Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
Jean-Pierre Chevènement : le problème n'est pas la Grèce, il est celui de l'euro
La Fondation Res Publica * proposait lundi 13 avril un colloque sur le thème L'euro est-il soutenable ? Le nouveau test de la Grèce. Avec la participation de :
- Jean-Michel Quatrepoint, membre du Conseil scientifique de la Fondation, journaliste économique, auteur de "Le Choc des Empires" (le débat Gallimard ; mars 2014)
- Olivier Delorme, écrivain et historien, ancien maître de conférences à Sciences Po, auteur de « La Grèce et les Balkans, du Vème siècle à nos jours » (Folio Gallimard, 2013, 3 tomes)
- Thanos Contargyris, dirigeant de Dialogos Ltd, Attac Grèce
- Dominique Garabiol, professeur associé à Paris 8, membre du Conseil scientifique de la Fondation
- et Jean-Pierre Chevènement, président de la Fondation Res Publica.
Rappel (31 mars 2015) : La Grèce est un test de la validité de l'euro et des solutions possibles
* Voir Présentation de la Fondation Res Publica
Voici des extraits des interventions de Jean-Michel Quatrepoint, de Dominique Garabiol et de Jean-Pierre Chevènement. Pour prendre connaissance de l'ensemble des interventions lors de ce colloque, consulter les Actes qui seront publiés par la Fondation dans quelques semaines.
- Jean-Michel Quatrepoint constate que l'Union européenne a mis en place un système de nœud coulant appliqué à la Grèce (réformes souhaitées par Berlin et Bruxelles contre financements par la BCE et le FMI). Avec Syriza, la donne a changé. C'est devenu une question politique. La crainte de l'UE est la contagion à d'autres pays européens. Elle n'admet qu'une seule politique possible, la sienne.
La Grèce a surestimé l'influence des socialistes français dans l'UE (or, l'Europe est allemande). Et elle a refusé d'utiliser la sortie de la zone euro comme force de dissuasion. Ses marges de manœuvre sont réduites. Elle a besoin de consolider ses dettes, en les transformant en prêts remboursables dans deux ou trois ans. La Russie ne fera pas ces financements, même si elle peut aider autrement. La Chine pourrait le faire. Après la réussite de la Banque asiatique d'investissement qu'elle vient de créer, elle pourrait avoir l'idée de lancer une banque de développement pour faciliter les investissements en Europe. Ce serait un excellent ballon d'oxygène pour les grecs.
- Dominique Garabiol observe qu'avant le traité de Maastricht, l'Europe fonctionnait de manière confédérale (respect des intérêts de chaque pays membre). Maintenant, elle accepte qu'il y ait des perdants. Le problème, c'est comment les gérer ? Selon Mundel et les « zones monétaires optimales » (qui ne sont pas optimales pour tous), les perdants doivent être socialement gérés. Cela suppose la mobilité des travailleurs. Dans la réalité, en France, il a fallu 100 ans pour gérer les zones déstabilisées (exemple, les zones rurales). Au niveau de l'Europe, les conditions ne sont pas remplies actuellement.
L'Allemagne tient les cordons de la bourse, en étant le seul pays créditeur. Mais elle n'a pas conscience de partager un destin commun avec les autres membres de la zone euro. La force politique monétaire est considérable. Une même politique aura des effets expansionnistes pour les économies fortes et des effets récessionnistes pour les économies faibles. Les salaires augmentent là où ils sont les plus élevés, ils baissent là où ils sont les plus bas. C'est ainsi que l'Allemagne s'est enrichie quand la Grèce et l'Espagne se sont appauvries. La dévaluation interne a pour conséquence la baisse des revenus, pas des dettes. Les débiteurs s'appauvrissent alors que les créanciers s'enrichissent, ce qui est violent en terme d'impact social. La Grèce et l'Espagne ont des taux d'endettement plus élevés qu'en 2011.
