« Ce 8 mars qui peut devenir historique… » De nombreuses femmes se sont exprimées à Dijon avant l’intervention de Ségolène Royal. Dominique Méda, sociologue : « Les inégalités ont cessé de se réduire et on a toujours des femmes qui participent moins à l’emploi, une différence de 13 points toujours. On a toujours des femmes qui sont à temps partiel et à temps partiel dit « choisi » et aussi de plus en plus de femmes à temps partiel subi surtout qui alimentent la spirale des bas salaires : 80 % des bas salaires sont des femmes. Et puis on a les fameux écarts de salaire, 25 %, qui ne bougent plus, dont la réduction ne s’opère plus ». Pourquoi ? Pourquoi la société ne bouge-t-elle pas plus ? Pourquoi est-ce qu’elle ne prend pas ce problème à bras-le-corps ? Parce qu’on est toujours plombé par le poids des représentations traditionnelles et de la répartition des rôles qui incombent aux hommes et aux femmes. Et, comme Francine Got l’a très bien montré, c’est tout au long du cycle de vie. Cela commence à l’école où on pousse moins les filles, où elles vont moins s’orienter vers les bonnes filières, vers les filières où elles pourront avoir des bonnes carrières et des bons salaires. Cela continue dans l’entreprise, l’entreprise considère toute femme comme une mère en puissance, et donc comme quelqu’un de moins productif, qui va moins rendre ». Yvette Roudy, la première ministre du Droit des femmes Yvette Roudy a été présentée ainsi par Laure Adler « C’est elle qui a été la première ministre des Droits des femmes sous François Mitterrand, c’est elle qui a fait voter la loi : à travail égal, salaire égal, c’est elle qui a permis et permet encore aujourd’hui à toutes les femmes qui sont sur le bord du chemin et à toutes les jeunes femmes qui veulent avancer, croire en l’avenir, de pouvoir continuer ». Voici son intervention. « Eh bien, merci, Laure, de cet accueil si chaleureux. C’est vrai, j’ai fait tout ça, quand tu le rappelles, au fond je me dis : c’est vrai, après tout… Plus le remboursement de l’IVG, et plus la transmission du nom, et plus la possibilité de transmettre son nom à son enfant si on le souhaite. Et ça, ça a pris quinze ans parce que les droits des femmes ça prend beaucoup de temps, ça prend énormément de temps. La journée des femmes pour la première fois en 1910 Et depuis que Klara Zetkind a proposé que le 8 mars soit la journée des femmes, c’était en 1910, nous avions commencé avec François Mitterrand à proposer que chaque année effectivement on marque cette journée du 8 mars par des événements pour rappeler le chemin parcouru, parce qu’il y a quand même des chemins parcourus, mais aussi tout ce qui reste à parcourir. Alors, c’est international, c’est une fête internationale qui rassemble toutes les femmes, et c’est pourquoi aujourd’hui nous avons beaucoup de femmes, que vous allez voir tout à l’heure, qui sont venues de tous les coins d’Europe. En France, cela ne s’est pas passé facilement. Il a fallu deux siècles, deux siècles pour que les femmes arrivent à conquérir d’abord le droit à l’instruction, ensuite le droit au travail puisque Proudhon disait : « Oh, les femmes, non, ce n’est pas bien de les avoir dans une usine, ça va troubler les ouvriers et puis ça va créer des difficultés. Elles sont très bien, ménagères ou courtisanes. » Nous, on avait ça en France. Les Allemands avaient Klara Zetkind, c’était mieux quand même. Mais enfin, on a emprunté à Klara Zetkind le droit au travail. Le droit à disposer de son corps, le droit de vote puis la parité Le droit à disposer de son corps, ça a été très long, très dur, certaines d’entre vous s’en souviennent. Il y a là des femmes du Planning familial que vous avez entendues, qui ont parlé. Cela a pris trente ans et plus. Et puis le droit de vote, et maintenant nous en sommes à essayer d’arracher la parité, ce n’est pas acquis parce qu’une place pour une femme c’est encore perçu comme une place en moins pour un homme. Et, croyez-moi, les malheureux hommes blancs souffrent en ce moment parce qu’ils ont le sentiment qu’on va leur prendre leur place. Je leur dis : « Ne vous inquiétez pas, vous, vous attendrez un peu, nous ça fait deux cents ans qu’on attend, on comprend votre souffrance et on ne veut pas votre place, on veut seulement la nôtre. » Ségolène après deux siècles de luttes des femmes Donc ce jour, ici, est historique parce que nous allons accueillir une femme que nous voulons présidente. Nous voulons Ségolène présidente, elle n’est pas arrivée comme ça, elle est arrivée parce que, derrière, il y a eu toutes ces luttes de femmes. Je vous ai dit deux siècles, et cela a été long et cela a été dur. Et elle, elle est arrivée là où elle est, et je peux vous dire qu’on ne lui a pas fait de cadeaux. Je ne veux rien rappeler en termes de mauvais souvenirs aujourd’hui, on est content, on est heureux, elle va gagner, donc on oublie tous les mauvais moments derrière nous, évidemment. Réconcilier les Français avec la politique Mais Ségolène, ce n’est pas n’importe qui, on ne lui a pas fait de cadeaux, elle a vraiment gagné tous ses galons à la sueur de son front, mais dans les pires difficultés. Elle sait ce que c’est que de travailler à la dure, elle sait ce que c’est que les difficultés, elle sait aussi ce que c’est que de