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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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15 mars 2013 5 15 /03 /mars /2013 22:42

Instruire, éduquer, préparer un avenir professionnel

 

L’examen du projet de loi pour la refondation de l’école de la République a commencé cette semaine à l’Assemblée nationale. Voir Refondation de l'école de la République : l'Assemblée débat et le Rapport qui a servi de base de réflexion aux députés.

 

Les principaux points du projet. Voir Projet de loi sur l'école (RTL INFO) 

 

60.000 postes promis par François Hollande
Le rapport annexé au projet de loi fixe l'objectif de 60.000 créations de postes sur le quinquennat, promis par François Hollande: 54.000 postes dans l'Education, 5.000 dans l'enseignement supérieur, 1.000 dans l'enseignement agricole. Près de la moitié, 27.000 postes, iront à la formation des enseignants. Le primaire aura 14.000 postes : 7.000 pour le "plus de maîtres que de classes", en particulier dans les Rased (réseaux d'aide aux enfants en difficulté), 3.000 pour l'accueil des moins de 3 ans, 4.000 pour améliorer "l'équité territoriale". Environ 80.000 postes ont été supprimés dans l'éducation entre 2007 et 2012. 
  
Le rétablissement de la formation des enseignants supprimée en 2010
Création des Ecoles supérieures du professorat et de l'éducation (Espé) pour la rentrée 2013, car "enseigner s'apprend", avec des compétences académiques mais aussi pédagogiques: il ne suffit pas d'avoir un master de maths pour enseigner la lecture ou accueillir un enfant handicapé... Entrée progressive dans le métier. 
  
Le fonds d'aide aux communes pour la réforme des rythmes scolaires
Sans aborder directement la question brûlante de la semaine de quatre jours et demi, qui relève d'un décret pris en janvier dernier, le projet de loi crée un fonds destiné à aider les communes pour leurs activités périscolaires jusqu'à 16H30. 

La maternelle redéfinie
Relance de la scolarisation des moins de 3 ans encouragée dans les secteurs d'éducation prioritaire, les secteurs ruraux isolés et les DOM-TOM, pour lutter contre l'échec scolaire. Les missions de la maternelle seront redéfinies pour la rentrée 2014, notamment pour stopper sa "primarisation", ou anticipation d'apprentissages de l'école élémentaire, car cette pression précoce met des enfants en difficulté. 
  
"Plus de maîtres que de classes" en primaire dans les zones défavorisées
Pour varier les pratiques pédagogiques afin de réduire l'échec. 
  
Une langue vivante obligatoire en CP
Pour améliorer les résultats "alarmants" en langues étrangères. 
  
Une réduction progressive du redoublement
Il coûte cher, son efficacité pédagogique "n'est pas probante". 
  
Un enseignement moral et civique
Pour promouvoir le respect de la personne, de ses origines, de ses différences et de l'égalité homme-femme. Les élèves apprendront l'hymne européen, en plus de l'hymne national. Les enseignants sont invités à intégrer les langues et cultures régionales dans leur enseignement. Le rapport annexé souhaite que la devise de la République et le drapeau tricolore soient apposés sur tous les établissements scolaires. 

Une ambition numérique
Création d'un Service public de l'enseignement numérique et de l'enseignement à distance, pour prolonger les enseignements, communiquer avec les familles, offrir des ressources pédagogiques aux enseignants ou permettre d'instruire à distance des élèves handicapés. Sensibilisation aux droits et aux devoirs induits par le numérique. Les collectivités seront responsables de la maintenance des équipements. 
  
Une orientation choisie
Parcours de découverte du monde économique et professionnel à partir de la rentrée 2015 dès la 6e, où le tronc commun doit être le plus long possible. 
  
Les programmes
Un Conseil supérieur des programmes réexaminera le socle des connaissances, des compétences, et désormais aussi de culture. Il doit devenir "le principe organisateur de l'enseignement obligatoire" (6 à 16 ans) et fera des propositions sur les épreuves du brevet et du baccalauréat.

 

Université d'été MRC Belfort 15 et 16 09 12 022 TL’intervention de Marie-Françoise Bechtel, députée MRC de l’Aisne (12 mars). Extrait.

Voir "La sélection des meilleurs par la promotion de tous"

 

Marie-Françoise Bechtel, au côté de Jean-Pierre Chevènement, à Belfort, lors de l'université d'été du MRC, en septembre 2012.

 
(…) Quelle est la situation actuelle ? S’il est vrai que de nombreux établissements scolaires fonctionnent bien dans notre pays, rappelons-le, chacun s’accorde pourtant à reconnaître que notre système est atteint par une double dégradation.

Tout d’abord, la panne du progrès scolaire, mesuré par le taux impressionnant d’échec dans le primaire – taux d’échec que le collège répercute sans d’ailleurs l’amplifier. C’est pourquoi vous avez pleinement raison, monsieur le ministre, de concentrer des moyens supplémentaires sur l’école primaire, qui est bien le maillon faible, ainsi que sur l’accueil des enfants dès l’âge de deux ans en maternelle, une initiative qui mérite d’être saluée.
Deuxième facteur de dégradation, l’école est aussi et simultanément atteinte par les maux de la société dont elle n’a pu être préservée par la nécessaire sanctuarisation. Ce rempart est souvent plus théorique que réel, notamment dans des zones où prévalent des comportements de violence, sans préjudice d’ailleurs de ce que l’on nomme aujourd’hui des « incivilités » et qui ne sont pas, loin s’en faut, le lot des seuls quartiers défavorisés.

Face à ce diagnostic, le Mouvement républicain et citoyen, très attaché à l’école comme vous le savez, approuve les trois orientations essentielles qui guident ce projet de loi. Il proposera certains amendements propres à renforcer cette inspiration qui ne va pas, lui semble-t-il, sans quelques contradictions – je pense par exemple au statut des langues régionales par rapport aux savoirs fondamentaux.

Nous approuvons d'abord l'idée que la mission essentielle de l’école est d’instruire, c’est-à-dire de transmettre les savoirs fondamentaux. Cet objectif, qui paraît de bon sens, n’est pas toujours allé de soi. Il faudra faire en sorte que les enseignants se l’approprient réellement à travers une conscience claire de cette mission première. Elle inclut que l’on sache inculquer le goût de l’effort et du travail, valeurs structurantes dont tous les élèves ont besoin.
Nous approuvons ensuite le deuxième objectif essentiel, celui d’éduquer ; l’éducation en effet ne se confond pas avec l’instruction. Si l’une et l’autre permettent l’élévation sociale, l’éducation est le complément indispensable de l’instruction en ce qu’elle développe, comme le dit très bien la loi, le jugement et la raison critique. Ce sont là – et c’est la caractéristique de notre tradition républicaine – les véritables piliers de la transmission des valeurs collectives.
Enfin, troisième objectif et non le moindre : permettre de construire un parcours professionnel. Il demande que soit trouvé le bon équilibre entre des filières pré-professionnalisantes et des filières généralistes, avec des passerelles entre elles, ainsi qu’à une bonne orientation, qui sache intervenir à temps. Dans ce cadre, le service public du numérique me semble particulièrement bienvenu.

Monsieur le ministre, si l’école a pour rôle de combattre les déterminismes sociaux, elle n’est pas comptable de tous les maux de la société. Ne lui demandons pas d’assumer à elle seule l’ensemble des politiques publiques, ce serait décourager les enseignants qui ont avant tout besoin d’objectifs clairs, accessibles et réalisables.
C’est à ce prix que vous pourrez les mobiliser. C’est à ce prix qu’ils retrouveront dans la société le respect qu’ils méritent. C’est à ce prix que nous pourrons enfin assumer le but qui a été donné à l’école républicaine par un grand savant : «
la sélection des meilleurs par la promotion de tous
».

 

Rappel : MRC : propositions de la Commission Education et de ses membres - 20 juin 2012 

 

Cet article est le 31ème paru sur ce blog dans la catégorie L'école.

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20 juin 2012 3 20 /06 /juin /2012 11:34

Les missions de l’école de la République sont à repréciser

 

Universite-d-ete-MRC-2010-034-T.jpgDiscrètement, le lendemain du 1er tour des élections législatives, le Mouvement Républicain et Citoyen a publié les contributions des membres de sa Commission Education et les positions et propositions de cette Commission, présidée par Estelle Folest, membre du secrétariat national.

 

Contributions de la Commission éducation 2011-2012

A la demande de Jean-Luc Laurent, président du Mouvement Républicain et Citoyen, une Commission éducation s'est réunie ces derniers mois, présidée par Estelle Folest, secrétaire nationale à l'éducation, l'enseignement supérieur et la recherche.
Voici les contributions de ses membres (11 juin 2012).

