Les inégalités de patrimoine plus marquées que les inégalités de revenu
Le 5 juin, l'Insee a présenté à la presse sa livraison 2018 sur « Les revenus et le patrimoine des ménages ». Cette publication fait le point sur les inégalités et la pauvreté, avec un recul historique de plusieurs dizaines d'années. Il inclut quatre dossiers ainsi intitulés :
- Les très hauts revenus en 2015 : 1 % de la population perçoit 7 % des revenus et 30 % des revenus du patrimoine déclarés.
- Ce que coûte un jeune adulte à ses parents.
- Achat d’une résidence principale : entre 2004 et 2015, la crise est passée par là.
- Des transmissions de patrimoine plus fréquentes mais de montants plus faibles en France que dans les autres grands pays de la zone euro.
Voir Les revenus et le patrimoine des ménages - Insee
Alain Gély, ancien administrateur de l’Insee, a commenté cette publication. En voici des extraits.
Selon l'Insee, les inégalités restent stables alors qu'elles ont augmenté dans la majorité des autres pays de l’Union européenne (UE). Par ailleurs, 14,2 % de la population vit sous le seuil de pauvreté monétaire, soit près de 9 millions de personnes.
De 1970 à 1990, le taux de pauvreté s’était fortement réduit sous l’effet notamment d’une meilleure situation relative des retraités. Le taux de pauvreté de ces derniers a diminué de plus de moitié grâce à l’amélioration des retraites et au minimum vieillesse. Parallèlement, la pauvreté des actifs (hors indépendants) augmente d'un tiers, en partie du fait de la hausse du chômage.
Le fait marquant concerne surtout le développement de la pauvreté des familles monoparentales, dont les membres vivent sous le seuil de pauvreté dans près d’un tiers des cas. Les différences entre catégories socioprofessionnelles se sont maintenues, même si la situation des agriculteurs exploitants, les plus touchés par la pauvreté, s’est améliorée et celle des artisans, commerçants et chefs d’entreprise, dégradée.
En 2015, le niveau de vie médian des personnes vivant dans un ménage de France métropolitaine est de 20 300 euros, soit 1 692 euros par mois. Au total, le niveau de vie médian en 2015 est inférieur à celui de 2008.
Du point de vue de la configuration familiale, la pauvreté a changé de visage depuis 1996. Le taux de pauvreté des couples avec trois enfants ou plus a diminué de quatre points sur la période, tandis que celui des familles monoparentales (dont les personnes de référence sont le plus souvent des femmes) a crû de 5,4 points. En 2015, 2,1 millions de personnes pauvres vivent en famille monoparentale, soit 980 000 personnes de plus qu'en 1996
Il est confirmé que les inégalités de patrimoine sont beaucoup plus marquées que les inégalités de revenus. D'une part, ces inégalités de patrimoine sont globalement moins affectées par les impôts que les revenus (et cela ne va pas s'arranger au vu des mesures fiscales récemment décidées en France !). De plus, les inégalités de patrimoine contribuent puissamment à l'accentuation des inégalités de revenus, à cause des revenus de la propriété et de l'entreprise. Ces inégalités de revenus et de patrimoine se transmettent aux jeunes générations bien avant l'héritage (aide aux études puis à l'entrée dans la vie active, donations pour accéder à la propriété)
La concentration des revenus du patrimoine, et plus encore des plus-values de cessions de valeurs mobilières, indique que la spéculation demeure une source majeure de revenus. Du moins pour les détenteurs de gros patrimoines financiers qui sont mieux informés et mieux en mesure de peser directement ou indirectement sur le cours des actions que le petit ou moyen boursicoteur. La valeur ajoutée, créée dans l'économie par le travail est ainsi détournée et captée par les grands détenteurs de capitaux.
En indiquant que les revenus de plus aisés sont très dispersés : de 106 210 euros à près de 200 fois plus, l'Insee révèle indirectement que les plus hauts revenus (ou du moins ceux qui sont déclarés au fisc !) se situent aux alentours de 20 millions d'euros annuels par UC. C'est assez logique si on considère qu'il suffit à un « simple milliardaire » de rentabiliser son capital à hauteur de 2% pour générer un revenu de 20 millions d'euros. Et, on le sait, il existe des multimilliardaires (dès avant l'arrivée d'Emmanuel Macron à la présidence)...
L'action redistributive des collectivités publiques (impôts, cotisations et prestations sociales, auxquelles il faudrait ajouter les services publics, notamment d'éducation et de santé) limite un peu les inégalités. Jusqu'à présent du moins, en France...
Cf la publication annuelle France Portrait social qui montre notamment qu'en écornant un peu l'épargne des ménages aisés, les diverses prestations sociales permettent de tripler le revenu des plus modestes et de les porter ainsi à proximité du seuil de pauvreté.
Outre ses effets sociaux de limitation de la misère, cette redistribution contribue au maintien de la consommation et donc de l'activité, puisque ces ménages dépensent la quasi-totalité de leurs revenus.
Commentaires transmis précédemment par Alain Gély :
- (MRC, 27 février 2017) : Résumé de l'enquête Insee sur les conditions de logement en France
- (CiViQ, 18 déc. 2016) : Commentaires de la note de conjoncture de l'Insee - décembre 2016
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