Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
Ce paysan de Quimperlé (29) explique que le débat sur l'eau est mal posé
Des boulons, des boules de pétanques, des matraques, des grenades… 400 blessés dont 40 très gravement. C'est la guerre ? Non, juste un week-end de contestation à Sainte-Soline autour de l'eau : le combat de l'eau.
Cet épisode nous explique où nous en sommes arrivés avec l'accès à l'eau, mais c'est surtout révélateur de ce qui nous attend et des violences potentielles. Et pourtant, nous ne manquons pas d'eau et nous n'en manquerons jamais… L'eau est un bien commun, personne ne peut, et ne doit, revendiquer sa paternité. L'eau obéit à un cycle, de ce fait ce n'est pas une ressource, ce n'est pas un volume quantifiable limité, qui pourrait faire défaut. Nous avons, depuis la nuit des temps, la même quantité d'eau à notre disposition. Pas une goutte d'eau ne manque à l'appel, c'est un fait. L'eau est là à notre disposition à tous en quantité illimitée, comme l'air que nous respirons. Cessons d'avoir peur et cessons de réagir aux peurs véhiculées et entretenues par des mercantis, le problème est là ! Cependant, le débat existe bien.
Entre sécheresses, canicules, inondations et… bassines, le débat est bien présent, tout à la fois irrationnel et passionnel que radicalisé. Irrationnel et passionnel parce que cela touche notre quotidien et notre survie, radicalisé parce que l’on doit être pour ou contre. Nous ne savons pas trop pour quoi, ou contre quoi, mais il n'y a pas beaucoup de place, dans ce débat, pour la temporisation, la modération et la lucidité. Cependant, c'est ce que nous allons tenter de faire… Dans les Deux-Sèvres, deux conceptions s'opposent de plus en plus durement. Les actes d'incivilité se succèdent. La situation des Deux-Sèvres est assez symbolique et représentative de ce qui se passe autour de la « guerre de l'eau ». Et pourtant, il ne manque pas d'eau et l'eau n'est pas une ressource, faut-il le rappeler ?
D'un côté, nous avons des agriculteurs qui, afin de produire, affirment que le stockage de l'eau est vital pour eux. S'ils n'ont pas d'eau en réserve, ils ne pourront pas produire. Certes, ce n'est pas tout à fait faux, mais… mais, irriguer leurs cultures répond aux exigences des industriels qui collectent leurs récoltes (dates de récoltes, régularité, qualité, etc.). Il s'agit avant toute chose de préserver, quoi qu'il en coûte, l'agriculture industrielle. En effet, une grande partie de la production agricole qui sera irriguée n'est pas destinée à l'alimentation locale voire nationale mais va à l'export ou même participera à remplir les méthaniseurs ! En faisant du chantage alimentaire – pas d'eau, pas de nourriture – les partisans des « bassines » exacerbent les crispations. Au fond, ils ne veulent pas vraiment remettre en cause l'agri-business, qui, pourtant, est à l'origine de leurs maux, qu'il s'agisse de l'eau, ou de la façon d'aborder leurs pratiques agricoles ou encore de leurs relations aux industriels. L'irrigation n'est pas mauvaise en soi, c'est même une bonne chose, puisqu'elle permet, tout de même, de garantir des récoltes, en traversant les périodes sèches. Ce qui fait, et devrait faire, débat ce sont bien les conditions de remplissage des bassines, le mode de stockage (qui est fait par imperméabilisation du sol), et surtout l'accès à l'eau. Or, seuls ceux qui auront accès aux capitaux, auront accès à l'eau, donc pourront produire. Avoir accès à l'eau donnera un droit à vivre. Les autres pourront crever ! C'est tout simplement inacceptable, cette gestion de l'eau est inacceptable !
