Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
Des retraités heureux qui travaillent sans employeurs
On trouvera les références du livre de Bernard Friot, « L’enjeu des retraites », en cliquant sur le titre de l’article publié hier (Bernard Friot et l'enjeu des retraites : une façon de déplacer le débat - 25 mai 2010).
La première partie de son exposé à Laval le 19 mai, où il était invité par le Parti de Gauche, visait à réfuter les arguments des « réformateurs », concernant le déficit et la démographie.
- L’argument du déficit ne prend pas en compte le doublement du PIB entre 2010 et 2050. Actuellement, sur une production de 2000 milliards d’euros, il est prélevé 260 milliards pour financer les retraites (il reste 1740 milliards pour autre chose). En 2050, sur 4000 M² d’euros de PIB, il faudra en prélever au moins 620 pour les retraites (il en restera 3380 pour autre chose). A noter que les prévisions du COR sont inexactes (les besoins de financement sont minorés – ils sont estimés à 100 M²). Voir Réforme des retraites : COR.
- L’argument démographique ne tient pas plus que celui de la réduction de l’effectif de paysans pour nourrir la population. Il faut tenir compte de la croissance de la productivité (3% de paysans en 2000 produisaient davantage que 30% en 1900).
Le conférencier défend le principe de la continuité du salaire à vie (100% du meilleur salaire) dans la pension, considérant qu’il s’agit de rémunérer une qualification acquise qui se maintient, de la même façon qu’on maintient leurs salaires aux chômeurs et que les fonctionnaires sont payés pour leur grade, pas pour leur poste. Les pensions varient dans une fourchette de 1 à 5 (de 2000 à 10000 euros par mois, selon quatre niveaux de qualification).
Le directeur de la collection « Travail et salariat » des éditions La Dispute s’emporte contre ce peuple français capable de gober ces insanités sur les retraites car il n’a pas confiance dans l’avenir et s’estime voué à la décadence. L’avenir collectif est plus heureux que le passé. Il faut sauver les retraites. Mais de quoi ? Le problème est dans nos têtes ! C’est ainsi que des peuples meurent…
Depuis les années 1980, la croissance va entièrement aux profits, pas aux salaires. Les prévisions de croissance du Conseil d’Orientation des Retraites (COR), basées sur une croissance moyenne de 1,7% l’an, conduisent au doublement du PIB en 40 ans. Tout doit être affecté aux salaires et aux investissements, rien aux profits. Au lieu des 18% alloués actuellement à l’investissement, il faut passer à 30%.
La retraite n’est pas un problème, c’est la solution
Nous avons l’expérience de la nocivité du capitalisme. Il faut casser le mur des lamentations. On ne présente pas ses condoléances aux salariés qui prennent leurs retraites ! Sur les 14,5 millions de retraités, actuellement, 6 à 7 millions déclarent qu’ils sont heureux de travailler. Leur agenda est bien rempli. Bonheur, liberté ? Peu importe le mot, qui est positif. Ils travaillent sans employeur (c’est une libération), sans dictature du temps.
Le travail est la mesure de la valeur. Marx dénonce la valeur travail. Notre malheur est d’être sous la coupe de la valeur travail et de la production de marchandises sous la dictature du temps. La marchandise est une abstraction (ce sont des tomates, ou des contraventions, ou encore des expulsions).
Le capitalisme a inventé un rapport au travail abstrait, des emplois (des demandeurs d’emploi et des offreurs d’emploi) pour produire des marchandises. Il fait une chasse au temps, en permanence. Marché du travail (on se bat contre le marché de l’eau, ou de la santé, jamais contre le marché du travail…), employeur et employé, marchandise, dictature du temps, c’est ce qui fait l’emploi… et le chômage, par définition.
Combien disent qu’ils n’arrivent plus à faire du bon travail, qu’ils sont en souffrance dans l’emploi ? Après cela, on peut parler de nocivité de l’emploi et se garder de revendiquer le plein emploi. Le bonheur, c’est ne pas avoir d’emploi et un salaire irrévocable. La fin de l’emploi pour tous débouche sur la pleine qualification pour tous. Un cours de CV, c’est l’acquiescement à l’aliénation. Quelqu’un qui ne fait rien est moins nocif qu’un matheux qui fait des produits dérivés dans les banques.
Chacun peut participer à la création de richesses communes. Le SMIC doit être porté à 1500 euros. La qualification démarre à 2000 euros. La qualification est comme le droit de vote pour la citoyenneté. Il faut enrichir la citoyenneté pour démocratiser l’économie. Les retraités explorent les chemins nouveaux du travail. De la fin des études jusqu’à la mort, un salaire à vie. Si nous ne renonçons pas à notre avenir collectif.
Nous souffrons en France et en Europe de sous investissement (les « investisseurs » n’investissent pas), de non croissance, de qualifications sous-utilisées.
La retraite, c’est investir en nous débarrassant des « investisseurs ». L’investisseur, ce sont des titres financiers à convertir en monnaie, la monnaie étant la valeur attribuée au produit du travail.
Il faut distinguer le droit de propriété lucrative de la propriété d’usage, qui est dans l’espace privé (épargne d’usage). Le titre est un droit sur la valeur. L’investisseur, qui se rémunère au taux de 15%, est un pur prédateur, qui vole et aliène en même temps. Il est en plein collapsus depuis deux ans.
On entend dire qu’il faut apaiser les marchés, faire des sacrifices. Il faut séduire les marchés, ces dieux païens, cette nouvelle religion. Les Etats demandent de faire des sacrifices aux peuples pour sauver l’euro. La Grèce doit rembourser à un taux d’intérêt compris entre 4 et 8% aux banques prêteuses qui, elles, se fournissent au taux de 1%. Et, pour payer les intérêts, il lui faut emprunter, ce qui permet aux banques de faire des profits. La bataille des retraites doit conduire à la suppression des marchés financiers.