Quelle formation pour les enseignants ? Par Estelle Folest, Secrétaire nationale à l'éducation, l'enseignement supérieur et la recherche du MRC

La formation des enseignants est un enjeu fondamental pour relever le défi de l'éducation, pilier de la République. Entrée en vigueur en septembre 2010 sur fond d'autonomie des universités et de réforme du mode de recrutement des enseignants, la réforme dite de mastérisation n'est pas à la hauteur des ambitions affichées.

La réforme de la formation des enseignants Estelle Folest.pdf  (176.35 Ko)

La réforme du lycée Par Jean-Marie Duplaà, membre de la Commission éducation du MRC.

La réforme orchestrée par la droite est un pas supplémentaire vers la destitution de l'Ecole Républicaine. En 2008 Xavier Darcos (alors ministre de l'éducation nationale) et sept syndicats d'enseignants signent une feuille de route actant des « points de convergence » en vue d'une réforme du lycée. Dès 2009, plus rien ne converge.

La réforme du lycée J-M Duplaà.pdf (90.29 Ko)

Le collège unique: éléments de réflexion Par Serge Maupouet, membre de la Commission éducation du MRC.

Peut-on proposer une rénovation et une relance ambitieuses du collège unique qui fassent du collège un maillon fiable et fort du système éducatif, qui conservent l’objectif d’une démocratisation élevant le niveau général d’instruction tout en mettant en place l’organisation, les dispositifs, les moyens propres à atteindre cet objectif ?

Le collège unique - éléments de réflexion Serge Maupouet.pdf (71.19 Ko)

Rappel : Le collège mis en cause par les libéraux : réflexions de Serge Maupouet - 8 01 2012 

L'Ecole: lieu protégé Par Véronique Blanc-Blanchard, membre de la Commission éducation du MRC.

Depuis une trentaine d'années, la logique d'ouverture sur l'extérieur soumet l'école à toutes sortes de groupes de pression ; religieux, familiaux, ethniques, communautaires, médiatiques et bien sûr commerciaux. Assimilée, à tort, à un modèle réduit de société, elle devient le reflet du lieu et de l'époque. Le vocabulaire et les pratiques du marché, de la publicité, des médias, de la rue s'y introduisent chaque jour davantage, encouragés par les textes officiels.

L'ecole, lieu protégé Véronique Blanc-Blanchard.pdf (67.55 Ko)

De la présence des parents au sein de l'école de la République Par Jean-Louis Pierre, membre de la Commission éducation du MRC.

L’Ecole n’est pas un lieu comme un autre et les élèves ne sont pas de simples usagers venant recevoir des connaissances – des « informations » ?!- directement utilisables et monnayables. Pour la République, c’est un espace-temps consacré à l’étude pour former des citoyens libres et éclairés, disposant d’un recul permettant à la fois distance critique, autonomie et dépassement des réalités immédiates. L’École est une institution organique de la République.

Les parents à l'école J-L Pierre.pdf (99.57 Ko)

L'impact du libéralisme sur la politique éducative Par Annie Munier-Petit, membre de la Commission éducation du MRC.

Depuis les années 70, la recherche, l’enseignement et la conservation du patrimoine sont l’objet de réformes qui ne trouvent leur cohérence que dans un processus de destruction du savoir. Ces réformes résultent de choix politiques inspirés par le libéralisme économique avec pour ligne directrice la privatisation et le renforcement de la concurrence au sein du système éducatif.

L'impact du libéralisme sur la politique éducative Annie Munier-Petit.pdf (102.82 Ko)

Pour un renouveau pédagogique Par Estelle Folest, Secrétaire nationale à l'éducation, l'enseignement supérieur et la recherche du MRC.

Traditionnellement, les Républicains défendent la liberté pédagogique de l'enseignant, à savoir la liberté de choisir les moyens, les outils et la méthode qu'ils jugent les plus appropriés pour atteindre les objectifs fixés par les textes officiels. Attachée à la maîtrise des contenus disciplinaires, la sensibilité républicaine laisse ainsi de côté la question de la méthode pédagogique, jugée secondaire voire accessoire.

Pour un renouveau pédagogique Estelle Folest.pdf (119.71 Ko)

Positions et propositions du MRC

La mission de l'école : fonder la nation, la citoyenneté, contribuer au développement économique, social et humain du pays.
Le rôle de l'école est d'instruire et de transmettre des valeurs afin de former des citoyens éclairés et d'assurer la promotion sociale du plus grand nombre, de promouvoir le mérite et la sélection des meilleurs par la promotion de tous.
L'école de la République s'adresse à la raison des élèves qu'elle accueille et cherche à pousser chacun au plus haut de ses capacités
(…).

Le texte programmatique issu des travaux de la commission éducation est disponible ici ou ci-après :

 

Commission éducation 2011-2012: positions et propositions de programme

 

Cet article est le 30ème paru sur ce blog dans la catégorie L'école

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15 janvier 2012 7 15 /01 /janvier /2012 23:52

A travers l’école, une nouvelle vision de la société

 

Les enseignants se plaignent des changements de leur métier, en raison des politiques de plus en plus libérales mises en œuvre par la majorité de droite. Mais le pire est à craindre si le président sortant venait à être reconduit à la présidence de la République le 6 mai 2012.

 

Rappel : Education : l'autonomie et l'austérité généralisées, mélange détonant - 21 janvier 2011

 Ecole : ses valeurs se heurtent aux priorités du capitalisme financier - 27 septembre 2011

Le collège mis en cause par les libéraux : réflexions de Serge Maupouet - 8 janvier 2012 

 

Dans une Tribune parue le 15 janvier sur le site de Marianne, Pierre Chantelot et Francis Daspe analysent la déclaration du président lors de ses vœux à la communauté éducative le 5 janvier à Poitiers.

 

L'autonomie, la menace qui pèse sur le système éducatif

 

Depuis plus de quinze ans, un changement sans précédent du métier d’enseignant est à l’œuvre. Il résulte des préconisations libérales qui n’ont de cesse de démanteler le système public d’éducation pour le livrer sans vergogne aux appétits privés. Les vœux du président-candidat Sarkozy à la communauté éducative le 5 janvier 2012 à Poitiers témoignent d’une accélération fulgurante. Le triptyque autorité, autonomie et flexibilité est convié à cet effet.
 

Comme pour l’université avec la LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités), l’autonomie serait donc la solution idéale permettant de résoudre les problèmes pour tous et partout. Si le système éducatif fonctionne mal, c’est qu’il n’est pas assez autonome. L’autonomie ne doit pas être réduite à sa seule dimension budgétaire. C’est un processus permettant la mise sous coupe non seulement financière mais aussi intellectuelle de la sphère éducative et l’accroissement des inégalités avec une école à plusieurs vitesses. Après l’université, au tour des autres cycles de l’éducation nationale d’être pris comme cible.

La restauration de l’autorité des maîtres dans l’école publique passe pour Nicolas Sarkozy par la copie du modèle de l’école privée où ce sont les équipes dirigeantes qui choisissent leurs enseignants. Cette autonomie n’est ni plus ni moins qu’un chantage pervers envers la communauté éducative : elle doit obéir, sinon c’est la porte. C’est là clairement l’utilisation pernicieuse d’un mode managérial ouvrant la voie au règne des petits chefs.

+ d'autonomie = + d'inégalités

Plusieurs universités sont passées sous la tutelle du rectorat après avoir vu leurs budgets en déficit. C’est la réalité de la LRU et de l’autonomie. Pour les collèges et les lycées, l’autonomie se traduira par des changements destructeurs sans précédent.

Les plus riches établissements des centres-villes seront les gagnants de la mise en concurrence. Ils se développeront en attirant des enseignants qui accepteront toutes les conditions de travail : mise sous tutelle des pratiques et des contenus pédagogiques, modulations du service,  changement de la matière enseignée, etc. Dans le même temps, lycées et collèges des secteurs populaires verront partir leurs enseignants et leur budget, prélude pour certains d’entre eux à leur fermeture.

L’autonomie budgétaire va de pair avec le désengagement de l
'État ; elle constitue une entreprise de destruction des libertés pédagogiques et de démantèlement des cadres réglementaires, en terme de recrutement ou de diplômes. Le but est clair : casser tous les cadres nationaux qui garantissent le maintien de l’ambition d’égalité et démanteler par la même occasion les statuts des personnels.

Les enseignants exercent un métier d’intellectuel se situant au cœur de la construction des processus d’apprentissage. L’exigence d’un master 2 pour enseigner aurait pu signifier une volonté d’élévation du niveau disciplinaire et de qualification. Or ce fut un marché de dupe. La casse de la formation d’enseignants jetés, sans expérience, sur le terrain a mis un coup d’arrêt brutal aux rêves de nombreuses vocations.

La dévalorisation du métier d'enseignant

Le développement de l’émancipation intellectuelle doit être le garant de la conception de cours en toute liberté pédagogique. C’est pourquoi les contenus des masters d’enseignement doivent être en prise directe avec la recherche universitaire, posséder un contenu disciplinaire fort et une formation contextualisée indispensable à la mise en pratique de savoirs théoriques.

