L’homme est prêt à faire face au changement politique
L’élection le 16 décembre 2010 de Xavier Beulin à la tête de la Fédération nationale des syndicats d’exploitations agricoles (FNSEA), confirmée le 21 avril 2011 avec l’élection d’un nouveau bureau (voir Le bureau de la FNSEA renouvelé), marque un tournant historique dans la vie du syndicat majoritaire des agriculteurs français. Voir Xavier Beulin élu à la tête de la FNSEA (Le Monde, 16 décembre 2010).
Pour la première fois, la FNSEA est présidée par un céréalier, proche des milieux industriels et financiers, par l’intermédiaire de Sofiprotéol - Sofiprotéol est l'acteur financier et industriel de la filière française des huiles et protéines végétales - qu’il préside.
Son prédécesseur, Jean-Michel Lemétayer - que j’ai connu quand il représentait les coopératives de l’ouest de la France auprès des établissements de formation agricole, et que j’ai revu depuis - est un bon représentant des agriculteurs modernisés dans les années 1980 qui ont pris des responsabilités dans les organisations professionnelles économiques (crédit, coopération, mutualité) et les collectivités locales (communes) avec le souci d’une bonne représentation du monde agricole dans les instances de décision économiques et politiques. C’est d’abord un homme de terrain qui cultive les mandats afin de peser politiquement. Catholique, centriste dont les affinités sont à droite (proche de Méhaignerie, breton d’Ille-et-Vilaine, comme lui), c’est un homme qui recherche les équilibres entre régions et entre productions (éleveurs et céréaliers) au sein de la profession et de son organisation syndicale majeure qu’est la FNSEA.
Xavier Beulin élu à la tête de la FNSEA (Actuagri, 16 décembre 2010) est agriculteur en EARL familiale à quatre sur une exploitation de céréales et d’oléoprotéagineux, et en production laitière près d’Orléans (Loiret). Âgé de 52 ans, il exerce de nombreuses responsabilités dans les structures professionnelles et l’agroalimentaire. Outre la première vice-présidence de la FNSEA et la présidence du Comité de coordination de la FNSEA, il préside la Fédération nationale des producteurs d’oléagineux et protéagineux depuis 1999 ainsi que Sofiprotéol, l’établissement financier de la filière des huiles et protéines végétales. Il est également président du conseil d’administration de FranceAgriMer depuis novembre 2009. Au niveau régional et départemental, il préside le Conseil économique et social de la région Centre et la Chambre d’agriculture du Loiret. Avant son élection à la FNSEA, Xavier Beulin a annoncé qu’il renoncerait à la plupart de ses responsabilités, à l’exception de Sofiproteol. Un exemple selon lui « pour mettre en œuvre, avec d’autres partenaires, nos ambitions ».
Dans Libération, le 17 mai 2011, Coralie Schaub brossait le portrait de Xavier Beulin, « le patron d’une PME (…) qui ne croit qu’en l’industriel ». Voir Agricultor!
Xavier Beulin en 7 dates : 19 décembre 1958: Naissance à Donnery (Loiret) ; 7 octobre 1976: Décès de son père, il reprend l’exploitation familiale ; 1985: Président des Jeunes agriculteurs du Loiret ; 2000: Président de Sofiprotéol ; 2001: Président du Conseil économique et social du Centre ; 2005: Premier vice-président de la FNSEA ; 16 décembre 2010: Président de la FNSEA.
Ayant analysé les rapports de force internationaux, l’agriculture soumise aux marchés et au libre-échange, dans le cadre de ses responsabilités de vice-président de la FNSEA, Xavier Beulin, élu président, veut créer les conditions pour que l’agriculture française (désormais devancée par l’Allemagne et les Pays-Bas) regagne des parts de compétitivité. Il veut aussi que les agriculteurs soient aux manettes dans les décisions industrielles qui concernent la valorisation des produits agricoles. Sofiprotéol est l’exemple qu’il met en avant.
L’agriculture de l’ouest de la France étant en pointe en matière de compétitivité, il a passé des alliances avec les syndicalistes bretons (éleveurs intensifs) et avec Christiane Lambert (Pays de la Loire) qui promeut « l’agriculture écologiquement intensive », prolongement de ce qu’elle appelait « l’agriculture raisonnée », le but étant de respecter certaines contraintes liées au respect de l’environnement, en relation avec les grandes entreprises qui entourent l’agriculture, sans s’aligner pour autant sur les demandes des écologistes.
