Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
Alstom à Belfort est le symbole déplorable de l'abandon de l'industrie française
L'intervention de Bastien Faudot, candidat du Mouvement Républicain et Citoyen (MRC) à l'élection présidentielle 2017, ce 9 septembre à Reims aux Assises du produire en France, vient se caler judicieusement dans l'actualité économique.
Voir ces articles concernant le site Alstom de production de trains à Belfort :
- Bastien Faudot, 7 septembre 2016, FAUDOT2017 : ALSTOM BELFORT : LE MÉPRIS
- Jean-Luc Laurent, 8 septembre 2016, MRC : Alstom: après le dégoût, la réaction
- Jacques Sapir : la fermeture de l'usine Alstom de Belfort ou la faillite de l'État stratège
- Maire info : Alstom : le gouvernement impose une négociation sur l'usine de Belfort
ENCOURAGER ET ORGANISER LE MADE IN FRANCE
Si vous êtes élu Président de la République, comment comptez-vous défendre les entreprises qui produisent en France et plus largement, le patriotisme économique ?
En trente ans, l’économie de production a connu un effondrement qui est, à plus d’un titre, au principe du marasme économique dans lequel nous nous trouvons. Un chiffre suffit à en restituer l’ampleur : l’industrie pesait 34 % du PIB au début des années 80 contre moins de 13 % aujourd’hui.
Je ne reviendrai pas ici sur l’enchaînement des causes profondes de la désindustrialisation de notre pays. Une idéologie puissante a coiffé ce phénomène : l’offensive libérale et la finance mondialisée. Le discours du toujours moins d’État aboutit aujourd’hui à une contradiction au cœur même de l’entreprise entre les actionnaires et les industriels, entre ceux qui exigent des rendements exorbitants à court terme et ceux qui savent que la production est un processus d’acquisition des savoirs et des savoir-faire qui engage pleinement le facteur humain.
La désindustrialisation de la France n’est pas une catastrophe naturelle. Elle procède d’une idéologie, celle là même qui conduisait l’ancien PDG d’Alcatel en 1999 à promouvoir le modèle d’une France sans usines. Près de vingt ans plus tard, on peut dire que l’objectif est presque atteint…
Quels sont aujourd’hui les trois principaux problèmes qui font obstacle au développement de la production française et de la consommation de produits français ?
- D’abord, l’entreprise est confrontée à une accumulation de règles et de normes qui pèsent sur les conditions de production au plan microéconomique, tandis que les grands instruments de régulation, de protection et de souveraineté de l’État (la monnaie, le budget, les frontières) ont été transférés à des institutions extérieures qui n’ont de comptes à rendre à personne. Dans ces conditions, nos entreprises sont menottées dans la concurrence mondiale. Nos concurrents sont mieux armés car la plupart des États-nations dans le monde de 2016 n’ont pas renoncé à leurs instruments de protection : droits de douanes, ajustements monétaires, investissement public, stratégies de développement appuyées par les capitaux publics. De plus, ils sont moins accablés par la bureaucratie européenne qui n’a rien à envier à celle de Moscou : dotée de ses normes, contrôles en tous genres, autorisations, supervisions.
- Le deuxième problème, c’est le fonctionnement de la finance mondialisée qui génère une pression extrême sur le système productif et qui aboutit à ce que j’appelle la « déflation par l’offre ». À moins de trouver un marché de niche, les entreprises, confrontées à une concurrence mondiale féroce, sont piégées dans une logique infernale : tirer toujours leurs coûts vers le bas, créant ainsi un problème de demande et de débouché. Le problème, c’est de remplir les carnets de commandes ! Or, à moyen et à long terme, le seul moyen de vaincre la déflation et de remplir les carnets de commandes, c’est de trouver les ressources pour relancer la consommation intérieure qui s’est mécaniquement orientée vers le low cost des pays émergents venus inonder le marché. Il n’y a donc pas d’autre option raisonnable que d’organiser le retour au plein emploi.