Mais c’est le contraire qui est visé : l’enseignant est progressivement amené, contre sa volonté, au rang de prestataire de service devant utiliser des mallettes pédagogiques toutes faites et vendues à prix d’or par des entreprises privées. L’avalanche des réformes au lycée conduit au final à déstabiliser les équipes pédagogiques et à casser le moral des enseignants. C’est un véritable travail de sape pour dévaloriser le métier d’enseignant.

A travers ce bouleversement radical du métier d’enseignant et des missions dévolues à l’école de la République, c’est une nouvelle vision de la société que la droite veut promouvoir. Une société fondée sur le renoncement, la concurrence et la marchandisation, aux antipodes de notre volonté de mettre au plan de nos préoccupations l’égalité, l’émancipation et « l’humain d’abord ».

 

Cet article est le 29ème paru sur ce blog dans la catégorie L'école.

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8 janvier 2012 7 08 /01 /janvier /2012 16:03

Faire du collège unique un maillon fort du système éducatif

 

L’enseignement pour Sarkozy, la jeunesse pour Hollande, seront parmi les priorités de leur programme présidentiel. Voir Le Monde, 5 janvier, Maryline Baumard, puis David Revault d’Allonnes.

 

L'enseignement selon M. Sarkozy : autorité, autonomie et flexibilité

Pour le collège, M. Sarkozy a rappelé qu'"il faut mettre fin aux faiblesses du collège unique tel que nous le connaissons aujourd'hui". Et précisé que l'heure est venue, selon lui, d'"assumer la diversité des parcours en quatrième-troisième".

"Il n'est pas normal que le collège actuel prépare exclusivement à l'enseignement général, et pas à la voie professionnelle : comment, dans ces conditions, cette dernière ne serait-elle pas vécue comme une voie de relégation ?", s'est-il interrogé. S'il n'a jamais été vraiment "unique", le collège pourrait voir ses parcours se diversifier encore, si M. Sarkozy obtient un nouveau mandat (…).

 

Sur l'éducation, Hollande accuse Sarkozy de défendre un "modèle libéral"

(…) Dans l'éducation nationale, (le bilan) est particulièrement lourd. Avoir supprimé 70 000 postes, découragé le personnel qui se dévoue pour l'éducation nationale, supprimé la formation initiale des enseignants, laissé l'échec scolaire progresser avec 150 000 jeunes sortant chaque année du système sans qualification, laissé la violence s'installer dans certains établissements... Ce bilan ne justifie pas un projet qui donne confiance."

La question de l'école s'annonce donc comme un sujet majeur de l'affrontement entre le président de la République et son challenger socialiste. "Il y a un beau débat qui s'ouvre", confirme ce dernier, qui présente ce face-à-face scolaire comme "un choix très clair" : "D'un côté, une éducation sur un modèle libéral, presque compétitif, avec moins d'enseignants et hiérarchisé autour des chefs d'établissement. De l'autre, un système qui se réforme et lutte contre l'échec scolaire."

 

MRC17 Surgères agriculture 080611 020 T1Cela me donne l’occasion de présenter le texte de réflexion concernant le collège unique, qui a été transmis en novembre 2011 à la commission école du Mouvement Républicain et Citoyen (MRC) par Serge Maupouet, professeur d’histoire au collège de Saintes, responsable MRC en Charente-Maritime (17).

 

Serge Maupouet, ici, au côté de Michel Sorin, lors de la réunion à Surgères le 8 juin 2011 - Voir Agriculture et alimentation : intervention de Michel Sorin à Surgères (17) - 27 juin 2011

 

A vrai dire, cette contribution militante sur le collège est la synthèse d’une longue étude (150 pages) que Serge a réalisée l’été 2011 - un vrai travail de recherche, intitulé :

 

  « Pour la relance du collège unique. Eléments de réflexion »

 

Il est temps de concevoir une rénovation et une relance ambitieuses du collège unique, concertées et acceptées car conçues pour le plus grand nombre, susceptibles d’être réellement efficaces, et parce que concertées, acceptées et efficaces, appelées à être pérennes.

 

Cette rénovation et cette relance ambitieuses ne doivent pas être présentées comme une sempiternelle réforme : ce terme n’est plus audible, après des années d’usure et de dévoiement ; toute réforme est désormais perçue au mieux comme un élément provisoire appelé à disparaître au premier changement ministériel, le nouveau ministre concoctant sa nouvelle et propre réforme, au pire comme une nouvelle tentative de casse du service public d’enseignement secondaire.

 

Dans un premier temps, la période récente s'est ainsi caractérisée par une sorte d'empilement de réformes continuelles du collège, lesquelles n'ont bien souvent pas fait sens. Dans un second temps, correspondant à la seconde moitié des années 2000, la notion de réforme n'a plus été utilisée pour présenter globalement et de manière cohérente les mutations profondes imposées au collège par les néo-libéraux; il s'est agi d'une réforme insidieuse, une réforme non-dite, ses promoteurs ayant préféré procéder par touches successives et multiples, mais bien inscrites dans une perspective ; ce procédé leur a permis de ne pas être confrontés à un mouvement de contestation de masse à l'image de celui qui a touché le lycée.

Pour autant, il convient de ne pas faire preuve du même cynisme que les gouvernements qui se sont succédés depuis 2002, mais bien au contraire il s'agit de présenter effectivement un autre projet, global et cohérent, pour le collège, sans user du terme rédhibitoire de réforme aujourd'hui assimilé à la casse du service public. Notre projet étant – à l'inverse de ce qui s'est fait dans la dernière décennie – de relancer le service public d'éducation au niveau du collège.

 

Peut-on proposer une rénovation et une relance ambitieuses du collège unique qui fassent du collège un maillon fiable et fort du système éducatif, qui conservent l’objectif d’une démocratisation élevant le niveau général d’instruction tout en mettant en place l’organisation, les dispositifs, les moyens propres à atteindre cet objectif ? A l’évidence, il faut répondre oui.

 

Répondre autrement serait d'une part renoncer à combattre les déterminismes sociaux, et d'autre part accepter un retour vers les filières, l’orientation précoce, le tri social. Répondre autrement serait encore renoncer à porter à son terme la « Troisième révolution scolaire », celle de l'accès de la grande majorité des jeunes à un baccalauréat de qualité – qualité largement amoindrie en l'état actuel des choses et qu'il faudra restaurer si l'on veut que le système éducatif retrouve sa crédibilité.

 

Un collège ambitieux doit se doter des moyens de faire parvenir plus d'élèves au lycée, avec un niveau permettant d'accéder à l'enseignement supérieur et de réussir leur parcours ultérieur. Il faut donner à tous les élèves l'instruction nécessaire afin que ceux qui suivent un autre chemin puissent accéder à une formation donnant une bonne qualification et devenir des citoyens accomplis. L'ambition ne doit pas se réduire, pour ces élèves, à simplement leur procurer une insertion professionnelle.

Le projet doit se démarquer nettement tant de celui de l'UMP – n'envoyer au lycée que les 50% d'élèves considérés comme aptes à suivre des études au lycée et dans le supérieur, dans une sorte de transposition au lycée de l'esprit de la filière I de la réforme Berthoin de 1959, et professionnaliser les autres au plus vite, ce qui nous ramène à la filière III de cette même réforme –, que de celui du PS. En effet, dans ce dernier, et même si les intentions ne puisent pas à la même source, on peut relever des artifices de rhétorique qui tempèrent seulement des orientations présentant cependant un certain nombre de parallélismes avec des objectifs poursuivis par les politiques libérales.

 

L'Ecole républicaine publique et laïque doit être confortée, contre le projet libéral pour l'Ecole qui prépare l'élève au marché et conditionne le savoir et sa transmission à la rentabilité économique. Le collège doit transmettre des connaissances, des repères, des valeurs, la culture républicaine, une approche de la culture universelle de l'Humanité, perpétuer un patrimoine commun. L'ambition de la Nation doit être dans le prolongement de celle souhaitée par le général de Gaulle dès les années 1960, et rappelée par Jean-Pierre Chevènement dans Le pari sur l'intelligence : élever le niveau général pour soutenir la compétition internationale. Non à l'école du socle, oui à une culture transmise de haut niveau, pour le plus grand nombre, en faisant en sorte que ce plus grand nombre englobe réellement l'ensemble d'une génération !

 

Ce n'est pas en tournant le collège vers le primaire – tentation partagée par l'UMP (au niveau des structures, des enseignants et des contenus) et le PS (au minimum au niveau des enseignants et des contenus) – qu'on résoudra les difficultés; mais c'est bien en redonnant d'abord tout son sens à l'enseignement élémentaire, puis en refondant un collège préparant correctement les élèves aux exigences d'un lycée débouchant sur un baccalauréat redevenu un diplôme de qualité et ouvrant les portes de l'enseignement supérieur. Le baccalauréat actuel est un succédané – sauf à obtenir une mention – et la réforme du lycée va aggraver la situation.

