Le rassemblement des républicains face au capitalisme néolibéral
Je lis attentivement les interventions de Jean-Pierre Chevènement dans la presse et je l'ai vu s'exprimer lors du Conseil national du Mouvement Républicain et Citoyen (MRC) le 12 avril. Il multiplie les signes de sa détermination à initier une transmission de son idée de la République.
« Tout n'est donc peut-être pas perdu si nous savons bâtir une alternative républicaine pour en finir avec le néolibéralisme ».
C'est la conclusion de l'entretien qu'il a accordé à Marianne le 17 avril (propos recueillis par Alexis Lacroix). Voir "Pour être fier d'être français, il faudrait déjà avoir de la mémoire". Extrait.
Rien ne sera possible tant qu'on ne rebattra pas les cartes de la construction européenne. Le cadenassage européen par des textes néolibéraux à valeur quasi constitutionnelle (Acte unique, Maastricht, Lisbonne) nous prive de notre liberté d'action. L'européisme, en renvoyant la France a un passé dépassé, sape l'estime de nous-mêmes sans laquelle notre peuple, pas plus que tout autre, ne pourrait continuer son histoire.
Contre cette tendance à l'amnésie généralisée, contre toutes les doctrines de la désappartenance et de la table rase, nous devons renouer avec la longue durée de notre histoire et travailler à sa transmission active.
La redécouverte du politique, si elle a lieu, sera la résultante des chocs inévitables qui nous attendent. Avant 1940, Aragon « conchi[ait] l'armée française », mais après le traumatisme de l'occupation nazie, il célébrait « [s]a France »'. Tout n'est donc peut-être pas perdu si nous savons bâtir une alternative républicaine pour en finir avec le néolibéralisme.
Cette volonté de favoriser le rassemblement des républicains (au sens de Jaurès , qui disait « La République est un grand acte de confiance ») n'est pas nouvelle - Voir le Discours de Vincennes le 9 septembre 2001 - mais elle est aiguisée par la confirmation que la droite et la gauche conduisent des politiques économiques européennes également désastreuses.
C'est donc une démarche de type Conseil National de la Résistance que Jean-Pierre Chevènement préconise. Le commentaire du discours prononcé par Charles de Gaulle à Bayeux est significatif à cet égard. Voir cette intervention au Théâtre de Cergy (Val-d'Oise) le 8 avril 2015 : Commentaire du discours de Bayeux. Extraits.
(…) Les nations existent donc encore. La question est de savoir si la France peut encore avoir les moyens d’exister. L’Europe, c’est aussi un rapport de forces au sein du tandem France/Allemagne. Alors que dans l’Europe à six, la France jouait le premier rôle, l’Allemagne étant divisée, dans l’Europe à 28, l’Allemagne a une place centrale à la fois pour des raisons géographiques, géopolitiques, économiques, industrielles et politiques. Toutefois, la faiblesse de la France est un élément de déséquilibre de la construction européenne et constitue donc un problème très grave pour l’avenir de l’Europe toute entière (...).
Il faut analyser l’état des pays, établir un diagnostic et comprendre leur projet. Quel est le projet de l’Allemagne ? Les Allemands exportent de plus en plus hors de l’UE, vers la Russie, la Chine, l’Inde, mais surtout vers les Etats-Unis. Cela explique beaucoup de choses par rapport au Traité Transatlantique. Les grands groupes allemands y sont en effet favorables car il leur permettrait de créer des plateformes à bas coûts à la frontière des Etats-Unis et du Mexique. Mais ce n’est peut-être pas dans l’intérêt de tous les Allemands de favoriser une politique qui va aboutir à la délocalisation de grandes unités de production aujourd’hui allemandes. Que va-t-il rester de la politique allemande dite du Standort Deutschland ? Parce qu’il y a des visions contradictoires dans la stratégie mondiale. La stratégie du capitalisme avancée avec le néo libéralisme a consisté à délocaliser une grande partie des unités de production vers les pays à bas coûts, tout en maintenant la centralisation des dividendes. Le capital ne reste pas dans les pays où il est investi, il revient. Mais en même temps, au bout de 20 ans, on s’aperçoit que la balance commerciale américaine est déficitaire de 500 à 600 milliards de dollars dont 200 par rapport à la Chine. M. Obama s’attache aujourd’hui à poursuivre une stratégie de relocalisation industrielle. Les systèmes économiques ne sont pas gouvernés par la raison politique, ils ont leur propre logique qui échappe à la volonté consciente des hommes. On devra s’interroger un jour, quand on fera le bilan, sur la signification de l’expérience néolibérale menée sous l’impulsion de Mme Tatcher, M. Reagan et plus particulièrement pour l’Europe continentale de M. Delors.
Ce qui fait défaut à la France est une vision stratégique, une compréhension fine des objectifs poursuivis par les différents pays, pour mieux se positionner elle-même. La zone euro représente à peine 40% des débouchés de l’Allemagne. Cette dernière s’est servie de la zone euro comme d’un tremplin pour conquérir les marchés mondiaux, parce qu’elle est un acteur mondial, contrairement à la France, à l’Italie et à la Grande-Bretagne.
Les hommes politiques français ont une vision extrêmement étroite du champ des relations internationales, très politique. A titre d’exemple, le fait que le pouvoir européen serait concentré à la fois autour de l’Allemagne et de la France est un point de vue plutôt français, en démontre l’absence de traduction en allemand de l’expression « couple franco-allemand ». Nous ne pouvons actuellement parler de « politique industrielle européenne ». La France est aujourd’hui davantage dans une position de « suiveur ». Elle se voit imposer sans concertation des décisions qui ont été prises ailleurs (...).
Les membres du Conseil national du MRC ont vu et entendu le président d'honneur, Jean-Pierre Chevènement , faire un discours combatif, incitant à agir, à partir du MRC, en recherchant les convergences avec d'autres partis, considérant qu'elles sont possibles avec le Front de Gauche et avec ceux qui, au PS ou chez les Verts, n'acceptent pas la dérive différentialiste, mais aussi avec Debout la France, le dialogue avec les républicains de l'autre rive étant loin d'être épuisé.
Cette phrase a conduit l'un des participants à écrire sur son blog cet article publié le 16 avril sous le titre : Les Chevènementistes tendent la main à Nicolas Dupont-Aignan…
C'est une approche réductrice de ce qui semble être la stratégie de Jean-Pierre Chevènement. Nous ne tarderons pas à voir ce qu'il en est réellement. Dès le début de la semaine prochaine, se réunira le groupe de travail qu'il a demandé lors du Conseil national, qu'il présidera et qui sera composé de deux représentants de chacune des trois motions d'orientation (voir, à ce sujet Congrès MRC 2015).
Cet article est le 158ème paru sur ce blog dans la catégorie MRC national