- Enfin, nous sommes collectivement prisonniers du productivisme de court-terme. L’impératif catégorique du retour à la croissance nous empêche de poser tranquillement la question de notre développement. Le modèle quantitatif prime sur le qualitatif, le court terme sur le long terme, le bricolage sur la vision. L’État est le seul acteur à même de rassembler les forces vives et d’organiser le rebond autour d’une vision claire de l’économie de demain. Seul, il ne peut rien. Mais vous entrepreneurs, seriez désarmés si vous étiez livrés au seul rapport de force du marché.
Compte tenu de l’état d’urgence de la situation économique française, le temps est venu de changer de braquet. On peut encourager le Made in France, mais je crois que nous devons surtout l’organiser.
- En premier lieu, il nous faut reconquérir notre souveraineté budgétaire en dénonçant – unilatéralement s’il le faut – le carcan budgétaire européen qui nous conduit au désastre. Bruxelles est devenue la secte du Temple solaire : quelques illuminés nous guident droit vers le suicide collectif. Il faut une politique de relance budgétaire et l’implication de l’État sans laquelle nous resterons condamnés à la stagnation. Il faut une politique de soutien aux bas salaires pour relancer la consommation et garnir les carnets de commandes, et cesser enfin cette surenchère permanente qui vise à réduire les « charges » sur les bas salaires. Depuis combien de temps mène-t-on cette politique et avec quels résultats ?
- Nous aurons ensuite besoin de reconquérir notre souveraineté monétaire en nationalisant l’euro et en le dépréciant d’environ 20 %, dans le cadre d’une nouvelle parité qui soit de préférence négociée, ou disons, convenue avec nos voisins. Il ne s’agit pas de relancer la guerre des changes, mais il faut mettre un terme à la guerre des systèmes productifs et des modèles sociaux. La zone euro ne peut rester la seule zone économique au monde, je dis bien, la seule, où on imagine que l’on peut mettre en œuvre un projet de croissance et de développement sans disposer de l’instrument de politique monétaire. Les Allemands ont leur monnaie et leur politique monétaire : c’est l’euro ! La France doit retrouver cet outil indispensable, inscrire l’objectif de plein emploi et de croissance dans les statuts de la nouvelle banque de France, relever le critère de lutte contre l’inflation à 4 %, et mener une politique monétaire expansive pour lutter contre la déflation et financer les projets d’avenir (dans la révolution numérique, la robotique, la transition écologique, les grands projets d’infrastructures et de réseaux de transports pour encourager la mobilité).
Lorsque qu’une industrie d’intérêt national traverse des difficultés, la mobilisation des moyens de l’État est nécessaire. Encore faut-il qu’il soit lui-même exemplaire. Il se trouve que l’usine Alstom de Belfort est située sur le canton dont je suis conseiller départemental. Que l’État, actionnaire unique de la SNCF, laisse son entreprise réaliser une commande de 140 millions d’euros à un concurrent allemand, c’est proprement inacceptable. Ses représentants peuvent difficilement ensuite faire mine de déplorer les conséquences sociales de ce désengagement !
Il faut par ailleurs une vraie loi de séparation bancaire et non de filialisation comme celle qui a été mise en œuvre par Pierre Moscovici. Cette loi de séparation des activités bancaires a deux objectifs : mettre de l’étanchéité pour éviter la propagation des crises financières, comme ce fut le cas en 2007-2008, et canaliser la politique monétaire vers l’économie réelle, l’économie de production et l’industrie.
- Je proposerai de regrouper l’ensemble des normes qui pèsent sur les entreprises dans le cadre d’une négociation triennale unique et obligatoire.
- Je proposerai le renforcement de l’implication des salariés dans la vie de l’entreprise, via le développement de l’intéressement, mais aussi la participation de deux administrateurs salariés avec voix délibérative dans toute entreprise disposant d’un Conseil d’Administration.
- Les efforts engagés pour la montée en gamme dans le rapport Gallois doivent être poursuivis. La compétitivité-coût n’est pas l’alpha et l’oméga du développement de l’entreprise. La France gagnera des parts de marchés si elle sait innover. L’innovation implique un investissement public massif dans la recherche. Il faut porter l’effort à 3 % du PIB pour être au niveau de nos principaux concurrents.
