Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
La production de lait de vache se concentre dans quelques départements
C'est un tour d'horizon complet de la filière laitière française qui a été effectué le 12 novembre 2024 sous la conduite d'un fin connaisseur*, Gérard You. Il intervenait à la demande de l'association MARS Mouvement Agricole Rural et Solidaire.
Voir le compte rendu (Philippe Chotteau et Jean-Claude Guesdon) ici : Restructuration de la filière lait de vache en France et, précisément, la présentation de Gérard You.
* Gérard You a été chef du Service Economie des Filières à l'Institut de l'élevage (Idele) et a, notamment, dirigé des études sur les marchés européens et mondiaux des produits laitiers.
Les paradoxes de la filière laitière française
Le contexte laitier français au sein de l’UE est très particulier : depuis la fin des quotas en 2015, la production nationale de lait de vache a baissé (-7,4% entre 2015 et 2023) quand dans d’autres pays (Irlande, Pologne, Italie en particulier) elle progressait fortement.
Cela tient au mode de gestion des quotas qui était très contraignant en France. Dès 2010, avec l’obligation (nationale) de mettre en place des contrats pour toutes les laiteries, on est passé de contraintes de volumes administrés à des contraintes contractuelles : les laiteries privées ont attribué à chaque producteur une référence en volume.
Les coopératives, obligées de collecter tout le lait de leurs sociétaires, ont quant à elles pour la plupart mis en place des systèmes de double prix/double volume.
En outre, l’évolution divergente de la production laitière s’est poursuivie, voire même intensifiée depuis 15 ans. La dynamique de production a été très disparate selon les régions, avec un effondrement dans le Sud-Ouest ou en Poitou-Charentes, pour se concentrer dans une poignée de départements. La production a ainsi progressé en Bretagne (surtout en 35 et 44), dans une partie des Pays de la Loire (44 et53) et de la la Basse-Normandie (50 et 61), en Franche Comté (25 et 39), dans les Savoie…
Il y a un vrai paradoxe apparent : la production française baisse alors que la demande intérieure se maintient bien malgré l’inflation. Mais il faut être plus précis. La collecte en bio a fortement progressé (jusqu’à 5% de la production nationale en 2022), mais fait désormais face à une demande en berne. La collecte de laits transformés en fromages, beurre et crème AOP(13%) correspond bien à la demande, tant interne qu’externe. Pour le reste, le lait conventionnel est transformé majoritairement (61%) en produits de grande consommation (fromages, crèmes, ultrafrais, laits liquides), à 19% en beurres (dont une bonne partie à usage industriel) et à 19% en ingrédients secs (poudres de laits et de lactosérum). Ce sont ces derniers qui sont principalement exposés à la concurrence internationale et à la forte volatilité des prix.
Or les marchés internationaux ont été fortement affectés par la fermeture du marché russe en 2015, puis par les soubresauts climatiques et géopolitiques qui sont de plus en plus marqués.
Les importations équivalent à environ 1/3 de la demande intérieure (7 milliards de litres sur 21 milliards de litres équivalent lait), essentiellement depuis d’autres pays européens. Tandis que les exportations totalisent pratiquement 10 milliards de litres et mobilisent 40% de la collecte laitière française. Une bonne partie de ces exportations sont des fromages bien valorisés, mais un tiers sont des ingrédients secs sur les marchés mondial (y compris les poudres de lait infantile).
Les coopératives collectent 55% du lait français, mais n’en transforment que 45%. Le reste est transformé par des entreprises privées : certaines sont des leaders mondiaux (Lactalis n°1, Savencia, Bel, Danone) ou par des acteurs régionaux comme Andros, Triballat, Fréchard, la SILL.
Là aussi c’est un paysage original en Europe, puisque les coopératives sont dominantes dans la plupart des pays du Nord de l’UE. Parmi les coopératives en France, le leader Sodiaal est présent sur tout le territoire, deux autres sont de grande taille (EURIAL et Laïta) et plusieurs acteurs sont sur un ou deux départements (MLC, Isigny-Ste Mère, L’Hermitage, Alsace Lait…). Certaines coopératives (LaitNAA, ULM, Unicoolait, …) ne font que collecter le lait et le revendent à des transformateurs privés (...).
La situation particulière du leader mondial des produits laitiers, Lactalis, dont le siège est à Laval (Mayenne), a été abordée dans le débat qui a suivi l'exposé de Gérard You.
Cette décision unilatérale de Lactalis , prise brutalement et sans concertation avec les OP (organisations de producteurs constituées au sein de l’entreprise et coordonnées au sein d’une union d’OP-UNEL) est peu compréhensible pour les observateurs extérieurs à l’entreprise.
Elle apparait comme une faute de communication ou une provocation inutile, en tous les cas nuisible pour les producteurs de lait . Certes depuis la fin des quotas, les contrats commerciaux passés entre les éleveurs et les entreprises privées sont de 5 ans avec un préavis de 1 an, ils restent donc négociables. Mais leur dénonciation brutale sans concertation a choqué et ne peut que renforcer les interrogations sur le maintien de la ressource à plus long terme.
Pourtant, le dialogue avec les organisations de producteurs aurait pu conduire à des solutions négociées de transferts de producteurs entre entreprises aux stratégies et aux besoins différents. D’ailleurs, après l’émoi et la pression organisée sur ces producteurs, les solutions de « reprises des producteurs concernés », par des groupes privés ou des coopératives, semblent pouvoir être trouvées.
L’avenir dira si, pour les producteurs de Lactalis à qui on fait miroiter un possible meilleur prix du lait par une valorisation de proximité sur l’Hexagone plus qu’à l’international et pour les producteurs qui en auront été exclus, cette nouvelle donne offrira une meilleure rémunération.
Seule certitude, c’est la stratégie de renforcement de la marge et du résultat pour l’entreprise Lactalis qui est mise en œuvre aujourd’hui avec ces décisions.
Cet article est le 3403 ème sur le blog MRC 53 - le 491ème, catégorie AGRICULTURE et PAC
Article paru le 17 décembre 2024 sur http://mrc53.over-blog.com/