 

Il est aussi nécessaire de porter une réflexion approfondie sur l'état du collège en n'occultant pas le fait que le collège pour tous s'est construit très rapidement en devant satisfaire de manière quasi-concomitante à deux finalités différentes : être le cycle terminal minimal pour tous et devenir l'antichambre du lycée pour le plus grand nombre. Le collège est aujourd'hui une étape incontournable dans un parcours.

 

Toutefois, alors qu'il a été confronté à une forte croissance de ses effectifs, qu'il accueille désormais tous les jeunes et par conséquent des publics très diversifiés, les réductions de dispositifs et de moyens imposées dans une logique libérale l'ont considérablement simplifié, unicisé.

Le collège unique – héritier du projet progressiste d'Ecole unique de l'Entre deux Guerres –, dont la mise en place a marqué un moment majeur dans la concrétisation de la démocratisation du système scolaire, reste l'institution pivot de la grande réforme structurelle du système éducatif.

 

Toutefois, il n'a sans doute jamais véritablement disposé des moyens nécessaires au traitement efficace de la difficulté scolaire : des dispositifs adéquats ont pourtant été pensés dès l'origine, mais sans forcément être mis en oeuvre. Or, aujourd'hui, cette question centrale de la prise en compte efficace de la difficulté scolaire n'est plus traitée que par des emplâtres ou des dispositifs alibis reportant systématiquement la responsabilité d'un échec scolaire sur les jeunes ou les familles.

 

Les orientations actuelles conduisent peu ou prou à sortir dès 14 ans des jeunes en difficulté scolaire du système pour les mener vers l'apprentissage, alors même qu'il faut au contraire permettre à l'ensemble d'une classe d'âge d'arriver au niveau de la Troisième et du brevet ; cet objectif impose de remettre en place des parcours possibles plus variés et donc plus adaptés à la diversité des aptitudes mais menant à la Troisième et au brevet.

 

Parler d'aptitudes, c'est faire référence à une école tournée vers le progrès, renouer avec l'esprit du plan Langevin-Wallon ; c'est aussi volontairement ne pas parler des compétences qui renvoient clairement au monde de l'entreprise, et ce afin de se démarquer de l'école libérale et de son alter ego la formation tout au long de la vie ; c'est aussi ne pas évoquer la fausse question des goûts des élèves, car on sait très bien le poids des héritages familiaux et sociaux en ce domaine. C'est aussi prendre une autre voie que celle de la facilité et de la démagogie, voie qui consisterait à ne considérer le collège que comme un lieu de vie, où l'activité promue fin en soi et la sociabilisation prendraient le pas sur la connaissance.

 

Sur ce point, il serait utile de parvenir au dépassement de l'épuisante, clivante et réductrice querelle pédagogistes/républicains (réductrice car elle occulte le troisième intervenant, le libéralisme), de manière à mieux affronter le risque primordial : celui du collège néo-libéral. Ni exclusion précoce, ni abaissement du niveau : refus de toute dérive vers un renoncement à éduquer et à instruire, affirmation de l'éducabilité de tous, mais aussi refus de toute facilité, de toute tentation de se laisser glisser vers le moins-disant. Au contraire, volonté de prendre les problèmes à bras le corps et de les surmonter par un volontarisme assumé qui part du réel pour sa transformation.

 

Dans ce but, il faut proposer un collège plus varié, prenant en compte – enfin ! – la question sociale et son traitement (ce qui suppose des moyens en personnels qualifiés qui font aujourd'hui cruellement défaut), un collège qui donne un véritable cadre permettant le travail et l'acquisition des connaissances, valorisant l'effort, un collège qui porte l'ambition de conduire l'ensemble d'une classe d'âge en Troisième afin que le plus grand nombre puisse accéder au lycée, avec des connaissances solides, véritables et actées.

 

Voilà un projet républicain et progressiste, conforme aux besoins de la Nation.

 

Cet article est le 28ème paru sur ce blog dans la catégorie L'école.

 

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17 décembre 2011 6 17 /12 /décembre /2011 22:45

Où est la continuité du service public de l’éducation ?

 

Les militants de l’école publique, laïque et républicaine, ont adressé une Lettre ouverte aux candidats à l’élection présidentielle. Jean-Pierre Chevènement m’a demandé d’y répondre en relation avec Daniel Salé, responsable du Mouvement républicain et citoyen (MRC) en Maine-et-Loire.

 

Depuis longtemps, ces militants clament leur frustration devant l’absence de volonté des pouvoirs publics de faire leur devoir, rappelé dans le préambule de la Constitution : « L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'Etat ».

 

Car, dans les Mauges, la population rurale est dense (7 000 habitants à Beaupréau, chef-lieu d’un canton de 27 000 habitants). Pas d’enseignement public secondaire (collège, lycée). La Région a décidé de construire un lycée en 2015 à Beaupréau mais le Conseil Général de Maine-et-Loire refuse toujours de programmer la construction d'un collège public qui permettrait la continuité du service public d'éducation à Beaupréau, de la maternelle à la terminale.

 

Le Collectif pour la promotion de l’école publique dans les Mauges, l’association des parents d’élèves des écoles publiques de Beaupréau et le Collectif vigilance Laïcité du Maine-et-Loire n’ont pas l’intention de baisser les bras et d’attendre sans protester le bon vouloir du Conseil général.

 

Le 19 décembre, jour de l’ouverture de la session de fin d’année de l’Assemblée départementale, les trois organisations appellent à un rassemblement, à 9h30, devant la préfecture, puis elles feront une conférence de presse et poseront symboliquement la première pierre du collège de Beaupréau.

Daniel Salé y représentera Jean-Pierre Chevènement*, candidat à l’élection présidentielle, et le MRC. Il est évident que ce mouvement de protestation reçoit notre soutien car il s’agit d’être ferme sur le principe d’égalité, entre tous les enfants et entre tous les territoires. Voir "20 ans d’attaques contre l’École républicaine, ça suffit !" (MRC).

Voir aussi * "Je défends une école reposant sur les valeurs de savoir, d'effort, d'autorité des maîtres et les valeurs de la République" (Jean-Pierre Chevènement était l'invité du "Téléphone sonne" sur France Inter, mercredi 14 septembre 2011

Pour information :

Jacques Auxiette enclenche le processus de création d'un lycée à Beaupréau (49)le 11 juillet 2006. Il écrit sur son blog de président de la Région, le 30 janvier 2010 : Ni polémique, ni guerre scolaire mais le service public pour tous 

Nolwenn Le Blevennec signe un très bon article de Rue89, paru le 28 juin 2011 : Leurs collégiens et lycéens n'ont que le choix du privé.

 

Cet article est le 27ème paru sur ce blog dans la catégorie L'école

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27 septembre 2011 2 27 /09 /septembre /2011 18:40

Vingt ans d’attaques contre l’école républicaine !

 

Signe d'un profond malaise dans l'Education nationale, un front uni des syndicats du public et, fait exceptionnel, du privé, appelle à la grève pour dénoncer la "dégradation" de l'école, l'un des enjeux de la présidentielle de 2012 (site du Nouvel Observateur, 27 septembre).

« Les syndicats annoncent plus de 50% de grévistes pour cette journée de mobilisation qui rassemble exceptionnellement public et privéLes défilés contre les suppressions de postes dans l'Education nationale, à l'appel des syndicats du public et du privé, ont réuni mardi 27 septembre plus de 165.000 manifestants en France, dont "45.000 à Paris", selon une première estimation communiquée par l'intersyndicale (…). Près de 54% (53,75%) des enseignants du primaire et 50% de ceux du secondaire dans le public sont en grève, ont annoncé les syndicats de la FSU à la mi-journée ».

 

A Paris, les profs veulent «des élèves, pas des sardines» (Libération, 27 septembre)  

 

Rappel : Education : l'autonomie et l'austérité généralisées, mélange détonant - 21 janvier 2011 

Malaise de l'école publique : les explications de Jean-Claude Blanc - 23 avril 2011 

Ecole : la pire des rentrées (Marianne, tribune de François Cocq et Francis Daspe, 12 septembre 2011). François Cocq et Francis Daspe sont respectivement Secrétaire national à l’Education du Parti de Gauche et Secrétaire général de l’AGAUREPS-Prométhée (Association pour la Gauche Républicaine et Sociale – Prométhée). En s'appuyant sur plusieurs exemples, ils reviennent dans cette tribune sur les « conditions scandaleuses », disent-ils, dans lesquelles se déroulent la rentrée scolaire.

