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Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.

L'Allemagne présidera l'Union européenne durant le premier semestre 2007

 

Allemagne « prédatrice » ou Allemagne « européenne » ?

 « L’Union doit avoir une claire vision de son futur ». C’est ce qu’affirme Georges Garot, président de la Maison de l’Europe en Mayenne, dans la Lettre d’information n° 15 qui vient de paraître (voir, après les fêtes, cette Lettre sur www.maison-europe-mayenne.org ).

 Il ajoute :  « La France a une responsabilité particulière (…). Après le blocage*, ses partenaires sont en droit d’attendre qu’elle propose des solutions pour sortir de l’immobilisme et ouvrir des perspectives politiques consensuelles. Puisse notre pays saisir l’opportunité d’en lancer le débat devant les citoyens, au cours de la campagne présidentielle ! »

 *Le blocage est, bien sûr, le refus du peuple français de ratifier le TCE.

 Georges Garot semble éprouver quelques difficultés à admettre que ce refus peut se révéler salutaire pour l’avenir de l’Union et de la République française dans l’Europe. Il ne lui vient pas à l’esprit que la France n’est pas seule en cause dans ce « blocage » et qu’il peut y avoir des solutions autres que constitutionnelles.

 Le point de vue d’Alfred Grosser, sous le titre « L’Allemagne à l’avant-garde de l’Europe », dans Ouest-France, ce 29 décembre, suit la même logique.

 Il cite « le grand journal Süd-deutsche Zeitung, qui vient de consacrer un gros supplément clair et franc, critique mais positif, à la construction européenne.

 Une page est consacrée à la France sous le titre « L’ami incertain » ou sur lequel on ne peut pas compter. Il n’y a, en effet, pas de couple franco-allemand si l’un des deux partenaires ne connaît plus l’Europe qu’au travers de critiques, de griefs destinés à détourner le regard des défaillances nationales ».

 Désolé, Monsieur Grosser, l’Allemagne n’est pas à l’abri de critiques sur sa politique économique, comme le font Jean-Pierre Chevènement et Guillaume Duval, ci-après.

 Jean-Pierre Chevènement :

 La France et l’Europe ont besoin d’une Allemagne européenne 

Celui qui était alors candidat à l’élection présidentielle avait pointé ce problème le 13 novembre dernier, devant les journalistes, en présentant les priorités de sa politique en vue de l’élection présidentielle.

 Extraits de sa déclaration, concernant le premier chantier de sa première priorité

 « La réorientation de la construction européenne pour relancer la croissance et l’emploi »

« Le rapport franco-allemand est la condition sine qua non de la réorientation de l’Europe. Il nous faudra gagner l’Allemagne à une conception qui privilégie la croissance interne en Allemagne et en Europe plutôt que la croissance de ses exportations hors d’Europe. L’Allemagne réalise 70 % de ses exportations vers l’Europe au sens large, y compris la Russie , et son PIB est le tiers du PIB européen.

 Cette réorientation européenne irait dans le sens des intérêts du monde du travail en Allemagne même, où il existe plus de quatre millions de chômeurs mais elle ne correspond pas à la politique actuelle du gouvernement Merkel qui prévoit une hausse de trois points de la TVA et une baisse à 30 % de l’impôt sur les sociétés. Cette politique est celle des milieux dirigeants de l’industrie et de la banque. Elle ne répond pas aux intérêts du monde du travail ni de l’Allemagne elle-même.

Il faudra faire prendre conscience à l’opinion publique allemande de la nécessité d’un changement de cap « européen ». Ce sera une de nos tâches.

 Le retournement probable de la conjoncture américaine et mondiale peut créer, à bref délai, les conditions favorables à cette réorientation. Nous avons besoin d’une Allemagne européenne.

 A cette condition nous pouvons accepter, non pas une nouvelle Constitution européenne, mais un petit traité institutionnel pour faciliter les prises de décision ».

 Guillaume Duval :

 « L'Allemagne prédatrice. Sa politique porte une responsabilité très lourde dans le marasme économique de l'Europe ».

 L’intérêt de l’article, ci-après, paru le 28 décembre dans Libération sous la signature de Guillaume Duval, rédacteur en chef du mensuel Alternatives économiques, et sous le titre « L’Allemagne prédatrice », est de mettre en évidence la responsabilité de l’Allemagne dans le projet européen.

« L'Allemagne prend la présidence de l'Union européenne au 1er janvier. Fidèle à l'héritage d'Helmut Kohl, son père spirituel en politique, Angela Merkel voudrait faire de cette présidence un temps fort de la relance de l'intégration européenne, au moment où on fête les 50 ans du traité de Rome.

 Sur le plan institutionnel, la tâche s'annonce difficile, du fait en particulier des élections françaises qui gênent toute initiative majeure. Et l'idée qu'on lui prête de vouloir faire revivre le projet de traité constitutionnel rejeté en 2005 par les électeurs français et néerlandais, ne paraît guère destinée à un grand avenir.

 Pourtant l'Allemagne pourrait apporter une contribution majeure à la relance du projet européen, si elle rompait enfin durablement avec les politiques économiques et sociales excessivement restrictives suivies depuis plus de dix ans maintenant outre-Rhin.

 Ces politiques portent une responsabilité très lourde dans le marasme économique de la zone et sont, de ce fait, une des causes principales de la méfiance que suscite désormais le projet européen en France et ailleurs. En particulier parmi les couches populaires.