se faire insulter. On compte beaucoup sur elle, on compte sur elle pour réconcilier les Français avec la politique. Parce que, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais ils n’allaient plus aux urnes, les Français. Vers l’Europe et au-delà… Elle a déjà réconcilié le oui et le non chez nous, c’est pas mal. On compte sur elle aussi pour qu’elle relance l’Europe et qu’elle fasse admettre que les droits des femmes doivent faire partie des conditions indispensables pour adhérer à l’Union, c’est-à-dire que des pays comme la Pologne, l’Irlande, Chypre, Malte, qui refusent d’entendre parler de contraception et d’IVG, moi je leur aurais imposé, avant d’entrer dans l’Union. Donc nous comptons sur elle pour cela. Et enfin nous comptons aussi sur elle pour élargir ce message qu’elle va lancer au-delà de l’hexagone, et je dirai même au-delà de l'Europe, jusque vers cette Afrique qu’elle connaît et qu’elle aime, qui souffre de maladies, de sida, etc., où les femmes sont encore très mal traitées, nous avons ici une amie qui anime une association qui lutte contre l’excision, elle nous a accompagnées, elle a bien des choses à raconter aussi. Nous avons beaucoup à faire avec cette Afrique, elle a beaucoup de travail. Elle a beaucoup de travail, c’est pour cela qu’elle a besoin de nous. Mais elle est forte, elle n’a aucune illusion, mais elle est optimiste. C’est une femme qui n’a peur de rien, je peux vous le garantir, donc ce n’est pas la peine de se dire : elle va craquer, elle va lâcher, elle ne va pas réussir, elle va être fatiguée. Alors là, je veux les rassurer tout de suite, ils risquent d’être déçus ceux qui pensent cela. Une chance pour les femmes, pour la démocratie, pour la France, pour l’Europe Donc, Ségolène, c’est une chance, pas seulement pour les femmes, c’est une chance pour la démocratie, c’est une chance pour le pays, pour la France, pour l'Europe et au-delà, bien au-delà. Elle va porter très loin et très haut son message, son énergie, son talent, sa force de caractère. Nous la voulons présidente ! » Trois questions à Ségolène Royal Qu'est-ce que cela représente que d'être une femme en politique au 21ème siècle ?
« C'est l'aboutissement d'une longue marche des femmes, de beaucoup de combats pour la conquête de nos droits politiques. Il reste encore du chemin mais le temps n'est plus où, comme dans l'entre-deux-guerres les sénateurs pouvaient à quatre reprises refuser le droit de vote aux femmes sous l'étonnant prétexte que nous aurions " la bouche trop petite pour proférer les gros mots qui sont monnaie courante dans les campagnes électorales. " Vous rendez-vous compte que, dans les manuels scolaires, on continue de dire " universel ", le suffrage qui, pendant un siècle, a exclu les femmes ? J'ai envie de vous répondre ce qu'en janvier 2006 Michelle Bachelet me disait au Chili : " le temps des femmes est venu... Pour le plus grand bonheur des hommes. "
Qu'est-ce que cela représente que d'être une femme socialiste aujourd'hui ?
« Vous savez, je suis venue au socialisme par le féminisme. Un féminisme instinctif et juvénile qui m'a fait, dès l'adolescence, refuser la place que, dans ma famille, la tradition assignait aux femmes. De l'émancipation des femmes à celle de l'humanité toute entière, le lien s'est fait tout naturellement : je suis aujourd'hui socialiste parce que féministe et féministe parce que socialiste. Etre une femme socialiste, c'est refuser l'assistanat qui humilie et c'est vouloir, pour chacune et pour chacun, le pouvoir de conduire sa vie et les solidarités qui le rendent possible. C'est ne pas se résigner au désordre des choses, faire le pari que l'avenir peut être civilisé et la France redressée ».
Qu'est ce que cela représenterait que d'être une femme présidente de la République ?
« Une belle victoire de l'égalité, de la parité et de la mixité en politique. Pas une revanche : une évolution normale. La preuve que le peuple français est, une fois encore, en avance sur certains de ses représentants. Je crois les femmes aussi qualifiées que les hommes pour exercer à la tête de l'Etat la juste autorité dont le pays a besoin, rendre à la puissance publique son efficacité et gouverner avec tous les Français. Peut-être ce 8 mars 2007 sera t-il historique... J'ai pris l'engagement, si je suis élue, de faire entrer Olympe de Gouges au Panthéon, où elle rejoindra Marie Curie. Olympe de Gouges a écrit une belle Déclaration des Droits de la Femme qui proclame crânement : " La femme a le droit de monter sur l'échafaud, elle doit également avoir celui de monter à la tribune " Son idéal d'égalité civile et politique des hommes et des femmes la conduisit, on le sait moins, à réclamer l'abolition de l'esclavage. Le tribunal lui reprocha d'avoir oublié " les vertus qui conviennent à son sexe " : on la guillotina. Féministe avant la lettre, elle doit avoir toute sa place dans la mémoire commune de la République. D'ici là, le chemin est encore long jusqu'à l'élection présidentielle. Cette campagne, je l'ai voulue participative. Mon équipe, ce sont aussi les internautes qui nous lisent ! J'invite donc toutes les femmes, et tous les hommes, à nous rejoindre sur mon site de campagne (www.desirsdavenir.org ) et à s'inscrire sur l'espace e-militants pour y participer ».