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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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23 juin 2020 2 23 /06 /juin /2020 22:09

 

Manque structurel de main-d'oeuvre agricole

 

Le laboratoire d'idées Urgence Transformation Agricole et Alimentaire (UTAA) a publié le 22 juin 2020 la seconde partie des réflexions liées à la crise sanitaire et aux enseignements à en tirer au niveau de notre système alimentaire, sous le titre "Covid-19 : dès maintenant, préparer l'après-crise", par Barthélémy Chenaux, agronome, et Romain Dureau, agroéconomiste.

Rappel sur le site de UTAA :
- (1ère partie) Covid-19 : dans l’urgence, garantir l’approvisionnement alimentaire

- Romain Dureau (Marianne, 30 mars 2020) : « La crise du coronavirus est le grain de sable qui bloque l’agriculture mondialisée »

Cette seconde partie sera présentée en 4 articles successifs sous le titre global. Ici, le premier :

Covid-19 : analyser les fragilités de notre système alimentaire

Basiquement, la crise du coronavirus est ce grain de sable que beaucoup redoutaient, et qui vient bloquer les engrenages d’une économie agricole fortement dépendante des marchés internationaux, pour son approvisionnement comme sa commercialisation. Cette fragilité – qui était latente et ponctuellement mise en lumière par des crises sectorielles – est désormais en plein jour.

Quels sont les impacts de cette crise sanitaire globale sur notre système agricole ? Didier Guillaume a appelé l’« armée des ombres » (sic) à aller travailler dans les champs pour répondre au manque de main d’œuvre étrangère habituellement employée lors des pics saisonniers. L’agriculture française est fortement intégrée sur les marchés internationaux, ce qui, en période de crise globale, n’est pas sans conséquence.

Nous le voyons : le seul exemple du manque de main d’œuvre sur les fermes françaises suffit à démontrer que notre système alimentaire comporte des fragilités inquiétantes, qui sont aujourd’hui mises à jour par la crise induite par la pandémie de Covid-19, mais qui étaient latentes depuis de nombreuses années.

Manque structurel de main d’œuvre agricole

Entre 40 000 et 280 000 saisonniers travaillent chaque année dans l’agriculture, ce qui représentait 15,4% de la main d’œuvre agricole en 2016. Parmi eux, 40% environ sont des saisonniers étrangers, soit environ 100 000 personnes, avec un nombre croissant sous statut de travailleurs détachés : ils étaient 67 601 en 2017 (contre 26 000 en 2016), principalement en viticulture, en maraichage et arboriculture, mais aussi en grandes cultures et production ovine, en moindre mesure. Ce recours au travail détaché est en forte hausse dans le secteur agricole : on estime que cela représente un total de 550 000 jours de travail détaché par an. Ces travailleurs, venus du Portugal, de Pologne, d’Allemagne, de Roumanie, mais aussi du Maghreb et d’Amérique latine, n’ont pas un contrat de travail français, puisqu’ils sont employés par une entreprise installée hors du territoire national, et n’ont donc pas les mêmes droits que les travailleurs embauchés en France. Ils ne paient également pas les cotisations sociales en France, mais dans le pays où a été signé leur contrat. En Roumanie, par exemple, les cotisations sociales ont quasiment été supprimées. La conséquence est bien sûr l’absence de protection sociale pour les travailleurs. Nous savons également que le statut de travailleur détaché est propice à de nombreuses fraudes et dérives. C’est ce que met en lumière le bilan intermédiaire 2018 du Plan National de lutte contre le travail illégal. Ces détournements concernent soit le recours à une activité régulière qui ne devrait pas relever du travail détaché, soit le non-respect du droit du travail minimum français. 11% des exploitations agricoles contrôlées étaient en infraction. La profession dans son ensemble s’est engagée à améliorer cette situation, mais c’est en réalité le travail détaché lui-même qu’il faut remettre en cause. Or, la « libre-circulation des travailleurs » est inscrite dans le traité de Rome de 1957, et la directive européenne sur le travail détaché organise honteusement ce dumping social au sein du marché unique. Profiter du déracinement d’un travailleur agricole est un comble inacceptable.

L’agriculture a, depuis la deuxième moitié du XXe siècle et la mise en œuvre de la « deuxième révolution agricole des Temps modernes », perdu plusieurs millions d’emplois dans les secteurs de l’agriculture. Alors que l’agriculture représentait plus de 20% des actifs du pays en 1950, elle en représente aujourd’hui que moins de 3%. Ces 15 dernières années notamment, l’agriculture a perdu environ 350 000 actifs permanents. En 2016, l’emploi agricole correspondait à 564 000 exploitants et co-exploitants agricoles, 191 000 salariés permanents. L’INSEE estime qu’en moyenne, chaque jour, 110 000 saisonniers sont actifs dans le secteur agricole. En 2016 toujours, l’agriculture employait 149 000 salariés saisonniers et/ou temporaires avec une hausse des travailleurs saisonniers (+3 % depuis 2010).

L’évolution historique, depuis les débuts de la deuxième révolution agricole des Temps modernes, mais aussi l’évolution récente de la structure de l’emploi agricole et de ses caractéristiques (productivité du travail, part de l’emploi permanent et de l’emploi saisonnier, part du travail détaché) démontrent que ce manque de main d’œuvre agricole est pour partie structurel, ce qui est d’autant plus évident lorsque l’on connaît le rythme de travail effréné de nombreux agriculteurs. Les agriculteurs qui ont recours à l’emploi de travailleurs détachés argumentent souvent qu’ils ne trouvent pas cette main d’œuvre en France. C’est étonnant dans un contexte de chômage de masse, et cela en dit long sur la perte d’attrait des métiers de l’agriculture, ou du moins de certains modes de production qui sont aujourd’hui décriés. Ainsi et d’une part, si les contrats saisonniers sont indispensables à l’agriculture (notamment en production de fruits et légumes), ils pourraient être moins courants et massivement employés qu’aujourd’hui, notamment dans l’objectif d’un meilleur partage du travail. D’autre part, l’agriculture – et notamment celle reposant sur les principes de l’agroécologie – pourrait créer 300 000 emplois permanents si les politiques publiques l’accompagnaient dans ce sens. Cela passe par une revalorisation des métiers de l’agriculture : développer un espace rural agréable à vivre, notamment en développant des services publics, assurer une digne rémunération du travail paysan, permettre l’accès plus facile à un service de remplacement pour prendre des vacances, assurer la formation initiale et continue des futurs agriculteurs… Il y a une volonté assez puissante dans la société d’un « retour à la terre », et donc potentiellement une main d’œuvre disponible pour travailler dans les champs. Toutefois, ces « néo-paysans » ont également la volonté d’une autre agriculture, plus écologique et produisant pour les besoins locaux de la population. Si le secteur veut attirer de nouveaux paysans, il doit aussi accepter de se transformer.

L’agriculture peut et doit créer massivement de nouveaux emplois paysans, permanents et saisonniers, si elle veut relever les défis posés par la relocalisation écologique de notre production alimentaire. Cela appelle à une meilleure création et un meilleur partage de la valeur ajoutée au sein du système alimentaire.

Cet article est le 3159 ème sur le blog MRC 53 -  le 458ème, catégorie AGRICULTURE et PAC

Les fragilités du système alimentaire français vues par UTAA - partie 1
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