(…) Un point de non retour est véritablement atteint. Ça suffit comme ça ! L’Education nationale ne saurait être gérée comme une entreprise, au moindre coût. Disons le clairement : si nous considérons qu’il est bien plus stimulant de jeter les bases de la démocratisation scolaire, qui passe notamment par la mise en place d’une culture commune de haut niveau afin de garantir une école de la réussite de toutes et tous, la question des moyens ne peut désormais plus être secondaire.

Il est fini le temps où l’on pouvait se contenter de faire cesser l'hémorragie comme on l'entend trop souvent, y compris à gauche chez celles et ceux qui se cachent derrière le prétexte de la dette. L’urgence exige de rétablir tous les postes vandalisés par la Droite depuis 2007. Revenir sur l’inefficace baisse de la TVA dans la restauration suffirait à y parvenir pour ne citer que cet exemple. Il est heureux que des candidats à la primaire socialiste, qui jusqu’à hier disaient l’inverse, se rangent enfin à nos propositions en la matière. Ainsi, François Hollande déclarait dans l'Express du 5 avril 2011 qu'il ne reviendrait pas sur ces suppressions de postes ! Courage, camarades ! Il ne vous reste plus qu’à rompre avec une tendance consumériste et individualiste de votre vison de l’éducation et vous retrouverez la voie et le sens de l’intérêt général !

Que cette question des moyens soit aujourd’hui posée avec autant d’acuité est bien la preuve que la politique aveuglément dogmatique de suppressions de postes atteint désormais le système éducatif jusqu’à l’os. Pour l’Ecole de la République, il s’agit bien d’un quinquennat d’airain dont il faudra sortir rapidement.

"20 ans d’attaques contre l’École républicaine, ça suffit !" (MRC)

La somme investie dans chaque élève ne cesse d’augmenter (de 5700€ par an en 1991 à 8000€ en 2011) mais l’état de l’institution scolaire décline.

 

Les inégalités et les injustices augmentent.

Depuis les années 90, l’origine sociale conditionne de plus en plus l’échec ou la réussite des élèves, à l’inverse de la tendance observée durant les décennies antérieures. Écoles privées et cours particuliers ont le vent en poupe. Des quartiers sont abandonnés. De nombreux établissements n’y offrent pas la sérénité attendue : 5 % des collèges font 30 % des incidents enregistrés.

 

Le niveau général chute.

Aujourd’hui, parmi les élèves sortant de CM2, 40% ne sont pas en mesure de suivre une scolarité au collège dans de bonnes conditions. En lecture, 21% ne dépassent pas le niveau des 10% les plus faibles de la fin des années 1980. En calcul, le chiffre monte à 30%. Pour la même dictée effectuée, 46% commettent plus de 15 erreurs, contre 26% auparavant.

 

Les occasions d’instruire diminuent.

Le nombre d’heures disponibles pour l’enseignement recule. Le samedi disparaît. L’école devient toujours plus un mode de garde et toujours moins un lieu de formation du citoyen. 72% des enseignants éprouvent un malaise profond face à un travail qui perd son sens.

Parce que, malgré leur succès historique, les méthodes simples et efficaces de transmission du savoir sous l’autorité du maître sont délaissées. Quoi de mieux pour déstabiliser les enfants ?

Parce que, sous couvert de «personnalisation», individualistes, laxistes, communautaristes et libéraux font alliance contre l’encadrement et la discipline nécessaires. Quoi de mieux pour nuire à la sélection des meilleurs et à la promotion de chacun, suivant ses talents et ses mérites ?

Retrouver de l’ambition collective quant au niveau d’instruction générale, d’éveil républicain et d’intégration de tous les élèves. Redonner à chacun sécurité, énergie et goût de l’effort.

Être ferme sur le principe d’égalité, entre tous les enfants et entre tous les territoires. Lutter contre le développement d’un «marché parallèle» de l’éducation.

 

"Je défends une école reposant sur les valeurs de savoir, d'effort, d'autorité des maîtres et les valeurs de la République" (Jean-Pierre Chevènement était l'invité du "Téléphone sonne" sur France Inter, mercredi 14 septembre 2011). Verbatim express:

MRC national 002Il est évident que l'exemple de la vertu devrait venir d'en haut et qu'on ne peut que condamner ceux qui donnent le spectacle affligeant que nous voyons. Les sociétés humaines ont toujours été imparfaites. C'est à lutter contre ces imperfections que chacun doit s'attacher, qu'il s'agisse des responsables politiques qui ont reçu le mandat du peuple ou qu'il s'agisse des enseignants, qui ont aussi une tâche magnifique qui est de former le jugement des enfants, qui est de leur transmettre les connaissances.

 

Une école qui n'instruirait pas ne pourrait pas non plus éduquer. Il faut rétablir une juste hiérarchie : l'école doit d'abord instruire. En même temps, elle doit transmettre des valeurs. Les valeurs de l'école sont les valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité mais aussi laïcité, solidarité, et il faut mieux faire le lien entre l'éducation civique (...) et l'éducation morale. Et il me semble que le lien, c'est l'idée de citoyenneté. Je pense qu'il faut mieux faire le lien entre l'instruction et l'éducation, entre la République et ses valeurs, et puis la morale républicaine, qui quand même est une vieille chose.

 

Il y a une tension entre cette société dominée par le capitalisme financier et des écarts de plus en plus abyssaux entre les revenus et les patrimoines, et d'autre part les valeurs qu'affirme l'école. Il y a une contradiction motrice entre les valeurs que veut promouvoir l'école, qu'elle doit promouvoir, et ce que nous voyons dans la société. On devrait résorber cet écart. Est-ce qu'on le résorbe ? Évidemment, non.

Je ne critique pas le fait qu'on a réintroduit l'instruction civique et morale. C'est en soi une bonne chose.

 

Mais il faut que l'école s'arrête au seuil de la conscience de chaque enfant. On n'a pas à modeler les consciences. L'État éducateur doit former le jugement et il doit prendre quelques règles simples qui découlent de la citoyenneté, de l'intérêt général, du refus des intérêts particuliers et du refus surtout de l'hyper-individualisme libéral tel qu'on l'a vu se développer depuis une quarantaine d'années et qui mine l'école.

 

C'est refaire la République qui est important, et naturellement au cœur de la République à refaire, il y a l'école. J'ai assez de considération pour les enseignants pour penser qu'ils sauront maintenir cette instruction morale à l'abri de toute espèce de conditionnement, de moraline, d'activités moralisatrices. Je crois qu'on peut faire confiance aux enseignants.

 

Les valeurs communes sont les valeurs communes aux citoyens. Elles peuvent être bafouées dans la réalité : la crise sociale, le communautarisme, la contestation irrationnelle des valeurs collectives, tout ça ce sont des réalités, mais ça ne doit pas nous faire oublier ce que nous avons en commun en tant que citoyens français et il faut l'expliquer clairement.

 

L'éducation nationale est en panne en France, depuis 1995. On voit clairement que monsieur Chatel défend l'école comme une entreprise à laquelle il veut appliquer des recettes managériales, alors que je défends l'école comme institution de la République, reposant sur des valeurs qui sont : le savoir, l'effort, l'autorité des maîtres et les valeurs de la République, bien entendu. Ce sont deux conceptions différentes.

 

Il n'y a pas de contradiction entre, d'une part l'éducation au jugement critique, et d'autre part la reconnaissance d'un certain nombre de valeurs civiques, cela va de pair. Mais pour tout cela, pour éduquer à la liberté, l'école doit d'abord instruire, il faut le rappeler.

 

 Cet article est le 26ème paru sur ce blog dans la catégorie L'école.

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23 avril 2011 6 23 /04 /avril /2011 16:39

Le rôle de l’école : transmettre la culture universelle

 

Sur son blog L'arène nue puis sur le site de Marianne, hier (tribune L'école ne doit pas éduquer mais instruire), Coralie Delaume a donné la parole à son ancien professeur de philosophie, Jean-Claude Blanc, afin qu’il apporte sa contribution à la réflexion sur l’école.

Rappel : Jean-Claude Blanc et sa compagne, Véronique Blanc-Blanchard, étaient intervenus lors de l’université d’été du MRC à Valence, le 5 septembre 2010 :

Université d'été MRC à Valence : petit déjeuner thématique sur l'école - 12 septembre 2010

Ecole : contribution de Véronique Blanc-Blanchard (MRC) à Valence - 26 septembre 2010 

L'école ne doit pas éduquer mais instruire

En interrogeant son ancien professeur de philosophie*, Coralie Delaume se penche sur un sujet brûlant : le malaise de l'école qui, selon son interlocuteur, est autant le fait de la gauche, qui en transformant l'école en lieu ouvert lui à fait perdre son caractère protégé, que de la droite, qui a provoqué un véritable manque de moyens.

