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Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.

La note d'Arnaud Montebourg, suite à son audition par le Conseil d'Etat

La question de la souveraineté nationale est d'intérêt supérieur pour le pays


 

La Fondation Res Publica a publié la note d’Arnaud Montebourg produite lors de son audition par la Section du Rapport et des Etudes du Conseil d’Etat (novembre 2023). Voir le document :

"Europe et souveraineté nationale : où en est-on, que faudrait-il faire ?"

 

Lors de mon audition devant la Section des Études et du Rapport du Conseil d’État présidée par sa présidente Martine de Boisdeffre, le 27 novembre 2023, j’ai présenté brièvement le contexte alarmant auquel la France est aujourd’hui exposée en raison de la perte de souveraineté dont la population a parfaitement conscience.

 

Cette perte de souveraineté conduira les Français à réclamer et obtenir correction et réparation, dans la lignée de la tradition politique d’un pays, la France, qui n’a jamais supporté la dépossession de sa liberté collective ni davantage les humiliations.

 

Une souveraineté économiquement affaiblie, ainsi qu’en témoignent les fondamentaux économiques démontrant notre dépendance économique et financière extrêmes : record du déficit commercial et du surendettement de l’État. Certains économistes qualifient à juste titre la France de pays « détenu » par ses créanciers.

 

Une souveraineté politiquement aliénée, car non consentie, en raison de la transposition par les parlementaires du Traité de Lisbonne en violation de la volonté du peuple souverain qui, dans son expression directe, avait refusé le Traité Constitutionnel Européen en 2005. Cet usage parlementaire de la transposition d’un traité refusé par le peuple souverain nourrit malheureusement un divorce grandissant entre les Français et leurs représentants politiques.

 

Une souveraineté internationalement défaite, comme en témoigne la dure litanie des pertes de contrôle de nos fleurons industriels en 20 ans (Arcelor, Péchiney, Alstom, Technip, Alcatel, Lafarge, Essilor), l’affaire du rachat par EDF des turbines Alstom vendues à l’américain General Electric 10 ans plus tôt faisant culminer l’inconséquence au niveau d’un ridicule déshonorant ; tout comme la France devenue une colonie numérique des États-Unis, comme en témoignent notre incapacité à nous défendre contre les intrusions numériques (affaires Snowden et Pegasus) ni davantage à organiser la réduction de la domination des géants américains du numérique sur notre économie domestique et nos fonctions nationales vitales.

 

Enfin, une souveraineté juridiquement mutilée, en raison de la dépossession sérieuse et continue des pouvoirs appartenant au législateur, pourtant seul dépositaire selon la Constitution de l’exercice du pouvoir législatif. Une Commission Européenne, un Conseil Européen et cinq Cours suprêmes (Conseil Constitutionnel, Cour Européenne des Droits de l’Homme, Cour de Justice de l’Union Européenne, Conseil d’État, Cour de Cassation) fabriquent à jet continu des décisions rivalisant de zèle pour écarter nos lois, relativiser leur application, interdire tout ou partie de leur contenu et inventer toutes sortes de règles afin de les rendre caduques. Écrire la loi et par conséquent prendre des décisions en toute indépendance est devenu un travail de slalomeur serré entre les bâtons hérissés d’interdits illisibles, imperfectibles, instables et parfaitement illégitimes.

 

Cette mutilation est le fruit de la sédimentation au long cours de nombreuses décisions mais deux d’entre elles relèvent de la lourde responsabilité du Conseil d’État sur lesquelles j’ai prié mes interlocuteurs d’attacher leur attention. Il s’agit de l’arrêt d’Assemblée du 20 octobre 1989 dit « Nicolo », consacrant la supériorité absolue des traités sur les lois. Et l’arrêt de principe et d’Assemblée par le même Conseil d’État en date du 21 avril 2021, dit « French Data Network », refusant le contrôle des excès de pouvoirs des institutions de l’Union Européenne, se refusant ainsi à contrôler ce que le Tribunal Constitutionnel de Karlsruhe organise depuis bien longtemps en Allemagne.

 

Je leur ai indiqué, comme membres du Conseil d’État, qu’il revient désormais à celui-ci de corriger de lui- même ces deux décisions qui sont des atteintes sérieuses à notre souveraineté, avant que de futures réactions politiques, et des plus fortes, ne placent cette noble et indispensable institution au cœur d’une réforme cruelle et définitive.

 

Pour ma part, je placerai ce travail de revirement de jurisprudence indispensable au nom de l’intérêt supérieur de la France, ou de correction de trajectoire de ces deux décisions, dans le cadre qui devrait s’imposer à terme de lui-même : la reconstruction d’un système juridico-politique souverain restaurant la primauté de la loi, outil de sauvegarde et de protection de l’intérêt national, ce dont notre pays a un besoin urgent.

En effet, l’intégration par des règles uniques ou uniformes applicables à des Nations dont l’histoire, la géographie et la culture sont disparates ne peut pas susciter l’adhésion, et provoque souvent à bon droit le rejet. L’Union ne peut pas être l’uniformisation. Et à l’intégration juridique, il faut préférer la coopération politique.

C’est pourquoi, pour préserver le futur de l’Union Européenne, il paraît nécessaire de mettre un certain terme à cette intégration juridique excessive, pour ne pas dire d’inspiration extrémiste, à tout le moins permettre souplesse et liberté aux Nations membres, et au total accepter que les intérêts nationaux prévalent lorsqu’ils le souhaitent et limiter les règles communes au strict nécessaire.

La question n’est donc pas : faut-il moins ou plus d’Europe ? La question est plutôt : il faut moins d’intrusion dans la vie des peuples et plus de protection des peuples contre les menaces extérieures par l’Union Européenne, deux objectifs de bon sens dont elle s’est malheureusement montrée jusqu’ici incapable de défendre.

Voir aussi dans Les actes des colloques (19 décembre 2023) : Quel avenir pour l'Europe ?

Henri Guaino propose de placer la loi au-dessus des traités afin de restaurer la responsabilité politique, condition de l'exercice de la démocratie. Extrait.

Pour comprendre ce que nous pouvons faire à l’échelle de la France pour enrayer cet engrenage infernal, il faut revenir à l’arrêt Nicolo, cet arrêt du Conseil d’État qui, en 1989, après une jurisprudence constante depuis 1958 – qui avait d’ailleurs été celle aussi de la Cour de cassation jusqu’en 1975 – a décidé que ce n’était plus la dernière volonté du législateur qui l’emportait mais les conventions internationales, mais que les traités étaient toujours supérieurs à la loi nationale comme le disait la lettre de l’article 55 de la Constitution : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ».

Dès lors, au fur et à mesure que s’étend le champ des conventions internationales et du droit européen, il sert de moins en moins à grand-chose d’aller voter et la crise de la démocratie devient inéluctable. La seule voie raisonnable est donc de réformer l’article 55 de la Constitution de façon à ce que ce soit de nouveau la dernière volonté du législateur qui l’emporte : quand la loi est postérieure au traité c’est la loi qui doit l’emporter, quand le traité est postérieur à la loi c’est le traité qui doit l’emporter.

Cet article est le 3336 ème sur le blog MRC 53 - le 155ème, catégorie France et Europe

Article paru le 08 avril 2024 sur http://mrc53.over-blog.com

Arnaud Montebourg, le 25 septembre 2021, à Frangy-en-Bresse, au lancement de sa candidature à l'élection présidentielle 2022

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