« En filigrane de ces oppositions radicalisées se profile la marchandisation de l'eau, de notre eau, ce bien commun à tous. »
Les opposants aux « bassines », eux, ce qu'ils proposent en alternative, c'est l'application de la « continuité écologique ». Voilà une belle formule qui promeut un écoulement sans entrave de l'eau, et c'est la loi ! Autant dire que nous devons laisser couler l'eau librement. La « continuité écologique », telle que définie, appliquée et imposée, est un véritable bras d'honneur aux civilisations anciennes (Incas, Aztèques, Romains etc.) qui, par empirisme, avaient acquis une connaissance prodigieuse de l'eau. Il ne leur serait jamais venu à l'idée de laisser couler l'eau alors que justement ils en avaient besoin. D'un côté, ces mêmes personnes demandent l'économie d'eau, pour ne pas dire son rationnement, et de l'autre côté exigent que l'eau puisse s'écouler sans freins jusqu'à l'océan. Quel beau paradoxe ! En fait, les opposants aux bassines ont raison de s'opposer à ce type de gestion de l'eau, mais ils le font pour de mauvaises raisons.
Défendre la « continuité écologique », cette idée totalement saugrenue, qui part d'une idéologie farfelue érigée en dogme INCON-TES-TABLE, nous mènera tous à la catastrophe : le manque d'eau. Car nous allons accélérer le transfert de notre eau douce vers la mer. En fin de compte, nous organiserons l'expulsion de notre eau douce. Cette eau douce dont nous avons tant besoin. Il faut drastiquement ralentir son ruissellement et même la stocker, mais pas avec des « bassines ». Le combat des « anti-bassines » est faussé par leurs objectifs. L'ironie veut que leurs revendications et activisme feront le jeu de leurs adversaires « pro-bassines » et nous conduiront tout droit à la mise en place d'une logique monétisable d'un bien commun. Les belligérants de ce combat se rejoindront malgré eux. En filigrane de ces oppositions radicalisées se profile la marchandisation de l'eau, de notre eau, ce bien commun à tous.
Mark Shepard, agriculteur américain à la New Forest Farm, nous rappelle, en guise de ligne de conduite, qu'« il faut faire en sorte que chaque goutte de pluie qui tombe sur votre ferme y reste le plus longtemps possible ». Par cette rhétorique, il faut comprendre deux choses. Tout d'abord, l'eau, de toute façon, nous échappera, soit par infiltration, soit par ruissellement, soit par évapotranspiration, soit par évaporation, et c'est justement cela dont nous avons besoin pour alimenter le cycle de l'eau. Mais, nous ne la retiendrons pas. In fine, l'eau terminera toujours son cheminement dans une rivière, toujours ! Ensuite, il faut concevoir que l'eau, avant de terminer son périple dans une rivière (afin de se déverser dans l'océan) – certes, l'eau n'est pas perdue, mais cela reste un immense gaspillage d'eau douce – doit être gérée dès que la pluie touche le sol.
En définitive, nous devons réparer et compenser, ce qui a été abîmé depuis 60 ans. À savoir, la rectification des cours d'eau, l'assèchement des zones humides, la destruction de nos sols et l'étalement sans cesse, sans fin, des surfaces artificialisées. S'intéresser à l'eau dans les rivières est louable, mais il vaudrait mieux s'intéresser à l'eau avant qu'elle n'arrive dans les rivières et cela dans l’intérêt de tous, y compris les poissons. L'eau est un bien commun, seuls son traitement et son acheminement doivent être facturés. Si nous acceptons de payer ce bien commun, nous mettrons le doigt dans un engrenage infernal. Aujourd'hui, c'est l'eau. Demain, ce sera l'air que nous respirons. Après-demain, la vie elle-même pourrait être une marchandise. Ne laissons pas nos émotions et la peur nous guider. Elles sont de bien piètres conseillères. Les solutions existent, sont simples, peu onéreuses et efficaces. Ne mettons pas nos vies entre les mains des mercantis.
Cet article est le 3285 ème sur le blog MRC 53 - le 87ème, cat. Climat énergies environnement