En abaissant les taux d'intérêt jusqu'à 0 %, la Banque centrale européenne achète du temps mais laisse l'endettement s'accroître. On avance de crise en crise, sans trouver de solution, jusqu'à ce que la situation soit intenable. L'Allemagne voit arriver l'Espagne et Podemos derrière la Grèce et Syriza.
Il existe une alternative à une sortie de la zone euro. C'est la monnaie commune avec des monnaies internes au niveau national, seulement convertibles en euro, et un taux d'intérêt par pays. Il faut introduire de la flexibilité. Les monnaies internes pourraient être gérées au niveau européen. Le mécanisme existe, sans qu'il soit nécessaire d'établir le contrôle des changes (même si, dans le cas de la Grèce, elle aurait dû le faire pour limiter la fuite des capitaux).
L'euro n'est pas la monnaie européenne, c'est la monnaie de chaque pays. Si un pays sort de l'euro, ses créances sont converties en monnaie nationale, elle ne restent pas en euros.
Le cas de la Grèce est particulier, la dette grecque (les titres) ayant été remplacée par des prêts des institutions européennes. L'objectif de l'UE est de dissuader tout pays de sortir de l'euro. Elle veut pénaliser le pays qui sort. Mais le niveau de dette n'est pas tenable. C'est difficile d'admettre qu'il faut renoncer à une partie de la dette, ce qui a été fait pour l'Allemagne en 1953 (ce précédent a été mis en avant par la Grèce). L'Allemagne et la France ne peuvent rembourser leurs dettes. Pour la France, il est impossible de payer plus que les intérêts de la dette. Chaque remboursement de capital est suivi d'une nouvelle dette.
Il y a toujours une solution financière possible. S'il n'y a pas d'accord, il y a défaut. Après la Grèce, il y aura l'Espagne, l'Italie et la France (dont la dette va bientôt atteindre 100 % du PIB). L'adoption d'une monnaie commune serait une facilité pour la Grèce, qui n'aurait plus d'engagement européen. Il est compréhensible qu'elle ne veuille pas sortir de l'euro, mais on ne voit pas les solutions proposées par les grecs. La BCE tient le nœud gordien qu'elle a installé. A la demande de l'Allemagne, en cas de difficulté politique majeure pour elle, ou de sa propre initiative, elle peut dire stop.
- Jean-Pierre Chevènement observe que les Etats n'ont pas d'amis. Il y a deux moyens de venir à bout d'un pays : par les armes ou par la dette.
Le problème n'est pas la Grèce, c'est celui de l'euro et de son péché originel lié à l'hétérogénéité des pays de la zone euro.
L'euro, c'est le consensus des détenteurs d'actifs, même en Grèce. Mais c'est un problème pour les pays de sud de l'Europe, y compris la France.
L'Allemagne est le pays central, au coeur de l'Europe. C'est une trop grande puissance pour ne pas vouloir dominer l'Europe mais ce n'est pas une assez grande puissance pour y parvenir. Les allemands se considèrent meilleurs que les autres (ce qui les amène à se moquer des pays du club med puis des PIGS…). En fait, depuis très longtemps, leur industrie se situe sur des créneaux haut de gamme, ce qui lui donne des avantages compétitifs. Le SPD était le parti des créanciers, il est maintenant celui des contribuables.
La monnaie unique est entrée en contradiction avec la démocratie. On veut mettre le couvercle sur une Europe néolibérale. Cela ne peut pas durer. On approche de la zone des tempêtes car il va falloir trancher le nœud gordien. Dans son histoire, la France a fait 15 fois défaut. La dernière fois, c'était en 1797, avec l'affaire des assignats. La dette perpétuelle est une solution parce qu'il faut gagner du temps. L'Allemagne aurait une bonne idée en sortant de la zone euro mais elle ne le fera pas.
La solution, c'est d'introduire la monnaie commune, de la flexibilité pour desserrer le nœud coulant.
Cet article est le 198ème paru sur ce blog dans la catégorie CHEVENEMENT