Opter résolument pour la solidarité et la cohérence
Gérard Beillard milite au MRC en Mayenne. Il s’intéresse tout particulièrement aux questions de la protection sociale - santé et retraite - et du logement, mais aussi à tout ce qui concerne les conditions et la législation du travail (il est ouvrier dans une entreprise textile à Laval).
Gérard Beillard ici, à droite, au côté de Georges Minzière, trésorier du MRC 53
Il m’a remis trois textes sur la sécurité sociale, les retraites et le logement social. Celui sur les retraites a été publié hier sur ce blog. Voici celui sur la sécurité sociale. L’article précédent date du 3 mars 2009 : Gérard Beillard (MRC 53) : la protection sociale est un droit humain.
Le social part en lambeaux en France
La sécurité sociale, les retraites, sont méthodiquement fragmentées, année après année, par un capitalisme installé au-dessus des peuples et obtenant ce qu’il veut des gouvernements. Concernant l’assurance maladie, cela a commencé sous les gouvernements Barre (1976-1981). Le gouvernement Balladur (1993-1995) s’est attaqué aux pensions de retraite. Le gouvernement Jospin, ensuite, a continué, hélas !
Le président Sarkozy donne des coups d’accélérateur à cette démolition. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2010, la loi Bachelot HPST, les projets contre les retraites, sont autant de coups portés aux garanties collectives des salariés, lesquelles leur assurent un minimum d’accès à des prestations vitales.
Le gouvernement appelle à la « responsabilisation », mais sans dire dans quel but. Celle-ci serait acceptable si ce n’était dans le cadre d’une idéologie du chacun pour soi, selon ses moyens financiers, et de l’ouverture aux assurances privées et mutuelles pour compléter des prestations de misère financées par les impôts plutôt que par les profits. Non à la « marchandisation » des problèmes de santé.
2010 sera également l’année d’une fronde contre les moyens publics pour les personnes dépendantes, personnes âgées en premier lieu, mais qui pourrait en partie s’étendre au moins aux personnes handicapées. Il s’agit de créer un « marché de la dépendance », c’est en cours. Les assureurs sont sur les rangs. Trois millions de personnes sont déjà assurées en France. Il faut être en bonne santé, sinon c’est l’exclusion d’office, je puis en témoigner. Elle est belle, la mentalité des assurances !
L’aide publique n’interviendrait plus que pour les personnes non solvables, à revenus très bas. Tant pis pour les autres, solvables à bas revenus. Entendre le gouvernement parler de justice est risible. C’est un projet de société insupportable pour les plus faibles, et même pour les classes moyennes. Il faut le combattre tous ensemble, sans réserve.
Le gouvernement se désengage de l’assurance maladie à toute vitesse :
- Augmentation du forfait hospitalier journalier (18 euros depuis le 1er janvier 2010),
- Participation forfaitaire sur les actes chirurgicaux,
- Franchises sur les visites médicales, les boîtes de médicament, les transports sanitaires et actes paramédicaux,
- Surcroît de dépassement d’honoraires des médecins libéraux,
- Création d’un secteur optionnel,
- Déremboursement d’une nouvelle série de médicaments…
Crise ou pas, la participation financière des malades assurés ne cesse d’augmenter proportionnellement à la diminution du champ des dépenses remboursables par l’assurance maladie.
Selon le Haut Comité pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) lui-même, 3 milliards d’euros ont ainsi été économisés sur notre dos depuis 2004, et le mouvement s’accélère.
Le gouvernement a beau indiquer que le taux de prise en charge des dépenses de santé reste à peu près stable (autour de 75%), personne n’est dupe. Certes, les hospitalisations et les affections de longue durée (ALD) augmentent en volume et sont correctement remboursées, mais on peut se demander si cela va continuer.
Les dépenses de ville ou de soins courants sont de moins en moins pris en charge. Selon une étude de marché, la part du revenu des ménages allouée aux dépenses de santé a augmenté de 50% entre 2001 et 2009. Dorénavant, chaque loi de financement de la Sécurité sociale apporte son lot de désengagement en matière de solidarité.
Pour Didier Tabuteau, directeur de la chaire santé de Science-Po Paris, « on est aujourd’hui parvenus à un taux de remboursement de 55% des dépenses de soins courants, peut-être moins.
Si on continue sur cette voie, on tombera dans une espèce de dentisterie généralisée, au sens des prothèses, où le remboursement des complémentaires est déterminant ».
Nous y voilà ! Derrière le discours de responsabilisation du malade, et des mesures économiques nécessaires pour sauver notre système, il s’agit, en réalité, d’un véritable choix politique : ouvrir le marché de la santé au privé, notamment aux assureurs qui piaffent d’impatience depuis longtemps et sentent que leur tour est venu, les conditions politiques étant favorables.
D’ailleurs, certains (AXA, Alliance, Groupama ou Swiss Life) ont mené des expériences de remboursement sélectif, triant leurs clients ou les soins à prendre en charge (voir, par exemple, Ouest-France, 5 février, « Mon assurance ne reconnaît pas mon handicap ». Une jeune femme, handicapée à la suite d’un accident de voiture, se heurte à sa compagnie d’assurance, qui ne reconnaît pas l’origine de son état et refuse de prendre en charge ses frais).
D’autres vautours se déclarent, également, prêts à dépecer le futur cadavre de l’assurance maladie. La destruction graduelle et organisée de notre système solidaire, obtenue en préparant l’opinion à coup de prétendu déficit profond qu’il ne faudrait pas faire supporter aux générations futures, commence à faire son œuvre.
Il est temps de changer notre fusil d’épaule. La santé n’est pas un produit soumis à marchandisation, sauf si on laisse le système français aller à la privatisation, aux dépens de tous nos concitoyens, même les plus aisés.
Soyons clairs : pour nous, la Sécurité sociale ne souffre pas d’un excès de dépenses, mais d’un manque de recettes : l’Etat devrait montrer l’exemple en remboursant ce qu’il doit et il y a aussi le chômage grandissant et les salaires trop bas, qui font baisser les recettes.
Dans un pays riche (5ème position dans le monde), le seul critère à prendre en compte dans le montant des dépenses de santé doit être le besoin de la collectivité, la solidarité, les recettes devant être modulées en fonction de ce besoin.
Si contrôle et maîtrise des dépenses il doit y avoir, ce n’est pas uniquement aux assurés sociaux de les subir. Il est possible d’agir sur les profits du secteur santé. L’assurance maladie ne doit plus être la vache à lait de l’industrie pharmaceutique marchant aveuglément, de cliniques 100% privées, de l’industrie des 3ème et 4ème âge, des professions libérales médicales trop gourmandes.
Plus que jamais, la cohabitation entre un système solidaire et une organisation 100% libérale des soins est une contradiction. Le capitalisme financier veut la supprimer en liquidant la solidarité. Nous voulons, et la majorité des Français avec nous, maintenir, et même amplifier, la solidarité, compte tenu du désastre économique actuel.
Pour nous, l’organisation et la gestion des soins doivent se faire dans le cadre d’un grand service public, qui ferait la part à la prévention. Aujourd’hui, c’est l’Etat providence qui a la charge de gérer une partie des misères dues au système capitaliste sans limite. Il est grand temps que nos concitoyens se rappellent les belles idées du Conseil National de la Résistance (CNR). Elles restent bénéfiques et modernes. Ensemble, défendons notre Sécurité sociale !
Cet article est le 44ème paru sur ce blog dans la catégorie Santé et sécu sociale.