Depuis le milieu des années 90, l'Allemagne s'inflige en effet une austérité dont on peine en général à mesurer toute l'ampleur de ce côté-ci du Rhin. C'est bien simple : entre 1995 et 2006, la masse salariale totale distribuée au sein de l'économie allemande n'a progressé que de 9,5 % en valeur nominale, c'est-à-dire sans même en déduire l'inflation, selon les chiffres de la Commission européenne.

 Alors que, dans le même temps, cette masse salariale progressait de 49 % en France, de 56 % dans l'ex-Europe à 15, de 103 % en Espagne et de 128 % au Royaume-Uni...

 Résultat : en onze ans, la demande intérieure allemande ne s'est accrue que de 9 % à prix constant ­ c'est-à-dire une fois l'inflation déduite ­ contre 21 % en Italie, 29 % en France, 43 % au Royaume-Uni et 61 % en Espagne. Bref, durant toute cette période, l'économie allemande a été, avec une constance remarquable, un boulet pour l'Europe.

 En cause, au premier chef, les politiques économiques et sociales extrêmement rigoureuses menées par les gouvernements depuis le milieu des années 90 afin d'abaisser le coût du travail allemand. Et particulièrement par ceux que Gerhard Schröder, le prédécesseur social-démocrate d'Angela Merkel, a dirigés jusque fin 2005.

 Ceci était l'effet d'un syndrome classique : en 1998, la gauche revenait au pouvoir pour la première fois après seize ans d'opposition et elle s'est sentie obligée d'en rajouter, par rapport aux chrétiens démocrates, dans l'austérité et la remise en cause du modèle social allemand pour rassurer les milieux d'affaires et les convaincre de sa crédibilité en matière économique...

 Après les importantes dépenses publiques suscitées par la réunification de 1989 et la hausse des coûts salariaux qui en avaient résulté au début des années 90, une certaine rigueur s'imposait en effet pour que l'économie allemande retrouve sa compétitivité. Mais cela fait au moins cinq ans maintenant que cette question est réglée : la balance allemande des opérations courantes, qui était devenue ­ légèrement ­ déficitaire en 1991, est de nouveau excédentaire depuis 2001.

 Et ces surplus se sont constamment accrus depuis, pour devenir à présent colossaux, avec presque 160 milliards d'euros d'excédent commercial en 2006. Soit 6,9 % du PIB allemand ou encore 9 % de toutes les richesses produites en France en un an !

 Ces excédents sont généralement vus en France comme le signe du retour en forme de l'économie allemande. Une erreur de diagnostic : c'est en effet surtout l'effondrement de l'investissement au sein de l'économie allemande, tombé de 21,4 % du PIB en 2000 à 17,1 % en 2005, qui les explique. Un trou que la remontée de l'investissement à 17,6 % du PIB, observée en 2006, est encore très loin de combler.

Alors que, dans le même temps, l'épargne s'accroissait de 19,5 % du PIB en 2001 à 22,1 % l'an dernier, freinant la consommation et traduisant l'inquiétude persistante des Allemands devant l'avenir, ainsi que le déséquilibre massif du partage salaires-profits dans les entreprises.

 Ce qui n'est pas rassurant, c'est que ces surplus commerciaux gigantesques sont accumulés aux dépens des voisins européens de l'Allemagne, contribuant en particulier à mettre leurs industries en difficulté. En effet les excédents allemands à l'égard du reste du monde stagnent depuis quatre ans déjà tandis que ceux dégagés avec les autres européens ont continué de croître. Au point de représenter 100 milliards d'euros en 2006, pratiquement les deux tiers du total.

 Depuis le début des années 2000, la poursuite des politiques de baisse du coût du travail voulues par les gouvernements allemands est donc devenue prédatrice : il s'agit désormais d'un véritable dumping social vis-à-vis de ses voisins européens. En particulier de la France qui affiche un déficit extérieur aussi important à l'égard de l'Allemagne que de la Chine.

 Si Angela Merkel veut vraiment relancer l'Europe, c'est donc d'abord à l'accroissement de la demande intérieure allemande qu'elle doit s'atteler, plutôt que de tenter de ressusciter des chimères institutionnelles moribondes. Avec une croissance du PIB de 2,5 %, dont 1,8 % dû à la demande intérieure, l'année 2006 a certes marqué un progrès dans ce sens.

 On aurait tort cependant d'en attribuer le mérite à l'action du nouveau gouvernement : ce rebond est en effet dû plutôt à son inaction.

 Plusieurs mois avant les élections de septembre 2005, le gouvernement Schröder, conscient de son impopularité, avait lâché du lest par rapport à la politique hyper-restrictive qu'il avait menée jusque-là. Par la suite, le nouveau gouvernement de grande coalition d'Angela Merkel a mis de nombreuses semaines à se constituer puis à se mettre au travail. Et c'est grâce à ce retard que l'année 2006 a été moins mauvaise que d'habitude pour l'économie allemande.

 Mais, pour l'avenir, il y a tout lieu d'être de nouveau inquiet au vu de la hausse de trois points de TVA intervenue au 1er janvier et des nombreuses mesures programmées dans les prochains mois afin de poursuivre la baisse du coût du travail allemand.

 Il est grand temps que les voisins de l'Allemagne, et en particulier les femmes et les hommes politiques français, se décident à placer Angela Merkel et ses alliés sociaux-démocrates devant leurs responsabilités européennes et somment le gouvernement allemand de faire le nécessaire en termes de soutien à la demande intérieure afin de diminuer ses excédents commerciaux à l'égard des autres pays de l'Union.

 Pour pouvoir relancer l'Europe il faut rompre en effet avec la langue de bois d'une amitié franco-allemande mal comprise, car fondée sur les non-dits et l'hypocrisie ».

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