présidentiels, protecteur et montrant la voie. Loin du bling-bling, loin de l'hyper-président touche-à-tout : ça c'était « avant ».
En bon père de famille, Nicolas Sarkozy est juste mais sévère : il faut aller à l'école, il ne faut pas porter de burqa, il faut respecter la loi, il faut respecter la France, il ne faut pas être communautaire. Un bon et vrai discours « de droite », carré et sans fioritures, l'heure n'est pas à la nuance.
Il n'y a pas que Nicolas Sarkozy qui protège les Français : l'Europe aussi. Il y avait, dans ce message télévisé, prononcé d'un ton grave, un appel particulier sur l'Europe « qui a tenu, qui nous a protégés », et sur l'euro qu'il faut défendre.
« Ne croyez pas ceux qui proposent de sortir de l'euro »
Le Président, dans un message sans doute concerté avec la chancelière allemande Angela Merkel qui s'est prononcée dans le même sens à la même heure, a lancé un surprenant appel :
« Ne croyez pas ceux qui proposent de sortir de l'euro. »
Nicolas Sarkozy s'est engagé à s'opposer « de toutes [ses] forces » au retour en arrière que constituerait le fait pour la France de quitter la zone euro. Un message vraisemblablement ciblé en direction des électeurs séduits par le discours du Front national, qui milite pour un retour au franc, transformant l'euro en bouc émissaire de toutes les difficultés.
Nicolas Sarkozy a également parlé de la crise financière et sociale, d'une année 2010 « qui fut rude », de ceux qui ont perdu leur emploi et qui ont pu en concevoir « un sentiment d'injustice ». Mais il n'a apporté comme seule réponse à ce bon diagnostic que la poursuite des « réformes », ce mot galvaudé et vidé de sens depuis plus de trois ans.
2011, c'est avant 2012
Le Président a fait observer que 2011 intervenait avant… 2012, mais qu'il n'était pas question d'« immobilisme pre-électoral » : « Nous allons continuer à réformer. »
Grand absent de ces vœux, le dossier des « affaires » qui a fait que l'année 2010 fut aussi « rude » pour Nicolas Sarkozy lui-même. Pas un mot ce vendredi soir, sur les questions éthiques, sur cette République exemplaire qu'il avait promise mais pas mise en œuvre, sur le financement occulte qui, de Liliane Bettencourt à Omar Bongo en passant par les rétrocommissions de Karachi, empoisonnent notre démocratie.
Ces vœux pour 2011 ne resteront pas dans les annales. Nicolas Sarkozy est un président en transition. Au plus bas dans les sondages, il est en train de préparer sa mise en orbite pour l'élection de 2012, par petites touches, avec des messages subliminaux en direction de ses électeurs déçus de 2007, tentés d'aller plus à droite, plus au centre, ou même ailleurs.
A l'issue d'une année particulièrement difficile, avec sa défaite aux régionales, le bourbier de l'affaire Woerth-Bettencourt, le flop de la vague sécuritaire-xénophobe de l'été, le plantage de la gestion du remaniement, et l'absence de dividendes de sa victoire sur le mouvement social des retraites, il n'a pas trouvé le souffle ni l'inspiration pour susciter le désir. La magie du verbe présidentiel ne s'est pas manifestée vendredi soir à l'Elysée.
Cet article est le 38ème paru sur ce blog dans la catégorie La droite en France.