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Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.

Fondation Res Publica : le débat sur la réindustrialisation de la France

 

JP Chevènement et la salle ont dialogué avec L Gallois et un chef d'entreprise

 

Les actes du colloque du 1er juin 2015 sont en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.
Accueil de Jean-Pierre Chevènement, Président de la Fondation Res Publica*.
Energie, consensus et confiance, par Louis Gallois, Président du Conseil de Surveillance de PSA.
Fiscalité et code du travail, deux maux français, Laurent Burelle, PDG de Plastic Omium.
Tour de table conduit par Jean-Pierre Chevènement, Président de la Fondation Res Publica.

* Pour en savoir plus sur cette Fondation, voir la Présentation par son président.

 

L'intervention de Louis Gallois a été reprise. Voir Réindustrialisation de la France : Louis Gallois au colloque Res Publica. Les débats qui ont suivi (retranscrits par la Fondation Res Publica) sont de haute qualité. En voici des extraits.

Jean-Pierre Chevènement 

J’apprécie beaucoup la manière dont Louis Gallois a posé le problème en disant que l’industrie française a le choix entre la voie espagnole, c'est-à-dire la dévaluation interne, brutale mais qui permet de retrouver une compétitivité par les prix, et la voie malheureusement lente, trop lente selon moi, de la stratégie de montée en gamme qui implique naturellement au niveau des entreprises les marges sans lesquelles on ne peut pas la financer. Même l’acte de courage qui consiste à s’endetter n’est pas possible s’il n’y a pas les fonds propres et une rentabilité suffisante pour permettre cet endettement. Par conséquent on laisse vieillir l’appareil de production. Le choix fondamental est là, entre ces deux voies. 

La voie lente nous est-elle permise ? Si la confiance était au rendez-vous ça se verrait. Ce n’est pas le cas. Comment la créer ? Je cherche, j’aimerais trouver. Je ne pense pas que les exhortations qui sont faites ou les plaintes que j’entends s’exhaler soient de nature à recréer cette confiance. 
En principe un pays a la monnaie qui convient à son économie. Je dis que la France n’a pas aujourd’hui la monnaie qui convient à son économie. La France est prisonnière d’une monnaie surévaluée depuis très longtemps par rapport à ses voisins de la zone euro vis-à-vis desquels elle est en déficit. On ne veut pas le voir. On préfère s’aveugler volontairement. La monnaie unique est un tabou. Je souscris à l’idée que la seule voie qui soit praticable est cette stratégie dite de « montée en gamme ». Suffit-il de s’échiner à exhorter un peuple qui n’entend pas, des industriels qui pour la plupart pensent que la France n’est plus un pays où il faut investir ? M. Burelle nous a dit tout à l’heure très nettement qu’il vaut mieux investir à l’étranger. Lui-même ne sauvegarde les 5 000 emplois qu’il a pu conserver en France que parce qu’il a aujourd’hui plus de 20 000 emplois à l’étranger. Mais le problème qui se pose est celui de l’économie française, ce n’est pas celui des entreprises françaises qui, telles nos entreprises du CAC40, se développent très bien… à l’étranger ! Elles ne se développent pas en France. C’est l’économie française qui en pâtit et c’est le peuple français, dont nous sommes responsables, qui souffre.

 

Tour de table

Jean-Pierre Chevènement 

L’Allemagne est évidemment un pays mercantiliste qui dégage un excédent commercial de plus de 200 milliards d’euros chaque année. Mais elle a une structure démographique vieillissante et veut préparer l’avenir de ses retraités. 

Mme Merkel a dit en 2005 : « Mettre l’Allemagne au sommet de l’Europe, voilà mon programme ». Cette politique qui, en fait, avait été initiée par Gerhardt Schröder porte ses fruits. Elle s’appuie naturellement sur des avantages comparatifs très anciens (l’Allemagne a creusé l’écart sur le plan industriel depuis longtemps) mais n’en pose pas moins un problème à toute l’Europe. En effet, l’orientation globale de la politique économique européenne est déterminée par le choix du cadre moyen supérieur allemand vieillissant qui veut faire cracher des dividendes aux entreprises alimentant les fonds de pension qui lui verseront sa retraite. C’est devenu le paradigme qui, en quelque sorte, sur-détermine ce que je n’ose pas appeler la croissance européenne mais le développement économique de l’Europe. L’animal sacré, c’est ce cadre presque sexagénaire qui entend vivre bien les trente années de vie qui lui restent devant lui. Je ne dis pas cela pour critiquer l’Allemagne – après tout c’est une logique – mais cela mériterait qu’on en débatte au niveau européen parce que d’autres logiques doivent s’appliquer à des pays comme la France où il y a au minimum 3,5 millions de chômeurs (c’est le nombre de ceux qui sont recensés à temps plein) et une jeunesse nombreuse qui a le sentiment que l’avenir est peut-être ailleurs, ce qui est un vrai problème pour une France qui veut « rebondir », car c’est bien de cela qu’il s’agit. 

La réflexion de Louis Gallois à propos de l’euro mérite d’être approfondie. Il a longtemps critiqué l’euro fort, à juste titre du point de vue de EADS. Mais on se rend compte aujourd’hui que l’appareil industriel français est tellement affaibli que l’offre intérieure ne répond plus. Cela mérite d’être vérifié parce qu’il ne faut pas se fier à des idées toutes faites et trop simples. Peut-être cela peut-il se corriger avec un temps de retard. 

