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Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.

Les fragilités du système alimentaire français vues par UTAA - partie 2

 

Dépendance aux marchés internationaux et souveraineté alimentaire

 

Le laboratoire d'idées Urgence Transformation Agricole et Alimentaire (UTAA) a publié le 22 juin 2020 la seconde partie des réflexions liées à la crise sanitaire et aux enseignements à en tirer au niveau de notre système alimentaire, sous le titre "Covid-19 : dès maintenant, préparer l'après-crise", par Barthélémy Chenaux, agronome, et Romain Dureau, agroéconomiste.

Rappel sur le site de UTAA :
- (1ère partie) Covid-19 : dans l’urgence, garantir l’approvisionnement alimentaire

- Romain Dureau (Marianne, 30 mars 2020) : « La crise du coronavirus est le grain de sable qui bloque l’agriculture mondialisée »

Cette seconde partie sera présentée en 4 articles successifs sous le titre global :

Covid-19 : analyser les fragilités de notre système alimentaire

Ici, le second : Dépendance aux marchés internationaux et souveraineté alimentaire

La crise induite par le Covid-19 affecte également le fonctionnement des marchés agricoles. L’agriculture française et européenne est totalement inscrite dans les règles du commerce international édictées par l’OMC, et fait l’objet d’accords de libre-échange bilatéraux supplémentaires (CETA, Mercosur…). Notre économie agricole est dépendante des marchés internationaux, que ce soit pour son approvisionnement ou la commercialisation de ses produits. Les biens agricoles sont devenus une monnaie d’échange sur ces marchés, ce qui a fait perdre de vue le caractère essentiel et stratégique du secteur agricole.

D’un côté, les productions qui sont fortement intégrées sur les marchés internationaux et destinées à l’export, telles que les vins (30% de la production exportée) et spiritueux, les céréales (50% du blé exporté) ou les produits laitiers (10% de la production exportée), se retrouvent confrontées à la perte de débouchés ou la diminution de la demande mondiale. C’est le cas de la poudre de lait exportée en Chine ou encore du porc et des broutards exportés en Italie. Dans ce cas, celui des broutards, les jeunes bovins sont exportés vivants en Italie, où ils sont engraissés : le fait de ne pas pouvoir les vendre et de les garder plus longtemps sur la ferme augmente les coûts de production pour les éleveurs, coûts qui ne seront très certainement pas compensés par un prix de vente plus élevé après la crise.

De l’autre côté, nous l’avons vu, les producteurs engagés dans des circuits de proximité (vente directe, notamment en maraîchage) sont également concernés par la réduction du nombre de marchés locaux, seuls 35% d’entre eux étant ouverts à cette heure. Certains paysans ont toutefois trouvé d’autres manières de commercialiser leur production, bénéficiant de la plus forte adaptabilité de leurs systèmes agricoles.

Les filières d’élevage sont déstabilisées par les effets induits du coronavirus. La perte des débouchés en Restauration Hors Domicile (RHD) n’est pas contrebalancée par la hausse des achats des ménages, qui s’orientent vers des produits différents. Cette baisse des abattages ainsi que la diminution des importations n’ont pas évité la chute des prix des vaches laitières, ce qui pèse à la baisse sur l’ensemble du marché de la viande, sans pour autant que les prix en rayons n’aient été affectés. La principale difficulté semble reposer sur le déséquilibre de valorisation des différents quartiers des animaux abattus, notamment ceux qui étaient habituellement exportés : le cours des jeunes bovins est en baisse, et le nombre d’animaux abattus est plus faible qu’à la même période de l’année passée. Seule la demande italienne semble se maintenir, les autres exports, notamment vers les pays tiers, diminuent.

Ces modifications dans la structure des marchés internationaux avaient conduit la FNB à demander au Ministre de l’agriculture la mise en place d’un prix minimum payé aux éleveurs équivalent au coût de production (4,89€/kg), alors que, fin mars 2020, les animaux étaient vendus « à un prix inférieur d’1 euro du kilo, en moyenne, à [leur] coût de production », soit 3,71€/kg. Cette proposition d’une intervention publique forte est plus que bienvenue, ne serait-ce que temporairement. En effet, en termes de rapport de force, ces situations sont plus que défavorables aux éleveurs : d’une part, à court terme, la baisse de la demande à l’export n’occasionne pas de hausse de prix payé à l’éleveur, et le report de la consommation domestique vers des viandes françaises cache une disparité de valorisation des différents morceaux ; d’autre part, une fois les bêtes arrivées à leur poids de vente, allonger leur durée de séjour sur l’exploitation revient à augmenter le coût de production, ainsi que les risques de frais vétérinaires supplémentaires.

Le gouvernement n’a donné aucune réponse à la demande la FNB, ce qui a conduit la Fédération à appeler les éleveurs à garder leurs animaux sur les fermes : de toute évidence, seule une action collective et solidaire de la profession est à même de mettre une pression suffisante sur les intermédiaires. Cet appel a été rejoint par les Jeunes Agriculteurs et la Confédération Paysanne.

Précisons cependant, comme le mentionne la Confédération Paysanne dans son communiqué, que ces propositions de régulation des marchés agricoles (prix minimum et volumes) devront être portées au-delà de la période présente : il n’est pas du tout étonnant d’observer une inadéquation des prix avec les dynamiques d’offre et de demande sur les marchés agricoles, cette sous-rémunération des produits agricoles étant structurelle, et non spécifiquement liée aux effets du coronavirus.

De plus, si nous produisons et exportons de manière importante des excédents pour certaines denrées (vins et spiritueux, céréales, produits laitiers), nous sommes également dépendants des importations pour plusieurs produits indispensables. Un rapport d’information du Sénat en date de mai 2019 estime que nous importons environ 20% de notre alimentation. Cela concerne principalement les fruits et légumes (50% sont importés, pour un coût de 2,5 à 3 milliards d’euros), la viande de porc (25% importés), la volaille (34%), la viande bovine (environ 30%), la viande ovine (50%) mais aussi les aliments pour les animaux d’élevage (3 millions de tonnes de soja importés d’Amérique latine chaque année). Nous ne parlons pas là de produits annexes, mais de produits de consommation quotidienne.

Cette dépendance aux importations pose enfin la question de la traçabilité de la production. Il est estimé que 10 à 25% des importations ne respecteraient pas les normes sociales, sanitaires et environnementales françaises. Nous voyons aujourd’hui le danger que représente cette dépendance aux marchés internationaux sciemment organisée : notre souveraineté alimentaire – comprendre : pour les denrées alimentaires de consommation quotidienne – a été perdue du fait de choix politiques contraires à cet intérêt fondamental de la Nation.

Nous alertons sur l’importance de réfléchir désormais à une véritable politique d’indépendance et de sécurité alimentaire : qu’arriverait-il si, pendant plusieurs mois, les échanges internationaux et intra-communautaires devaient être stoppés ? Nous ferions face à un risque effectif de pénurie pour un certain nombre de produits agricoles, notamment les oléo-protéagineux et les fruits et légumes, produits indispensable à une alimentation équilibrée. Une telle situation de dépendance alimentaire n’est pas acceptable, d’autant plus qu’elle n’est en aucun cas une fatalité, mais le résultat de politiques délibérées et fondées sur des dogmes avec lesquels nous devons rompre d’urgence.

Cet article est le 3160 ème sur le blog MRC 53 -  le 459ème, catégorie AGRICULTURE et PAC

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