Il faut financer les pensions (18% du PIB, actuellement) sans épargne - les fonds de pension - et se débarrasser de l’épargne lucrative. Il faut supprimer l’épargne, qui est parasitaire, comme l’assurance vieillesse a supprimé les usuriers.
Le prélèvement pour les retraites doit passer de 18 à 30% du PIB en créant une caisse d’investissement (qui ne donne pas lieu à calcul d’intérêt - l’intérêt ne sert qu’en cas d’appropriation privée). La cotisation économique sur la valeur ajoutée par l’entreprise pourrait être égale à 60% du salaire brut (actuellement, pour 100 de salaire, il y a 83 de cotisations).
Tout cela suppose un changement de la création monétaire. Les retraités font des choses utiles, mais ce n’est pas du travail. Il faut les financer par prélèvement obligatoire. Les 13% du PIB qui leur sont versés en pensions sont ce qu’ils produisent (en moyenne, 1100 euros pour les femmes et 1600 euros pour les hommes). Nous identifions travail et emploi. Le travail, c’est ce qui nous aliène dans l’emploi. N’avons-nous pas assez d’expérience du capitalisme pour en sortir ? Il n’y a pas de solidarité intergénérationnelle. Nous sommes sous le joug de l’emploi. 13% du PIB vont à des gens qui travaillent en étant libérés de l’emploi.
Changer la création monétaire
Le discours misérabiliste nous tue. Tout va mal, réformons, c’est ce qu’on nous martèle.
Seules les banques commerciales peuvent créer de la monnaie, quand elles prêtent aux entreprises. Dans la société capitaliste, tout tourne autour de la marchandise. Ce qui n’est pas marchand est de la dépense. Ce sont les luttes qui ont permis de reconnaître le non marchand. Même les médecins libéraux sont dans le non marchand.
Créer la monnaie, c’est anticiper la production. La marchandise donne lieu à un profit non réinvesti, à un salaire, net d’impôt - qui a produit la marchandise - et à l’impôt. Le travail des retraités transite par la marchandise. La cotisation est la nécessaire reconnaissance de leur travail, mais cela ne nécessite pas de création monétaire. Les banques sont prédatrices, il faut s’en débarrasser. On crée la monnaie quand on attribue une qualification à une personne.
En réponse aux questions de la salle
Le revenu universel est une fausse bonne idée. La croissance capitaliste, lucrative, prédatrice, doit disparaître, ainsi que le marché du travail. Il faut transformer l’activité en travail. C’est ce qui s’est passé en France quand les infirmières religieuses, dans les années 1950, sont passées du bénévolat au salariat. Le PIB a été augmenté, sans changement de la production. C’est ce qui se passe aujourd’hui avec les services à la personne, qui augmentent le PIB, pas la production.
Les retraités créent plus de lien social que 4000 kilomètres d’autoroute. Il faut engager la bataille révolutionnaire, une croissance non prédatrice (pas la décroissance, 4000 M² d’euros de PIB en 2050), le travail avec des contraintes, une hiérarchie élective et des échéances qui ne soient pas celles du marché. Réformer, c’est changer en pire. Mieux vaut la révolution.
Salaires et qualification : de 2000 euros (à la sortie de l’école) à 10000 euros par mois, en fin de carrière. L’école certifie mais ne détermine pas le salaire. La référence, en matière de qualification, est la validation des acquis de l’expérience (VAE). L’employabilité, en fonction de la capacité dont elle fait preuve, c’est la destruction d’une personne. La qualification, c’est à l’opposé. Cela existe déjà dans le cadre de grille et de convention collective. Le premier poste qualifie la personne. C’est le poste, et non la personne, qui est qualifié. Beaucoup d’animateurs de collectifs (employeurs) souffrent dans leur fonction d’employeurs.
Cette démarche n’est pas utopique, mais révolutionnaire. Elle consiste à tirer l’émancipation de la réalité. Si ce n’est pas nous, au Front de Gauche, qui mettons la révolution en place centrale dans notre discours public, qui le fera ?
Il faut sortir du capitalisme, dont la vision est totalitaire, systémique, en raison de la contradiction au travail. Ce n’est pas du gauchisme. C’est lire ce qu’il y a d’émancipateur dans la politique.
Le système suédois des retraites est individualiste (j’ai cotisé, j’ai droit). Chacun a son compte individuel de points en fonction de l’espérance de vie de la classe d’âge. On peut prendre sa retraite quand on veut au-delà d’un âge minimal. C’est le système de Thomas Piketty, penseur conjoint du PS et de l’UMP.
La solidarité est un mot dangereux pour les partisans d’une réforme systémique (Chérèque). Quand la réforme est faite, on ne discute plus, on ne change plus rien (taux de cotisation fixé à 16% pour 50 ans). En Suède, il n’y a de travail que dans l’emploi (salaire). La cotisation n’est pas la reconnaissance d’une qualification. C’est un revenu différé
Aucun parti, aucun syndicat, ne revendique d’augmenter la cotisation patronale. Tous les gouvernements ont été battus sur la question des retraites. Mais la pression de la classe dirigeante est forte. Nous pouvons sortir du capitalisme.
Le système suédois est le plus astucieux pour nous faire rester dans le système. Les sociaux et chrétiens démocrates veulent des pensions de répartition de haut niveau, qui permettent d’épargner sur les marchés financiers. Les retraites sont une garantie de revenu différé, le taux de financement restant fixe. Le modèle suédois fait glisser du salaire continué vers le salaire différé. C’est donc l’ennemi par excellence.
Cet article est le 20ème sur ce blog dans la catégorie Les retraites