Cette stratégie de conquête de la FNSEA inclut la prise de contrôle du mouvement coopératif, par l’intermédiaire du Haut conseil de la Coopération agricole. Il s’agit de faire face aux mouvements revendicatifs paysans (grèves des livraisons de lait en 2009 à l’initiative de l’Apli et de l’EMB au niveau européen, remise en cause de la FNSEA par les agriculteurs à la base) et aux organisations syndicales minoritaires (Coordination rurale, Confédération paysanne) dans la perspective des élections professionnelles dans les Chambres d’agriculture, qui auront lieu en janvier 2013.
Le président de la FNSEA sait qu’il n’est plus possible de s’arc-bouter sur des pratiques anti-démocratiques d’un autre âge, dénoncées dans le rapport Perruchot (voir Rapport Perruchot : la FNSEA était bien largement mise en accusation - Confédération paysanne, 20 février 2012).
Ce rapport du député centriste « épingle les méthodes de financement des organisations syndicales et patronales. Dans le secteur agricole, la FNSEA et sa section Jeunes Agriculteurs sont soupçonnés de profiter de leur domination » (L’avenir agricole, Antoine Humeau, 24 février 2012).
C’est pourquoi La FNSEA propose l'ouverture des interprofessions aux syndicats minoritaires (Ouest-France, 24 février 2012). Lors de son conseil d’administration le 23 février 2012, la FNSEA a accepté le principe de l’ouverture des interprofessions aux organisations minoritaires, mais représentatives.
Le nouveau président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), Thierry Rocquefeuil, élu le 5 avril à la tête d’un bureau dans lequel sont fort bien représentés les régions de l’ouest, a montré son ouverture à la discussion avec les représentants des syndicats minoritaires, à condition qu’ils fassent du syndicalisme, pas de la politique (Ouest-France, Marius Garrigue, 6 avril 2012).
Le secrétaire national de la Confédération paysanne, Gérard Durand, a réagi à cette ouverture « (…) Ce n’est pas le rôle d’un responsable syndical de définir les règles de représentativité des institutions, c’est du ressort des pouvoirs publics (…). Sans vouloir le dire, il fait de la politique en s’invitant dans le débat présidentiel » (L’avenir agricole, 23 mars 2012).
Xavier Beulin est très au fait de l’évolution des forces politiques. Il prépare les structures qu’il dirige à l’arrivée de la gauche en 2012 au pouvoir national. Il a su utiliser ses réseaux politiques pour faire évoluer la loi sur le Certificat d’obtention végétale.
Voir Agriculture : Le beau cadeau de noël de l'UMP au lobby semencier ? (Marianne2, 29 novembre 2011)
Loi sur le Certificat d'obtention végétale : l'UMP proche des semenciers - 14 décembre 2011
Le congrès de la FNSEA, premier syndicat agricole de France, qui s’est tenu à Montpellier, a mis en évidence la volonté de la nouvelle équipe dirigeante. Xavier Beulin (FNSEA) : « On s'est focalisé sur la PAC, pas assez sur nos produits (La Croix 27 mars 2012).
Ainsi, l’homme qui dirige, non seulement la FNSEA, mais les forces professionnelles agricoles dominantes, en relation avec l’industrie agroalimentaire, cherche à se placer dans un rapport de forces favorable vis-à-vis des prétendants au pouvoir politique national. Car il est bien décidé à poursuivre la cogestion de l’agriculture avec les pouvoirs publics.
Jeudi 29 mars dernier, 7 candidats à la Présidentielle ont défilé devant les acteurs du monde rural au Forum de Montpellier. Une première ! Plus de 1 500 participants et quelque 200 journalistes étaient réunis ce jour-là pour écouter les postulants à l’Elysée leur parler de compétitivité, d’emploi, de politique agricole commune et d’environnement. Voir Le grand oral des candidats à la Présidentielle 2012 devant le monde rural
Cet article est le 303ème publié sur ce blog dans la catégorie AGRICULTURE et PAC.