Universite-d-ete-MRC-2010-028-T.jpg*Jean-Claude Blanc est professeur agrégé de philosophie. Particulièrement soucieux des questions de laïcité et du devenir le l’école publique, il donne régulièrement des conférences dans le Sud de la France. Ayant gardé un excellent souvenir de celui qui fut mon « prof de philo » en terminale, je suis allée à sa rencontre pour le questionner sur le « malaise de l’école publique ».


Il est de plus en plus fréquent d’entendre dire que «l’école va mal». Pensez vous que cela soit le fait des réformes récentes entreprises sous le règne de Sarkozy et par la main de ses ministres successifs ?

Je ne le pense pas. Car s’il est vrai que l’école va mal, il me semble qu’on peut faire remonter cela à 25 ans environ. Or il y a eu des alternances politiques sur cette période. Force est donc de constater que nous sommes là face à un problème politique singulier qui fait fi du clivage droite/gauche. Et les réformes entreprises tant par la gauche que par la droite depuis des années, loin de s’annuler, se sont complétées.
Quand la gauche était au pouvoir, elle s’est
beaucoup inspirée des prétendues « sciences de l’éducation ». Les mesures décidées par Jospin ou par Allègre, et qui avaient pour objet de «mettre l’élève au centre de l’école» et de faire de celle-ci un « lieu de vie » ouvert et non plus un lieu fermé, protégé, de transmission des savoirs, ont parfaitement préparé le terrain aux réformes décidées aujourd’hui par la droite libérale, et qui sont responsables, pour la première fois depuis bien longtemps, de l’apparition d’un véritable manque de moyens.

Pour la première fois depuis bien longtemps ? Vous voulez dire que le manque de moyens si souvent dénoncé par les syndicats est un phénomène récent ?

Bien sûr ! Alors que la question porte depuis longtemps déjà sur la question des fins, les syndicats s’arc-boutent sur celle des moyens. Mais savez-vous qu’il y a seulement cinq ans, la France était le pays d’Europe qui, après la Suède, consacrait la plus grosse somme à chaque élève, et ce du primaire au lycée ?
Hélas, cela n’est plus vrai aujourd’hui. Comme le rappelle Claire Mazeron, de nombreuses coupes sombres ont désormais fait passer la France au plus bas niveau européen pour son taux d’encadrement des élèves. Cependant l’apparition du phénomène, même rapide, demeure récente.

Ainsi donc nous aurions un problème de définition des fins, qui serait bien antérieur à celui de l’allocation des moyens. Pourtant, en termes de fins, l’idée d’une « école ouverte », ayant pour mot d’ordre « l’élève au centre » semble plutôt une idée généreuse !

En effet, cela a l’apparence du progressisme. D’un progressisme qui s’opposerait à « la nostalgie des blouses grises ». Mais ces slogans apparemment sympathiques sont un leurre. Ils témoignent d’un oubli des caractéristiques mêmes de l’école, qui me semblent être au nombre de deux. Tout d’abord, l’école est un lieu particulier, un espace/temps unique et singulier. Ensuite, elle a une mission particulière, qui est celle d’instruire.

En quoi ce cadre espace-temps représenté par l’école est il si particulier ? En quoi est-il différent, par exemple, d’un autre cadre de travail ? L’élève passe huit heures par jours à l’école, le salarié passe huit heures par jour dans son entreprise. La différence est-elle si grande ?

Fondamentale ! Au contraire du monde de l’entreprise, l’école représente ce temps unique où l’on se détourne de l’utilitaire pour se consacrer uniquement à se « faire soi-même ». Ceci remonte à la notion latine de « schola » : c’est l’idée d’un temps où les contraintes ordinaires de la vie sont suspendues, et pendant lequel, en se dépouillant de tout souci relatif à « l’avoir », on va pouvoir cultiver son « être », sa propre humanité. Or si dans l’Antiquité seuls quelques privilégiés pouvaient prétendre à un tel « loisir », les penseurs révolutionnaires ont décrété que chacun devait pouvoir en disposer, que tout enfant était à la fois candidat à l’humanité (laquelle se conquiert, se mérite), et candidat à la citoyenneté. Toute la préoccupation des philosophes de la Révolution était de parvenir à transformer de sujets en citoyens, capables de penser le bien public, l’intérêt général. « Il faut que la raison devienne populaire » disait Condorcet. Par la suite, la troisième République a institutionnalisé cette école publique, en la voulant obligatoire et gratuite, comme nous le savons. Mais cette institution, dès lors, devra sans cesse être défendue, ne serait-ce que parce que la « société civile » n’aura de cesse de vouloir assujettir l’école à ses demandes particulières. Il faut sans cesse rappeler, par exemple, que les règles de l’école ne sont pas celles de la famille. Car l’enfant n’y est plus seulement un enfant, il y est un élève. A l’école, on ne se préoccupe plus du confort et de l’affection pour l’enfant. On s’adresse à la raison de l’élève. Le rapport maître/élève n’est d’ailleurs pas un rapport affectif : on ne demande pas à un professeur d’être « sympa ». On lui demande d’être exigeant et juste. Et également exigeant avec tous, d’ailleurs. Car à l’école, l’élève se trouve « un » parmi des égaux. Comme le disait Jacques Muglioni, « à l’école, il n’y a pas d’étrangers ».

Ceci n’explique pas pourquoi l’idée « d’école ouverte » vous apparaît si incongrue…

« Eloge des frontières », dirait Debray…Tout d’abord, il apparaît essentiel que l’école soit un lieu fermé à l’air du temps et à la mode. Il est urgent de mettre un terme à cette « école supermarché » singeant le monde de l’entreprise, mettant les établissements en concurrence, proposant une « offre de culture », et donnant le choix aux parents d’accepter ou de refuser un redoublement au motif que « le client est roi ».
Pour que l’école demeure ce lieu sanctuarisé de la transmission du savoir, il me semble évident qu’il faut la rendre hermétique au tumulte du monde et de la rue. Ne serait-ce que par ce qu’elle est ouverte sur tout autre chose : sur la vie de l’esprit, sur la culture, sur les grandes œuvres de l’humanité !


Une nécessaire fermeture à l’ordinaire, pour une meilleure ouverture « vers le haut », en somme…Vous disiez également que l’école à pour mission d’instruire. N’est-ce pas là un truisme ?

Pas si l’on considère la différence entre « instruction » et « éducation ». L’éducation me semble renvoyer plutôt à la transmission d’un modèle préexistant, de conventions sociales : les convenances, la politesse…Ainsi, l’éducation est plutôt du ressort de la famille. Celle-ci y ajoute d’ailleurs ses propres préférences, ses croyances, les usages en vigueur dans sa « communauté ». L’instruction quant à elle, est un enseignement raisonné et détaché des modèles et des déterminismes sociaux.  Elle n’assène pas, mais elle transmet des savoirs raisonnés… (…)

 

A quoi imputez vous cette crise de l’école qui ne serait pas seulement liée, selon vous, à un problème de moyens ?

A l’affrontement de deux camps, sans aucun consensus possible, sur la question des fins. Ainsi que je vous le disais, ces deux camps ne recoupent d’ailleurs pas du tout le clivage droite/gauche. Je considère que le premier camp regroupe tous ceux qui sont attachés à l’école de Condorcet et…de Jules Ferry.
On les moque souvent en les traitant « d’archaïques », la suspicion d’anachronisme étant devenue absolument disqualifiante. Avec un « ringard », il n’est même plus utile de dialoguer. Pourtant, les tenants de ce camp sont attachés à une conception de l’école qui essaye de tirer tout le monde vers le haut. Même en sachant que tout le monde n’obtiendra pas un succès équivalent, on cherche à obtenir de chacun le meilleur. Cela s’appelle «l’élitisme républicain».
Il est vrai que le terme même « d’élitisme » est suspect aujourd’hui. Mais c’est justement parce que l’on a oublié de quoi il s’agit vraiment ! Brighelli le rappelle dans son ouvrage Tireurs d’élites : l’élitisme républicain, loin de glorifier les élites de fortune ou de naissance, a pour objet de leur substituer d’autres élites : celles qui se fabriquent à force de talent, et surtout de travail. De telle sorte que, loin de s’opposer à l’idée d’égalité, elle permet la réalisation de cette égalité. En effet, ici, le plus humble est censé pourvoir accéder aux plus hautes fonctions à force de travail, et par le seul fait de son mérite.


