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Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.

Mayotte : repenser les mobilités au niveau de l'archipel des Comores

Restreindre le droit du sol aura peu d'effet sur l'immigraton irrégulière


 

Le cyclone Chido - qui a dévasté Mayotte - oblige la nation française à voir la réalité de la situation dans l'archipel des Comores.

Rappel des articles précédents :

- CiViQ, 28 décembre 2024 : Mayotte, île française des Comores, département où la vie s'est arrêtée

- CiViQ, 31 décembre : Mayotte et les Comores, les ambiguïtés d'une situation post-coloniale

- MRC53, 31 décembre : Le Premier ministre François Bayrou présente le plan "Mayotte debout"

 

Le Parlement français délibère sur le droit du sol à Mayotte, à l'initiative des députés "Droite républicaine" à l'Assemblée nationale. Avec l'idée de généraliser l'exception mahoraise à l'ensemble du territoire national.

Le site français "The Conversation" a publié le 5 février un texte bien documenté de Jules Gazeaud, chargé de recherche CNRS à l'Université Clermont Auvergne. Extraits.

Restreindre le droit du sol à Mayotte : une proposition inefficace

 

Le 6 février, l’Assemblée nationale a voté une proposition de loi des Républicains visant à restreindre le droit du sol à Mayotte. Soutenue par les macronistes et le RN, cette loi exige désormais que les deux parents d’un enfant né à Mayotte résident régulièrement en France depuis trois ans pour que l’enfant obtienne la nationalité française. Initialement, il suffisait qu’un seul parent soit régularisé et résidant depuis trois mois. Or, il est peu probable que cette réforme change la donne en matière d’immigration irrégulière dans la région.

Seulement quelques jours après le passage du cyclone Chido qui a dévasté Mayotte, le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau, issu des rangs du parti Les Républicains (LR), a évoqué la nécessité de « traiter la question migratoire » dans l’archipel et a ainsi remis sur la table la question du droit du sol.

Depuis 2018, une dérogation du droit du sol restreint la possibilité de devenir Français pour les enfants nés à Mayotte. Un enfant né de parents étrangers peut devenir français à sa majorité (ou par déclaration anticipée à partir de ses 13 ans) si au moins l’un de ses parents résidait légalement en France au moment de sa naissance depuis au moins trois mois.

Mercredi 29 janvier, les députés ont adopté en commission une proposition de loi des LR visant à durcir cette règle en exigeant que les deux parents aient résidé de manière légale et ininterrompue à Mayotte au moins un an avant la naissance de l’enfant. Le texte doit maintenant être examiné par l’ensemble des députés jeudi 6 février.

Cette proposition se distingue de celle avancée par Emmanuel Macron au début de l’année  2024 qui prévoyait la suppression complète du droit du sol à Mayotte et qui aurait nécessité une réforme constitutionnelle. Selon le président du groupe Droite républicaine Laurent Wauquiez, cette nouvelle proposition a « vocation à être étendue sur l’ensemble du territoire français. »

La réforme de 2018 n’a produit aucun effet visible sur l’immigration irrégulière

Pourtant, si elle devait être adoptée, il est peu probable que cette réforme change la donne en matière d’immigration irrégulière (...).

Les Comoriens fuient la misère

Le droit du sol n’est qu’un facteur secondaire de la pression migratoire à Mayotte. La majorité des migrants viennent des îles comoriennes voisines, où le PIB par habitant est onze fois plus faible et les infrastructures sanitaires défaillantes : la mortalité maternelle y est douze fois plus élevée qu’à Mayotte, et la mortalité infantile quatre fois supérieure. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que de nombreux Comoriens tentent leur chance à Mayotte.

La mobilité entre les îles des Comores est une réalité qu’aucune politique restrictive ne pourra effacer. L’instauration du visa Balladur en 1995 a mis fin à la libre circulation entre les Comores et Mayotte, mais elle n’a pas empêché les migrations : elle les a rendues plus dangereuses et coûteuses, favorisant l’émergence de routes irrégulières.

Aujourd’hui, la politique migratoire repose essentiellement sur des expulsions massives et la précarisation juridique et sociale des migrants, ce qui a participé à aggraver le bilan tragique du cyclone Chido.

Repenser la politique migratoire dans la région

Cette politique produit en outre des effets pervers rarement discutés : d’une part, elle tend à « fixer » les migrants à Mayotte au lieu d’encourager les allers-retours, car certains préfèrent rester à Mayotte de peur de ne plus pouvoir y revenir ; d’autre part, elle crée de nombreux mineurs isolés suite à l’expulsion de leurs parents. Ces enfants sont difficiles à recenser, mais les associations et pouvoirs publics estiment qu’ils seraient entre 3 000 et 4 000 à Mayotte, et ils sont souvent accusés d’être l’une des sources de la violence que connaît l’île.

Il est crucial d’envisager une voie plus réaliste et mieux adaptée aux dynamiques de l’archipel. Cela passe évidemment par un renforcement des infrastructures sanitaires pour trouver des solutions aux graves problèmes de santé publique auxquels est confrontée la population comorienne. Il serait aussi pertinent de mettre en place un nouveau cadre migratoire qui favorise des déplacements sûrs et encourage les allers-retours, à l’image de ce qui existe ailleurs.

C’est le modèle adopté notamment entre Singapour et la Malaisie, où les écarts de richesses sont également considérables – le PIB par habitant de Singapour est près de sept fois supérieur à celui de la Malaisie – et où 80 000 travailleurs malaisiens peu qualifiés traversent quotidiennement la frontière pour travailler à Singapour grâce à des visas de travail spéciaux, des contrôles douaniers allégés, et un système de transport efficace.

Plus près de chez nous, les migrations pendulaires entre la France et la Suisse ou le Luxembourg sont courantes, avec chaque jour de nombreux Français qui traversent la frontière pour travailler dans ces pays voisins.

Accepter que Mayotte et les Comores sont des voisins, et non des adversaires, ouvrirait la voie à une gestion plus fluide et humaine des mobilités, tout en contribuant à répondre aux enjeux économiques et sociaux considérables auxquels ces territoires sont confrontés.


 

Cet article est le 3451 ème sur le blog MRC 53 - le 164ème, catégorie France et Europe

Article paru le 09 février 2025 sur http://mrc53.over-blog.com/

Mayotte : repenser les mobilités au niveau de l'archipel des Comores
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