Rupture des élites avec le système financier
La rupture entre Obama et le système financier, symbolisé par la puissance de Wall Street, avance à grands pas. Le président américain ne peut pas l’éviter. Notre président français le sait. C’est pourquoi il est intervenu sur le même registre à Davos.
Il pourrait en résulter assez vite, comme le pense Jean-Pierre Chevènement, un appel d’air en France en faveur d’une politique de salut public, afin de sortir par le haut de la domination du capitalisme financier (Voir Le capitalisme financier, un objectif de combat pour rassembler le pays - 6 janvier 2010).
Obama face au système financier américain
Philippe Béchade, analyste financier, dans sa chronique du 25 janvier, intitulée Si Ben Bernanke dirigeait la Banque centrale chinoise, souligne l’imposture d’une hausse de la Bourse justifiée par la reprise économique. La réalité est bien différente. Il s’étonne que Barack Obama ait attendu si longtemps avant de passer à l’offensive (extrait de son texte publié par La Chronique Agora).
(…) Le président américain a réagi à ce qu'il a probablement interprété comme une trahison de certains milieux d'affaires. Personne ne doute que Scott Brown, le playboy républicain qui s'est emparé du fief démocrate du Massachusetts, a été activement soutenu par de gros intérêts financiers faisant la pluie et le beau temps à Wall Street. Brown a fait campagne contre le projet de réforme du système de santé -- c'est de notoriété publique. Mais il aussi joué sur la corde sensible des promesses de changement non tenues par le président depuis son investiture, il y a très exactement un an.
Sauf que... qui a systématiquement torpillé toutes les discussions visant à mieux réglementer le système financier américain et international (tant au niveau du Congrès américain que du G20) suite au krach de l'automne 2008 ?
Comment toutes les bonnes résolutions des sommets de Londres et de Washington concernant la transparence, les bonnes pratiques et la maîtrise du risque ont-elles pu rester lettre morte ? Nous n'avons relevé concrètement que quelques vagues menaces de sanctions symboliques frappant les évadés fiscaux -- des particuliers, jamais les "gros poissons" -- dont les noms pourraient être transmis par UBS. Cependant, un tribunal helvète vient de bloquer soudainement cette procédure suite au chantage exercé par le fisc américain.
Barack Obama n'a pas mâché pas ses mots jeudi soir. Il a dénoncé les groupes de pression qui oeuvrent presque au grand jour depuis des décennies -- aussi bien auprès des membres du Congrès US que des conseillers du président.
Les lobbys de l'armement et du pétrole avaient leur rond de serviette sur la colline du Capitole et à la Maison Blanche ; nul ne l'ignore plus depuis septembre 2001 (ou même avant). Ce sont les groupes bancaires qui ont pris le relais après l'enlisement militaire en Irak. Ils se sont ainsi offert une puissance économique équivalente à celle de la Fed avec l'explosion de l'activité de titrisation.
Ils avaient mis la main sur la plupart des manettes du pouvoir : Paulson était l'un des leurs, Timothy Geithner un de leurs obligés en tant que patron de la Fed de New York. Tout cela au moment où il a fallu traiter leur propre déconfiture... à leur profit exclusif et au détriment des contribuables" (…).
Pour lire la suite...
Le président français n’était pas en reste à Davos, le 27 janvier, comme Pierre Haski le note sur le site Rue89, ce même jour Sarkozy à Davos : beau discours, un peu « schizophrène »(extrait) :
(…) C'est, comme toujours, la limite du verbe présidentiel. Nicolas Sarkozy a entonné tous les registres, défendu toutes les positions depuis sa campagne électorale de 2007 et ses deux ans et demi d'exercice du pouvoir, qu'on ne sait plus quand il est lui-même, quand il est en posture électorale, quand il roule son auditoire dans la farine avec les mots de son speechwriter ? Pourtant, on aimerait croire qu'il y croit, tant son discours de Davos contient certaines remarques bienvenues :
· Quand il appelle à sortir de la « civilisation des experts » ;
· Quand il propose de « remettre l'économie au service de l'homme » ;
· Quand il met en garde contre la reprise des comportements financiers d'avant la crise ;
· Quand il dénonce les Etat membres de l'Organisation internationale du Travail qui n'en ont pas ratifié les règles sociales de base ;
· Quand il demande que le droit du travail, de l'environnement, de la santé, soit mis à égalité avec le droit du commerce ;
· Quand il dénonce la « spéculation financière » et les « manipulations monétaires » qui empêchent un commerce équitable.
Et surtout, quand il met en garde son auditoire qu'« il faudra compter avec les citoyens de nos pays », et que c'est « sain ». Ce n'est évidemment qu'un discours. Mais un discours prononcé à une tribune de choix, celle d'un Forum qui, par le passé, a incarné l'intégrisme libéral, et qui a sacrément perdu de son poids et de son influence à la faveur de la crise.
Intervenant quelques jours après le discours d'Obama sur les banques, qui a fait plonger les bourses mondiales et quelques heures avant le discours sur l'état de l'Union du même Obama, Nicolas Sarkozy ne pouvait pas être en reste, et sembler complaisant vis-à-vis des tenants du capitalisme mondial (…).
Après les classes populaires et moyennes, les classes supérieures s’en prennent aux banques.
Selon La Tribune, 28 janvier, Les élites n'ont pas pardonné aux banques
Effet insoupçonné de la crise, au sein des "leaders d'opinion" (décideurs, hauts revenus), la confiance accordée aux institutions financières continue de plonger... et celle accordée aux gouvernements remonte, selon le baromètre Trust Edelman (…). Inversement, la politique redore son blason, devenant une "valeur refuge".
Cet article est le 85ème paru sur ce blog dans la catégorie Capitalisme.