Il ne s’agit ni plus ni moins que de la thématique de l’égalité des chances…

Exact. Rien à voir, évidemment, avec l’égalitarisme de nos jours, qui conduit non pas à une élévation de chacun, mais à un passage de tous à la toise, et qui, loin de plaider pour une démocratisation du savoir, glorifie sa massification, au prix d’une baisse générale du niveau. C’est d’ailleurs ce que semblent promouvoir les tenants de mon « deuxième camp », celui des « modernistes ».
Pour ces derniers, d’obédience libertaire, il faut rejeter l’élitisme sous prétexte qu’il contraint. Toute contrainte est en effet bannie au motif qu’elle entraverait la liberté, le désir, la spontanéité de l’enfant. Et même sa créativité, puisque l’élève est sommé de découvrir seul comment on « apprend à apprendre », au lieu d’être guidé pour apprendre tout court.
Ce camp des libertaires ne recule d’ailleurs pas devant la mauvaise foi : on s’attaque à la personne même de Jules Ferry, au motif qu’il était « colonialiste ». Peu importe que cela soit hors sujet. On discrédite ces petites sanctions que sont les notes ou les classements, en les présentant comme des violences d’un autre âge, auxquelles il conviendrait d’ajouter les cours magistraux, dénoncés comme « frontaux ». On va même jusqu’à jouer sur les deux sens du mot « maître », en feignant d’assimiler le maître qui enseigne et celui qui exploite….

 

Pensez vous qu’il existe aujourd’hui une solution pour réconcilier ces deux camps ?

Peut-être, à force d’arguments, pourra-t-on un jour revenir à un accord sur la notion de « culture », sur ce qu’elle peut avoir d’universel, et sur la mission faite à l’école : transmettre LA culture en faisant fi DES cultures.
Il y faudra sans doute du temps, tant l’acception sociologique du terme et l’exaltation DES cultures a pris le dessus, faisant le lit du relativisme culturel. Il est pourtant vrai qu’il existe des cultures. Lévi-Strauss nous a appris cela. Mais faut-il en conclure pour autant que tout est équivalent ? Qu’une recette de cuisine exotique vaut une pièce de Racine ? Faut il sacraliser toutes les traditions ? Faut-il sombrer dans un scepticisme niveleur qui sera bientôt nihilisme, car après tout, si « tout se vaut », rien ne vaut vraiment !
Pour ma part, j’opte plutôt vers une redécouverte de la notion d’universel, et je fais le pari qu’il existe bel est bien UNE culture, composée d’œuvres qui dépassent le temps et le lieu ou elles sont nées, et qui ont vocation à parler à tous. A cette culture, bien évidemment, chaque culture particulière peut apporter sa pierre. Picasso s’intéressant aux sculptures africaines et nous révélant ce qu’on appellera ensuite « l’art nègre » nous montre cette voie.
Mais ces œuvres de l’esprit on cela de commun qu’elles s’adressent non pas à chaque homme en tant qu’être singulier, mais à chaque homme en tant qu’il fait partie d’une seule et même « condition humaine ». C’est le contraire même de cette idée qu’il existerait DES cultures irréductibles, imperméables les unes aux autres, qui finalement n’auraient vocation qu’à s’opposer. Car à trop vouloir faire l’éloge des différences, on finit un jour par nier le fondement même de tout humanisme : cette idée que l’humanité est « une ». C’est ainsi qu’avec la meilleure conscience du monde, on prépare la barbarie.

 

Voir sur le blog de Coralie Delaume A l'école, moins d'éducation, plus d'instruction

 

Cet article est le 25ème paru sur ce blog dans la catégorie L'école.

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21 janvier 2011 5 21 /01 /janvier /2011 23:03

L’autonomie néolibérale détruit l’Ecole de la République

Le 21 décembre 2010, le président de la République a réuni les présidents d’université, dont les établissements sont passés à l’autonomie en 2009 et 2010 (voir l’article de Philippe Jacqué, Le Monde, 22 décembre : Nicolas Sarkozy face aux inquiétudes des présidents d'université).
(…) "Nous lui avons dit qu'il fallait continuer les efforts, explique Louis Vogel, le tout nouveau président de la Conférence des présidents d'université. Pour l'instant, nous sommes au milieu du gué. Il faut poursuivre l'augmentation du budget des universités, car l'autonomie a un coût ! Nous n'avons pas assez de moyens et de personnels formés pour gérer nos ressources humaines ou notre budget."
"Nous faisons face à une baisse très importante des moyens alloués par les collectivités territoriales", ajoute Albert Marouani, président de Nice. Alors que les universités ne connaissent pas encore leur dotation financière de l'Etat pour l'année 2011, elles sont de plus en plus inquiètes, car les premiers bilans budgétaires des deux premières années d'autonomie sont assez mitigés, comme le prédisaient les opposants à cette loi (…).

Plusieurs universités appliquent la "rigueur", d'autres ont dû piocher dans leur fond de roulement ou leurs réserves pour boucler leur budget, tandis que l'Etat a dû voter une rallonge d'une trentaine de millions d'euros pour combler une mauvaise prévision de l'évolution des charges des personnels des universités autonomes (…).

 

L’autonomie généralisée ?

L’autonomie de l’université (loi LRU du 10 août 2007) ne représentait que le galop d’essai : ce sont maintenant le primaire et le secondaire qui sont dans la ligne de mire ! Dans une tribune publiée sur le site Marianne2 le 16 janvier 2011, les responsables de l’association AGAUREPS-Prométhée, François Cocq et Francis Daspe ont réagi en soulignant que l’autonomie est un concept néolibéral Voici leur texte.


Education : l'autonomie se situe au coeur même de l'idéologie néolibérale

 

A l’image des médecins du Malade imaginaire de Molière préconisant la saignée pour tout remède, les Diafoirus du système éducatif crient dans un réflexe pavlovien « Autonomie ! » dès que l’on parle Ecole. L’autonomie de l’université promue par la loi LRU du 10 août 2007 ne représentait que le galop d’essai : ce sont maintenant le primaire et le secondaire qui sont dans la ligne de mire !

Le 12 janvier, Christian Nique, en charge d’une première évaluation de six mois du dispositif CLAIR (collèges et lycées pour l’innovation, l’ambition et la réussite) mis en œuvre dans 105 établissements, s’est ainsi empressé d’annoncer la généralisation de celui-ci à 249 collèges et 1725 écoles pour la prochaine rentrée.

Au programme : recrutement des enseignants « sur profil », contrat d’objectif pour l’établissement, pluridisciplinarité pour les professeurs, mutualisation des enseignants entre le primaire et le privé, latitude laissée dans la DHG (dotation horaire globale) pour aménager le temps scolaire et les enseignements eux-mêmes ! Soyons clairs justement : cette manœuvre ne vise rien moins que lancer à grande échelle l’autonomie des établissements. Avec tout ce qu’elle porte en elle comme atteintes à l’Ecole de la République.

L’autonomie signifie d’abord mise en concurrence des établissements scolaires, en parfaite cohérence avec la suppression de la carte scolaire : la liberté d’inscrire ses enfants dans l’établissement de son choix sera dès lors reconnue aux parents. Perspective totalement illusoire, car la logique de cette disposition aboutira nécessairement à une inversion radicale : ce seront in fine les établissements (une partie de ceux bénéficiant initialement d’avantages comparatifs) qui choisiront leurs élèves, tandis que les autres en seront réduits à accueillir les élèves non désirés ou pour qui il sera trop difficile de s’extraire de leur enracinement territorial ou de leur appartenance sociale. Dans le même temps, force est de constater les avantages toujours plus nombreux concédés à l’enseignement privé (à 95% confessionnel) qui se prépare à s’attaquer avec voracité à ce grand marché des établissements qui lui est offert sur un plateau.

La volonté d’octroyer des pouvoirs accrus aux chefs d’établissements vise quant à elle à les transformer en chefs d’entreprise, notamment en matière de gestion des personnels et du déroulement de leurs carrières. Tout cela au mépris des statuts comme le confirme la récente sortie de Christian Jacob. La possibilité de recruter et de mettre à pied les personnels viendrait couronner le nouvel édifice au nom du tropisme d’une gestion managériale parée de toutes les vertus.

Le renforcement de l’autonomie favorise également l’ingérence des pouvoirs locaux et des intérêts privés (élus, chefs d’entreprise et notables de tous ordres) dans le fonctionnement de l’Ecole. C’est aller à rebours d’une évolution séculaire : l’institution scolaire s’est construite par une mise à distance salutaire de toute forme de pressions d’ordre consumériste et des agissements clientélistes de féodalités locales. Mise à distance qui signifiait la prise en considération prioritaire de l’intérêt général au détriment des revendications particularistes et privées que ces intrusions induisent de fait.

Les incidences dans le domaine pédagogique ne sont pas moindres. Le but recherché est le démantèlement du cadre national qui structure jusqu’à présent notre système éducatif, et ce en dépit des entorses qui lui ont été faites au cours des dernières années : programmes et examens nationaux, modalités de recrutement des enseignants. La réussite à un concours accorde aux professeurs un statut protecteur indispensable à un exercice empreint de sérénité de leurs fonctions. C’est précisément ce statut, qui est la garantie du service public et donc de l’intérêt général, que l’on cherche à rogner méthodiquement par tous les moyens.