Je proposerai l’abrogation pure et simple de la loi El Khomri : outre les conditions politiques déplorables qui ont conduit à sa promulgation, cette loi ne sera pas efficace économiquement. Elle va accroître la tension et la pression que le chômage exerce sur ceux qui ont la chance d’avoir un travail. Des flexibilités nouvelles peuvent être imaginées, mais jamais le droit du travail et la hiérarchie des normes n’ont fait obstacle au développement de l’économie française pendant les trente glorieuses. Le droit du travail ne protège pas seulement les salariés, il protège aussi les entrepreneurs de systèmes de concurrence déloyaux. Cette loi va créer de nouvelles distorsions de concurrence entre ceux qui pourront avoir une négociation et un accord d’entreprise et les concurrents, souvent les petites entreprises, qui ne le pourront pas. Avec la loi El Khomri, le mauvais patron chasse le bon, comme on dit que la mauvaise monnaie chasse la bonne.
Enfin, je proposerai un changement radical de l’organisation du travail et de la fiscalité dans le pays. Made in France, Faire en France, c’est d’abord Faire France. Le plein emploi est vital pour le corps social et pour la Nation. Il est plus protecteur que tous les codes du travail et autres réglementations. Il est temps enfin de sortir de l’opposition stérile entre compétitivité et protection sociale. Je veux croire que la seconde est la vraie condition de réalisation de la première. Construire l’alliance des productifs, c’est proposer un nouveau compromis social qui implique :
– le transfert de la moitié des cotisations sociales patronales et salariales vers un impôt universel sur le revenu pour ne plus pénaliser la création de richesse et renforcer la compétitivité de nos entreprises. Cela permet de réduire le coût du travail d’environ 20 %. L’idée est simple : ne sont prélevés sur les salaires que les cotisations qui ont un lien direct avec l’activité économique : le financement des retraites, la maladie professionnelle, l’assurance chômage. Le reste, c’est à la solidarité nationale de l’assumer.
– une baisse de la durée légale du travail de 15 % pour mettre tout le monde au travail, pour faire de la place aux plus de 5 millions de Français qui sont aujourd’hui en dehors du marché de l’emploi. Je sais combien cette idée semble hérétique à certains, notamment pour ceux qui s’autoproclament les réalistes, les pragmatiques. S’ils sont attachés au réel, ils constatent avec moi que depuis le XIXème siècle, la durée hebdomadaire de travail n’a cessé de diminuer partout dans le monde. Ce mouvement inéluctable se poursuit. Depuis 2000, malgré la crise, la richesse des pays de l’OCDE a augmenté de 20 % tandis que la durée hebdomadaire du travail à diminué de 6 %, soit une cinquantaine d’heures par an. En réalité, les Français travaillent, mais la répartition horizontale du travail est très inégalitaire, déséquilibrée. Qui rappellera que les Allemands travaillent en moyenne 130 heures de moins que nous chaque année ? Est-ce que cela les empêche d’avoir une industrie vivante, une balance commerciale excédentaire et un taux de chômage inférieur ? Baisser la durée légale du travail peut se faire en renforçant la compétitivité des entreprises françaises.
La question du Made in France est une question immensément, intensément politique. C’est la raison pour laquelle l’enjeu de la restauration de la souveraineté est au cœur de mon projet. Si l’on prend le risque de poursuivre la déconnexion entre la démocratie et les choix économiques, cela finira très mal.
Ce ne sont pas les petits comptables du monde libéral qui peuvent inventer une issue au monde dont ma génération a hérité. On ne règle pas ces questions là à coup de ratio, de petits bricolages ou de petites exonérations fiscales. La question du Produire en France nous oblige à penser le travail, à mettre tout le monde au travail, pour qu’il y ait dans ce pays autant de consommateurs que de travailleurs. Pour que chaque Français dispose à la fois des fruits de sa contribution à l’activité de la Nation, mais aussi de la reconnaissance, du sentiment de l’utilité sociale sans laquelle il ne peut pas y avoir de France.
Cet article est le 2926ème paru sur le blog MRC 53, le 135ème catégorie Travail Economie