En commun, une certaine idée de la République …
Sur le blog de Jean-Pierre Chevènement, nombreux sont les internautes favorables à un rapprochement MRC-Debout la République, en vue des élections européennes de juin 2009 (voir Jean-Pierre Chevènement invité de France Info lundi 22 septembre à 12h15, commentaire 11, notamment).
J’ai moi-même avancé l’idée d’une alliance républicaine, comparable à l’alliance écologique que Les Verts ont décidé de promouvoir.
Le Mouvement Républicain et Citoyen n’a pas pris position jusqu’à présent sur les élections européennes. Rien n’interdit d’y réfléchir. A cet égard, l’entretien réalisé par le journal en ligne « Riposte laïque » auprès de Nicolas Dupont-Aignan est fort intéressant (Christine Tasin, 23 septembre 2008).
Le maire de Yerres (91), député de l’Essonne et président de Debout la République, présente clairement ses idées, qui s’éloignent radicalement de celles de la majorité actuelle, en particulier sur l’Europe.
Le texte est trop long pour être reproduit en entier ici. J’en ai extrait trois questions : son itinéraire politique, ses convergences avec Jean-Pierre Chevènement et sa position sur l’Europe.
Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout La République
Riposte Laïque : Nicolas Dupont-Aignan, vous êtes le Président de Debout la République, club que vous avez fondé en 1999, alors rattaché au RPR et que vous avez transformé en parti politique indépendant en 2007. Pourriez-vous expliquer à nos lecteurs pourquoi vous l’avez fondé et pourquoi vous avez quitté l’UMP le 13 janvier 2007 ?
Nicolas DUPONT-AIGNAN : J’ai créé Debout la République en 1999 avec quelques élus du RPR lors de la ratification parlementaire du traité d’Amsterdam, que nous avions combattue ensemble : à cette époque, déjà, il m’avait paru inadmissible d’approuver un pareil traité sans l’approbation directe du suffrage universel, ce qui est hélas devenu depuis un grand classique de la politique européenne des gouvernements de gauche comme de droite.
Ce faisant, nous voulions mettre en garde contre le danger majeur que fait peser la dérive européenne sur la République française, qui pour nous n’est pas un simple symbole ni un habillage incantatoire, mais une exigence morale et politique bien réelle. Au-delà, il nous apparaissait nécessaire de taper du poing sur la table au sein d’un RPR dont la ligne gaulliste - nationale et républicaine - semblait de moins en moins assurée.
La suite, la création de l’UMP où ce qu’il restait de gaullisme s’est dilué dans une droite d’affaire conservatrice et euro-atlantique, ne nous a malheureusement pas donné tort. J’observe d’ailleurs que l’année 1999 a vu le basculement irrémédiable du RPR dans l’européisme béat et cynique : souvenez-vous, Philippe Séguin avait démissionné en pleine campagne européenne parce que le numéro 2 du mouvement, à l’époque Nicolas Sarkozy, avait négocié dans son dos le ralliement du RPR à la charte fédéraliste du PPE, le parti de droite du Parlement européen.
Du fait de mon opposition au traité d’Amsterdam, par souci de cohérence et pour conserver une entière liberté de parole, j’avais à l’époque démissionné de mes fonctions de Secrétaire national chargé des fédérations au RPR. C’est un peu la même chose qui s’est produite en janvier 2007, lorsque j’ai rendu ma carte de l’UMP : voulant promouvoir des convictions qui ne le seraient décidément pas par le candidat de l’UMP, je m’étais résolu à présenter ma candidature à l’élection présidentielle et donc à larguer les amarres. De toute façon, aucune démocratie interne n’avait jamais vu le jour au sein de l’UMP, contrairement aux promesses initiales : pas de courants internes (les fameux « mouvements ») et des élections sans vote personnalisé lors de la désignation, par exemple, du président du parti. Vu l’état de l’UMP aujourd’hui, vous vous imaginez bien que je n’ai aucun regret de l’avoir quitté.
(…) Riposte Laïque : En 2001, vous avez participé à une Tribune du Figaro avec Jean-Pierre Chevènement intitulée : La République est morte, vive la République. Il serait intéressant que nos lecteurs comprennent ce qui peut unir les républicains de gauche et de droite, "les républicains des deux rives".
NDA : Les convergences que j’ai avec Jean-Pierre Chevènement sont en effet nombreuses, plus nombreuses en tout cas que les divergences. Chacun de notre côté, nous travaillons à la réinvention d’une idée nationale assise sur l’Etat qui nous paraît indispensable au redressement du pays.
Sur l’Europe, la politique étrangère, la vocation de la France dans le monde, la définition de la démocratie et de la République, je n’ai pas le sentiment que nos visions soient très éloignées. Mais aussi sur l’action et la place de l’Etat dans la société française, son économie, ses services régaliens, même si bien sûr nous ne saurions tout envisager exactement de la même manière compte tenu des différences que je que viens de mentionner.
Je ne veux pas non plus m’exprimer à sa place et il vous faudrait également lui poser la question, voire organiser un entretien croisé pour en avoir le cœur vraiment net ! Mais pour ma part, ce ne sera pas une bien grande surprise, je ressens bien plus de proximité avec lui qu’avec les libéraux de l’UMP (comme du PS, d’ailleurs). Face au raidissement politique et idéologique de ce qu’il faut bien appeler le condominium du PS et de l’UMP sur la vie politique nationale, je ne serais d’ailleurs pas surpris qu’une recomposition unissant les fameux « républicains des deux rives » finisse par voir le jour. Peut-être par étape, par exemple lors des prochaines élections européennes ? L’avenir le dira…
(…) Riposte Laïque : En 2009 auront lieu les élections européennes. Faire campagne pour une autre Europe a-t-il encore du sens quand on voit comment toute remise en cause est rendue impossible par le système ou bien ne vaudrait-il pas mieux carrément appeler à sortir de l’Europe ?
NDA : Depuis 2005, nous avons changé d’ère historique, une nouvelle génération d’Européens est en train de naître pour qui l’opposition européistes / souverainistes est complètement dépassée. Désormais, n’en déplaise aux autistes de Bruxelles, la normalité et la modernité ont changé de camp ! Notre campagne sera tournée vers la construction de cet avenir, pas vers les querelles du passé. L’immense majorité des Français demeure favorable à l’Europe, mais (et c’est la nouveauté depuis 2005) une Europe qui soit enfin utile.
Ils veulent donc, sans toujours le savoir, une Europe à la fois démocratique, efficace et indépendante de toute sujétion extérieure. Pour rétablir la démocratie, il faudra bien rendre des compétences aux nations et remettre à leur place les organes supranationaux qui décident de tout sans aucune légitimité. L’efficacité commande, elle, de privilégier une « Europe à la carte » où aucun pays ne peut empêcher les autres d’avancer mais n’est pas non plus obligé de faire ce qu’il ne veut pas.
Enfin, il est indispensable de bâtir patiemment des solidarités concrètes entre nations européennes, qui renforceront le sentiment d’appartenance commune, constitueront peu à peu des intérêts communs, bref permettront qu’émerge une identité européenne propre qui ne pourra alors que s’affirmer face aux autres puissances. Je suis convaincu que le « protectionnisme européen » est le meilleur instrument pour y parvenir, car le protectionnisme oblige à la définition d’intérêts communs en même temps qu’il permet de constituer une aire protégée sans laquelle il est impossible de construire quoi que ce soit de sérieux et de positif. C’est cette Europe-là que je défendrai lors des élections européennes de juin 2009.