Se dessine un nouveau mode de gestion fondé sur la généralisation de la contractualisation, dont dépendrait l’allocation des moyens mis à disposition des établissements. Ces moyens seraient fonction de la réalisation de contrats d’objectifs déterminés de gré à gré avec les autorités hiérarchiques en contrepartie d’une obligation de résultats. Les effets pervers attendus ne sont pas très difficiles à décrypter. Le système favorisera par effet cumulatif les établissements les mieux lotis qui seront en capacité d’atteindre aisément leurs objectifs, offrant par ce biais le cadre idéal à une contractualisation à double vitesse.

Pour y remédier, la tentation sera grande aux établissements en difficulté (ou tout simplement et de manière plus prosaïque à la recherche de financements supplémentaires) de promouvoir une réussite factice au prix d’un abaissement des exigences et des ambitions. Une fois de plus la regrettable confusion entre démocratisation et massification sera opérée, les aspects comptables quantitatifs l’emportant par nécessité sur les préoccupations qualitatives de l’enseignement dispensé. L’autonomie n’est surtout pas une mesure neutre. Elle n’est pas à confondre avec la liberté pédagogique qui existe déjà et donne bien des possibilités d’action pour qui veut l’utiliser à bon escient.

L’autonomie se situe au cœur même de l’idéologie néolibérale. Elle génère de manière quasi mécanique le corollaire du libéralisme : un accroissement significatif des inégalités instaurant une « école à deux vitesses ». Dénonçons le vrai visage de l’autonomie, redoutable miroir aux alouettes à la fois moyen et finalité de l’entreprise de destruction de l’Ecole de la République. Elle n’est pas la solution, mais bien une cause et un symptôme du problème.

 

Cet article est le 24ème paru sur ce blog dans la catégorie L'école.

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30 novembre 2010 2 30 /11 /novembre /2010 23:52

Un parachutage parisien mal préparé par l’administration

 

Un groupe de 14 adolescents de Seine-Saint-Denis, arrivés en novembre dans un collège en Mayenne, dans le cadre de la rééducation scolaire, personne n’en aurait parlé dans la presse s’il n’y avait eu cette bagarre entre eux et des élèves du collège Volney, situé juste à côté (voir Chatel : l'incident de Craon «justifie» les établissements de réinsertion).

 

Jusqu’à présent, Craon (Mayenne) était une petite ville d’un grand calme (voir Bienvenue sur le site de la ville de Craon), célèbre par Le château de Craon et par l’Hippodromeet les courses de chevaux.

 

Cette ville était celle d’un ancien maire, le docteur Faligant, qui était l’assistant de ma mère à ma naissance à la maternité de l’hôpital de Craon. Il était aussi l’oncle de Marie-Louise, épouse de Robert Buron qui a été une personnalité politique, parachutée de Paris pour les élections législatives de 1945, devenue très influente en Mayenne et au niveau national.

 

Lu dans la presse

 

De la cité à la Mayenne : « Ces gosses ne sont pas méchants » (Rue89, Zineb Dryef, 30 novembre)

Plongée dans l'ERS de Craon, établissement pour élèves difficiles, où une bagarre entre collégiens a été exploitée par le FN.  

 

Etablissement de réinsertion scolaire de Craon : sortie de crise (l'étudiant, 17 novembre)

 

Après la bagarre qui avait éclaté entre les élèves de l'ERS (Établissement de réinsertion scolaire) et ceux du collège Volney de Craon (Mayenne), les enseignants avaient exercé leur droit de retrait et les parents ne souhaitaient plus y envoyer leurs enfants. Leurs revendications pour le maintien de l’ERS dans de meilleures conditions, ont été entendues. L’ambition est désormais d’en faire réellement un établissement de « réinsertion scolaire ».

 

Réinsertion scolaire : Luc Chatel corrige sa copie (Ouest-France, 23 novembre)

Pas question, pour le ministre, de fermer les nouveaux Établissements de réinsertion scolaire, les ERS. Ils accueillent des collégiens perturbateurs. Aujourd'hui, c'est l'opération dernière chance...

 

Cet article est le 23ème paru sur ce blog dans la catégorie L'école.

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26 septembre 2010 7 26 /09 /septembre /2010 16:41

Une école publique exigeante qui transmet des savoirs

 

A la suite de la publication du compte rendu de la table ronde sur l’école (voir Université d'été MRC à Valence : petit déjeuner thématique sur l'école - 12 septembre 2010), Véronique Blanc-Blanchard (MRC, Drôme), auteur de la première intervention, m’a adressé son texte que je publie volontiers, car il complète le résumé que j’ai fait de son intervention. J’invite celles et ceux qui le souhaitent à donner leur avis sur ce qui a été dit à Valence par les trois intervenants (photo, de gauche à droite), Véronique, Claire Mazeron et Jean-Claude Blanc.  

           Université d'été MRC 2010 027 TVéronique Blanc-Blanchard, professeur des écoles, préfère le mot « institutrice », parce qu’il signifie « instituer l’homme dans l’enfant ».

           Elle explique que pour défendre efficacement l’école, il ne suffit pas de la défendre comme institution. Il faut aussi la défendre comme concept.

          La dette de l’école à l’égard de la République est double : la 3ème république a inventé l’école comme institution, mais avant, avec Condorcet, la Révolution Française, en avait forgé le concept.

           Pour Condorcet, la finalité de l’école c’est la liberté, mais il n’y a pas de liberté possible sans instruction. Si l’école a pour fin la liberté, alors tous les individus doivent être instruits. Il s’ensuit la nécessité de créer une instruction publique qui consistera en une transmission raisonnée des savoirs. Conséquence : l’école doit être un lieu protégé des bruits du monde, où les savoirs pourront se déployer selon un ordre rationnel.

           Or, les réformes menées ces trente dernières années par des gouvernements de droite et souvent de gauche ont attaqué l’école à la fois comme institution et comme concept en détruisant ce paradigme républicain.

            Certes, la gauche a toujours défendu l’école comme institution en dénonçant la suppression des postes d’enseignants, en réclamant l’assignation des fonds publics à la seule école publique. Mais cela n’est pas suffisant.

Dans les années 80 : clivage au sein de la gauche, entre « pédagogistes » et « anti-pédagogistes », le pédagogisme désignant la position de ceux qui, tout en défendant l’école comme institution, voulaient la réformer c'est-à-dire changer de paradigme. Au paradigme républicain supposé ringard, accusé trop hâtivement d’être élitiste, on voulait substituer paradigme pédagogiste, jugé lui plus adapté à l’élève et au monde moderne. Résultat paradoxal : en refusant l’élitisme républicain du travail et du mérite personnel, on a rétabli l’élitisme de la naissance et de la fortune.

Quelques caractéristiques du pédagogisme :

 Un des moments forts de ce processus de destruction : 1989, loi Jospin, loi d’orientation sur l’éducation, création des IUFM sous l’influence des « sciences de l’éducation » :

-          Survalorisation de la didactique qui conduit à  faire passer le contenu de l’enseignement au 2ème plan. Au lieu d’apprendre, on « apprend à apprendre ».

-          Constructivisme : l’élève doit être acteur de ses propres apprentissages, ce qui le condamne à errer, et l’invite à…deviner !

-          Décomposition des apprentissages en micro-objectifs portant largement sur des « savoir-faire », des « savoir-être ». Rationalisme instrumentaliste aux antipodes de la raison humaniste. Conséquence : rupture de la chaîne des savoirs constitutive de l’humanité.

-          Ouverture de l’école aux parents, aux marchands…

Donc, trois renversements opérés par le « pédagogisme » :

-          La finalité de l’école n’est plus la liberté (qui suppose maîtrise des savoirs et usage critique de la raison) mais l’entretien de la spontanéité de l’enfant et l’adaptation au monde social.

-          Son objet est moins l’instruction que la transmission de valeurs, l’acquisition de « savoir-être ».

-          Son lieu naturel n’est plus la classe, mais tout ce qui existe « hors les murs ».

La droite néolibérale s’est engouffrée dans la brèche : elle a compris que pour affaiblir l’école, il ne suffisait pas de l’attaquer comme institution en supprimant des postes…il fallait aussi l’attaquer comme concept, dans le but de liquider le paradigme républicain. Ex : alliance Darcos/Meirieu (chef de file des « pédagogistes ») pour justifier la suppression du redoublement.

 

Conclusion : pour être défendue efficacement, l’école publique doit être défendue comme institution et comme concept. La gauche doit aujourd’hui clarifier le modèle qu’elle veut défendre pour l’école publique et rompre avec l’idéologie pédagogiste. La revendication des moyens restera stérile si l’on poursuit la destruction du paradigme républicain des Lumières. Il faut donc revenir à celui-ci, c'est-à-dire à l’idéal d’une instruction forte dévolue à la transmission de savoirs exigeants et à une école sourde aux pressions venant de la société civile.

Bref, pour combattre le néolibéralisme, il faut se ranger derrière Condorcet.

 

Cet article est le 22ème paru sur ce blog dans la catégorie L'école.

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