Je faisais remarquer au Président de la République, la dernière fois que je l’ai rencontré, que notre compétitivité manufacturière continue à se dégrader puisque le solde manufacturier en 2014, solde négatif malheureusement, est supérieur de 2 milliards d’euros à ce qu’il était en 2013. De fait nous avons un déficit commercial de 54 milliards d’euros en 2014, un peu moins élevé que l’année précédente à cause de la baisse du prix du pétrole. Sur ces 54 milliards, 35 milliards seraient imputables au déficit commercial franco-allemand. Quand j’étais ministre de l’Industrie, au début des années 1980, nous avions 28 milliards de francs de déficit. Après conversion en euros, introduction de l’inflation, des intérêts composés…, on constate que notre déficit commercial vis-à-vis de l’Allemagne a été quadruplé ou quintuplé en l’espace d’une trentaine d’années. Cette dégradation, si elle est vérifiée, est préoccupante. (...)

 

Jean-Michel Naulot 

(…) Les solutions proposées dans ce débat, rétablir la confiance, réconcilier les Français avec l’entreprise… s’inscrivent malheureusement dans le très long terme. Mme Bechtel et Jean-Pierre Chevènement ont cité des chiffres sur la place de la production industrielle dans la valeur ajoutée. J’aimerais les compléter. 

Les Échos publiaient il y a quelques semaines un article sur l’évolution de la production industrielle au sein de la zone euro depuis 2000 : -12 % pour la France, -20 % pour l’Italie et… + 34 % pour l’Allemagne ! On peut certes incriminer la dérive de nos coûts de production mais surtout, me semble-t-il, il faut constater qu’il y a un biais inégalitaire dû à la monnaie unique, annoncé il y a vingt ans par les économistes. Nous sommes vraiment dans l’urgence. Ne faut-il pas commencer à évoquer publiquement ce que vous avez dit tout à l’heure sur le fonctionnement de la zone euro ? En effet, pour l’instant, ce sont toujours un peu les mêmes qui parlent. 

Louis Gallois 

Je parlais évidemment des PME quand j’évoquais les difficultés de financement de l’industrie. Les grandes entreprises n’ont aucun problème de financement, elles trouvent de l’argent en abondance directement sur les marchés, sans même recourir aux banques auprès desquelles elles ont des lignes de crédit qu’elles ne tirent pas, pour l’essentiel. 

Il est vrai que la zone euro a créé entre les différents pays une situation de fausse symétrie qui ne reflétait pas les différents niveaux de compétitivité. L’euro a été créé à un niveau qui, s’il était adapté à la situation française, équivalait à une formidable dévaluation pour l’Allemagne. Par la suite, sept ans d’euro fort ont laminé l’industrie française. Comme je l’avais dit dans mon rapport, l’euro fort renforce les forts et affaiblit les faibles. Et l’Allemagne a été le grand bénéficiaire de cette période. Maintenant l’euro est revenu à un niveau plus acceptable mais il ne réduit pas les effets d’asymétrie entre la France et l’Allemagne que Jean-Pierre Chevènement évoquait. Je me demande si notre appareil industriel est encore capable de répondre à une dévaluation vis-à-vis de l’Allemagne de telle manière que notre déficit commercial avec l’Allemagne s’en trouve réduit et non aggravé. Au début il risque de s’accroître mais il ne faudrait pas que ça dure. 


Jean-Pierre Chevènement 

Autrement dit, le malade est-il encore en mesure de supporter le traitement ? Je crains que nous ne soyons déjà au stade des soins palliatifs… 
Louis Gallois a évoqué deux problèmes : la valeur de l’euro par rapport au dollar et le problème interne à la zone euro. Selon un économiste canadien, Robert Mundell, dans une zone monétaire dite « non optimale », où cohabitent des régions riches, productives, et des régions sous-productives et pauvres, un mécanisme cumulatif s’exerce qui enrichit les zones riches et appauvrit les zones pauvres (…).


Louis Gallois 

C’est la crainte de la négociation sociale en France qui conduit les acteurs à considérer que c’est à l’État de régler ce problème. Chaque fois que les partenaires sociaux n’arrivent pas à s’entendre, on se retourne vers l’État. Je répète que nous avons raté une occasion historique d’établir un dialogue social plus serein tout en contribuant à éviter la désindustrialisation. 
En Allemagne, le dialogue social n’est pas facile : chez Airbus, quand j’affrontais une grève, j’avais 98 % de grévistes, car ils obéissent au doigt et à l’œil aux syndicats. On le constate dans les chemins de fer allemands, actuellement en grève. Ce sont des syndicats qui se défendent mais le niveau d’acceptation du dialogue est absolument extraordinaire. Sachez que l’actuel président du conseil de surveillance de Volkswagen est le représentant des salariés, l’ancien patron du syndicat IG Metall (Industriegewerkschaft Metall), M. Huber. C’est un peu comme si, en France, M. Martinez (secrétaire général de la CGT) était Président du Conseil d’Administration de Renault ! 

 

Cet article est le 205ème paru sur ce blog dans la catégorie CHEVENEMENT

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