Le préfet des Côtes-d’Armor ne doit pas se résigner
Les agriculteurs bretons, par la voix du président de la Chambre régionale d’agriculture, dénoncent des propos irresponsables de la part du préfet des Côtes-d’Armor qui a osé dire la vérité sur les pratiques agricoles qui sont à l’origine de la pollution des plages par les algues vertes.
- Voir Les origines du phénomène des algues vertes (communication de la préfecture)
- Algues vertes. Le rapport confidentiel du préfet qui accable les agriculteurs (Ouest-France)
- Algues vertes : les agriculteurs bretons dénoncent la note préfectorale (Le Monde).
France Nature Environnement n’a pas manqué de publier, ce 21 octobre, un long communiqué de presse relatif à cet évènement.
Un constat sans appel
Le préfet y dresserait un état des lieux sans complaisance pointant clairement la responsabilité de l’agriculture et de l’élevage en particulier et l’inefficacité des dispositions prise par les autorités publiques, jusqu’à maintenant (directive nitrate, programme d’action bassin versant contentieux, moyens incitatifs, contrôles et renforcement de l’application de la réglementation).
Un aveu d’impuissance…
Ce constat posé le Préfet évoquerait la nécessité de « révolutionner […] les pratiques agricoles et changer complètement le modèle économique existant » mais ajoutant immédiatement que « cette évolution n’est pas envisageable pour le moment » parce que la profession n’y serait pas prête ! Et de conclure que pour éviter les recours l’Etat doit afficher une politique volontariste…
Pourtant des solutions existent
La responsabilité du phénomène des marées verte est collective, partagée entre agriculture, assainissement urbain et tourisme, industrie, particulièrement agroalimentaire et politique conduite par l’Etat. La solution ne pourra donc être que collective. Tout comme le préfet nous considérons que seule une révolution des pratiques agricoles permettra d’endiguer le phénomène. Mais au-delà de la stigmatisation d’une profession en particulier c’est bien l’ensemble du modèle économique et social qu’il faudra revoir en profondeur pour réussir à réduire d’au moins 40% les effluents arrivant à la mer d’ici 2012, engagement pris par l’ensemble des parties prenantes, y compris les organisations professionnelles agricoles, lors du Grenelle de la Mer.
Si l’action doit être drastique pour être efficace il faut se méfier des solutions radicales au point d’être caricaturales. Dans son rapport, le Préfet des Côtes d’Armor évoquerait par exemple « l’arrêt total de l’agriculture sur le bassin versant avec une conversion totale des terres en prairies fauchées mais non fertilisées ».
Pour Jean-Claude Bévillard, secrétaire national de FNE : « Il n’est pas question de stopper l'activité agricole ! La résolution du problème des algues vertes devra en revanche passer par un nouveau projet pour l'agriculture bretonne, comme l'agriculture bio et de Haute Valeur Environnementale (HVE), caractérisée par une faible dépendance aux intrants (engrais, énergie, aliments du bétail,...) et une place laissée à la nature (prairies naturelles, haies, bosquets,...). Dimensionnée en cohérence avec les capacités d'absorption du milieu, cette agriculture, liée au terroir, impacte faiblement l'environnement et permet le maintien de l’agriculture, de l’activité et du tissu social. FNE renouvelle sa demande d’une concertation entre les acteurs poli tiques, économiques, sociaux et environnementaux pour élaborer un plan global. »
Par ailleurs, il nous semble réducteur de focaliser uniquement sur la contribution de l’agriculture, minimisant de fait celle liée à la fréquentation touristique et aux pratiques de certaines collectivités et de certains habitants (assainissement, produits lessiviels et effluents organiques) ou celle de l’industrie.
Agir maintenant
Pour Christian Garnier, vice président de FNE, « FNE a mis sur la table du Grenelle de la mer la nécessaire réduction des rejets agricoles industriels et urbains, et notamment des produits lessiviels des ménages et des entreprises. Le temps n’est plus aux tergiversations, au renoncement, ni à « l’affichage d’une politique volontariste », mais à l’action. S’il faut inventer « un nouveau modèle économique », il est plus que temps de s’y engager effectivement, en s’appuyant au besoin sur les propositions réalistes portées depuis des années par les associations de défense de l’environnement ! La question des algues vertes doit être un chantier exemplaire de la concrétisation du Grenelle de la Mer. »
Pour sa part, l’association Eaux et Rivières se veut pédagogique : Eau et rivières de Bretagne : Les marées vertes.
Combattre l'eutrophisation à la source
Les cas de figure suscités ne constituent que des solutions provisoires, puisque c'est à la source que doit être supprimée la pollution, conformément aux définitions convergentes du principe de prévention : l'objectif est une fois de plus la réduction du taux de nitrate dans les cours d'eau.
· Si le réseau hydrographique s'appuie sur des eaux souterraines, toute intervention est impossible à court ou moyen terme une fois la nappe polluée. C'est donc en amont qu'il faut agir : réduire l'apport d'azote dans les sols et les eaux, ce qui implique un changement des pratiques agricoles, entre autres,
o remplacement du maïs par de la prairie,
o réduction drastique des sols nus l'hiver,
o fertilisation raisonnée.
Un tel schéma repose tout d'abord sur la perception des nuisances par toute la population, puis sur le développement de campagnes d'information et de sensibilisation auprès des agriculteurs.
· Si le réseau hydrographique s'appuie essentiellement sur des eaux superficielles, une voie à développer est l'augmentation du pouvoir épurateur du bassin versant, entre autres,
· mise en place de talus, de haies et de zones boisées,
· préservation et restauration de zones humides en fond de vallée,
· maîtrise des réseaux drainage vers les zones épuratoires.
Cependant, il est à craindre que, même mise en pratique, ces mesures ne fassent guère diminuer les fuites de nitrates. En revanche, l'adoption d'un modèle agricole non conventionnel, dit durable, comme le CEDAPA, PARADE, ou biologique serait la vraie solution. Ces systèmes engendrent des fuites d'azote incomparablement moindres. De plus, ils utilisent peu ou pas de pesticides. Cette révolution sera sans doute nécessaire pour inverser durablement le cours actuel des choses.
Quoi qu'il en soit, une fois entamées, ces opérations : pas de miracle ! Les marées vertes ne disparaîtront qu'après un temps de réponse plus ou moins long. C'est à dire lorsque les nappes polluées se seront renouvelées, et que l'azote accumulé dans le sol aura été déstocké...
Cet article est le 139ème paru sur ce blog dans la catégorie AGRICULTURE et PAC.